27 JUIN 23 Femmage à Madjiguène CISSE et ITW/musiques de la Cie La Maggese Remue-Méninges Féministe RADIO LIBERTAIRE 89.4 FM

 

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Femmage à Madjiguène Cissé, figure emblématique des « Saint-Bernard » (en 1996) et première porte-paroles de la Coordination nationale des sans papières, décédée le 15 mai 2023. Avec des militantes de la Maison des femmes de Paris

 

Festival La Maggese à la Parole errante à Montreuil : interviews des deux animatrices du festival et  enregistrements lors de l'atelier « Castagnettes toscanes »

 

Informations militantes

Musiques : « Frangines » Anne Sylvestre, « Bladi, mon pays » Souad Massi, « Etranges étrangers » Evasion ,« Les gueux de l’an 2000 » Serge Utgé Royo, « Noir et blanc » de Bernard Lavilliers par Souad Massi et Ismaël  Lo, « Dans nos chants » Edwige et Anne des entresorceleuses .

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La lutte des « Sans-papières ». Entretien de Madjiguene Cissè avec Catherine Quiminal

Madjiguene Cissè et Catherine Quiminal

Les Cahiers du CEDREF ? p. 343-353

https://doi.org/10.4000/cedref.220

 

Durant les années 1970-1980, l'immigration se déclinait au masculin. Les luttes dans lesquelles les femmes africaines ont joué un rôle important, de manière répétée, leur apparition sur la scène publique, leur regroupement dans de multiples associations figurent en bonne place parmi les facteurs qui ont contribué à la visibilité des femmes en migration.

Voici plus de quatre ans que certaines d'entre elles, de nationalités différentes, se sont engagées dans la lutte des sans-papiers. Madjiguene Cissè, présente dès les premiers jours de cette lutte, Déléguée à la Coordination Nationale des sans papiers vient de publier un ouvrage, Parole de sans papier, dans lequel elle consacre un article aux « sans papières ».

Il nous a semblé important, dans le cadre de ce numéro, de lui donner la parole, de l'interroger sur la complexité, parfois la dureté des relations qu'elle a dû tisser avec les femmes et les hommes de ce mouvement, français et étrangers, sur la violence des situations qu'elle a dû affronter.

 

C.Q. : Madjiguène, tu viens de publier un livre Paroles de sans papiers dans lequel tu consacres un chapitre aux « sans papières ». Est-ce toi qui a décliné au féminin cette appellation que le mouvement s’est donnée afin d’éliminer le terme de « clandestin », est-ce une appellation que vous utilisiez entre femmes, qui circulait dans le mouvement ?

M.C. : Oh non ! c’est une appellation qui ne circulait pas dans le mouvement, mais c’est plutôt entre femmes africaines d’origine étrangère et femmes françaises, en rigolant comme cela, on a dit pourquoi on ne dirait pas des sans papières, on a trouvé que ça sonnait bien et depuis lors c’est passé. Même dans la presse. Il y a eu des journaux qui ont parlé des sans papières.

C.Q. : Tu rappelles que dans le Collectif de Saint-Ambroise, dès le début, il y avait un groupe important de femmes, est-ce que tu peux préciser sociologiquement qui étaient ces femmes 

M.C. : Essentiellement, au tout début, il n’y avait que des femmes d’Afrique noire, comme je le dis dans le bouquin, la plupart du Mali, des Sénégalaises aussi, mais on n’était pas très nombreuses les Sénégalaises, on était une vingtaine seulement, quelques femmes guinéennes, puis on a été rejointes par des femmes maghrébines, mais pas nombreuses non plus, elles étaient sept ou huit. Essentiellement le grand groupe c’est les femmes maliennes qui venaient pratiquement toutes d’une région rurale du Mali. Elles avaient tout juste transité par Bamako pour rejoindre leurs maris, c’étaient essentiellement des femmes d’origine paysanne, à part une ou deux, là je parle des Maliennes, parce que les Sénégalaises c’est le contraire, elles sont toutes d’origine urbaine, elles viennent toutes de Dakar, ou d’une grande ville, de Kaolak, etc. Ce sont dans leur majorité des femmes qui n’ont pas de qualification, qui ont des problèmes pour parler le français, et qui rencontrent des problèmes à cause de ce que je viens de dire pour trouver du travail. C’est un peu ça la composition sociologique au niveau des femmes, milieu traditionnel rural, arrivées par le biais du regroupement familial parce qu’il n’y en a presque pas eu qui étaient venues toutes seules. En tant qu’aventurières, il y en a très très peu.

C.Q. : Comment ont-elles osé participer à ce mouvement, s'y engager activement ?

M.C. : Elles ont osé parce que la situation dans laquelle elles vivaient était dure. Elles sont venues en fait retrouver les maris. Elles ne se doutaient pas des problèmes juridiques qu'elles allaient rencontrer. Des fois le mari avait une carte de séjour qu’il n’a pas pu renouveler, mais le plus souvent la femme est venue avec un visa de tourisme de trois mois et est restée, c’est la situation type. Elles  se sont retrouvées rapidement sans papiers. Il y en a eu très peu sur les quatre-vingts qui avaient déjà obtenu les papiers. Mais c’étaient surtout les maris qui étaient « réguliers » et les femmes non. Alors les femmes se sont dit qu’il fallait aussi peut-être rejoindre le mouvement pour pouvoir obtenir les papiers pour elles aussi et c’est ce qui explique que dès le début à Saint-Ambroise déjà il y avait un groupe important de femmes.

C.Q. : Quelles étaient, au début, la ou les positions des hommes quant à la participation des femmes ? Est-ce qu’il y a eu des débats sur cette question ?

M.C. : Oui, il y a eu des débats parce que les hommes ont voulu en fait reconduire le schéma un peu traditionnel africain : c’est-à-dire, les femmes s’occupent du ménage, des enfants, etc., les hommes, du rapport avec la police, les institutions, la politique, schéma peut-être européen même, parce qu’on se rend compte que ce point de vue ça n’a pas beaucoup bougé ici non plus, hein ! Ils ont dit : « Nous on s’occupe de la lutte ». Les femmes ont dit non, « nous on veut les papiers aussi ». Les A.G. ont été mixtes dès le début, mais les hommes nous disaient quand même, « on va élire des délégués, mais c’est pas la peine qu’il y ait des candidates », on leur a dit « pourquoi pas ? ». Toutes les femmes ont réagi comme cela, elles ont dit, « mais nous aussi on est là, on est sans papiers, on a notre mot à dire, on veut aussi que les femmes soient représentées dans le collège des délégués » et c’est ainsi qu’on a pu avoir deux représentantes sur dix. On était deux femmes sur dix délégués au tout début. Mais la deuxième, une Malienne a été tellement traumatisée par les hommes maliens, qu’elle a abandonné, elle ne pouvait pas continuer la course. Ils voyaient d’un mauvais œil qu’une femme soit présente à l’assemblée des hommes, ait son mot à dire, etc., c’était pas simple, elle a dû abandonner parce qu’ils lui disaient, « qu’est-ce que tu fais là », d’autant plus qu’elle était mariée, « pourquoi c’est pas ton mari qui est délégué, pourquoi c’est toi qui es déléguée » c’était cela. C’était pas simple. Il a fallu s’imposer.

C.Q. : Justement je me demandais comment vous avez réussi à vous imposer comme déléguées ?

M.C. : Comme les femmes étaient un groupe nombreux, un groupe important, on a dit « non, on veut des femmes » et les déléguées femmes ont été choisies par l’assemblée grâce aux votes des femmes. Le groupe s’est rendu compte aussi que les femmes apportaient quelque chose d’important et d’intéressant. Les femmes trouvaient qu’on faisait quand même des choses comme elles le souhaitaient et donc elles ont appuyé notre élection, elles ont voté pour nous. Alors. C’est ainsi qu’on a pu avoir deux déléguées femmes pendant un certain laps de temps, et une déléguée qui a dû abandonner devant les attaques répétées des hommes. Ils ont tout fait pour nous décourager, avec moi ça n’a pas marché, et finalement ils m’ont dit « on n’avait jamais vu une femme comme toi ». C’est eux qui ont abandonné.

C.Q. : Tu dis que dans la lutte, les femmes ont eu un rôle particulier. Tu dis, je cite, « un rôle de ciment ». Que veux-tu dire ? Elles étaient conciliatrices quand il y avait des conflits, tu peux préciser un peu ?

M.C. : Quand il y avait des conflits, c’est grâce aux femmes que nous sommes arrivés à les résoudre. Ce sont les femmes qui, par leur perspicacité, par leur sang-froid (elles ont fait preuve de beaucoup de sang-froid) sont arrivées à cimenter le groupe parce que le gouvernement de droite de l’époque a essayé de nous diviser. Les premières propositions c’était « bon d’accord on va faire un groupe plus petit, les autres vont rentrer à la maison ». Là ce sont les femmes qui ont refusé, qui ont dit « non, le groupe il est bien comme cela, si on le scinde déjà, il va être trop petit, est-ce qu’on aura assez de force, etc. », ce sont les femmes qui ont dit « non, l’idée de scinder le groupe n’est pas une bonne idée », et ce sont les femmes qui se sont dit que si jamais les célibataires étaient lâchés, ils n’auraient jamais les papiers, ce qui est vrai aussi, les célibataires c’est le groupe de femmes qui les a protégées en fait parce qu’ils étaient la cible de Debré. Debré, il a dit devant toutes les télés à l’époque « les célibataires, déboutés du droit d’asile, ils n’auront jamais les papiers » c’est ça qu’il avait dit. À chaque fois aussi qu’il y avait des tentatives de divisions comme cela, ce sont les femmes qui ont sauvé la situation. J’ai raconté dans le livre l’épisode du 15ème arrondissement où on nous avait proposé de reloger cinquante familles, même pas toutes les familles. Des familles bien choisies, dont les dossiers étaient bien. Ce sont les femmes qui ont dit non. Les femmes ont dit non, les hommes eux étaient tentés quand même, après l’errance dans Paris, on avait changé d’endroit au moins six, sept fois. Ces hommes étaient tentés de rentrer chez eux et de faire confiance au curé de la paroisse du 15ème. Ce sont les femmes qui ont dit « non ! attention !, le curé déjà nous on ne le connaît pas, il nous a été présenté par SOS Racisme, on a eu de problèmes avec SOS. Est-ce qu’on peut faire confiance au curé ? » Nous on pensait si on lui confie nos dossiers, on revient à la case départ, ça a été l’analyse des femmes après une réunion, tenue entre femmes seulement, où il n’y avait que nous, et quand on est sorties on a convoqué l’assemblée générale, on leur a dit : « Voilà, nous notre décision, c’est simple : on continue ». Et c’est là que les hommes ont dit « Ah ! si les femmes veulent continuer toutes seules, on est obligé de rester avec elles ». C’est un exemple, mais qui s’est répété.

CQ : Vous aviez des réunions de femmes ? Entre femmes seulement ? Des réunions au cours desquelles vous preniez des décisions ?

M.C. : La mairie du 11ème, personne n’était au courant, la manifestation du 11 mai, c’était une décision des femmes. On a occupé la mairie du 13ème, la Journée nationale pour les droits de l’enfant, etc. , les manifestations hebdomadaires devant l’Élysée c’étaient des initiatives prises par les femmes, mais rien qu’entre femmes. Alors moi je pense que quand même c’était important. Il n’y aurait eu au départ que des hommes, la lutte n’aurait jamais eu le même impact, c’est sûr.

C.Q. : Quels types de rapports avez-vous eus avec les associations de femmes ou féministes ?

M.C. : Les associations de femmes ont été les premières à répondre à notre appel, je me souviens à Saint-Ambroise déjà, on a eu les copines de la Maison des Femmes, les copines de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, les copines de la CADAC. Dès Saint-Ambroise, les femmes ont été là, peut être parce qu’il y avait déjà un nombre important de femmes, moi je suis sûre que ça a joué dans la suite. Elles sont venues aussitôt à l’appel, car elles ont vu aussi les femmes à la télé avec les enfants. Elles sont venues, elles ont posé des questions sur la situation des femmes, sur leurs besoins aussi et la chaîne de solidarité a fonctionné aussitôt. Dès qu’elles sont reparties, elles sont revenues avec des duvets, avec du lait, etc. Et c’est là, à Saint-Ambroise que le contact s’est tissé, et les relations ont été très profondes parce qu’on a eu aussi à discuter entre femmes étrangères et françaises, ça c’était important. Comme je l’ai dit dans le bouquin, la complicité est plus facile entre femmes. On s’est vite entendues et l’aboutissement aujourd’hui c’est la création d’un réseau pour l’autonomie juridique des femmes étrangères. C'est important, parce que nous on était dans le groupe mais on avait des problèmes spécifiques que nous vivions parce que nous sommes des femmes, on s’est dit que c’était bien de continuer au-delà de Saint-Bernard avec des femmes de tous collectifs, à discuter sur nos problèmes spécifiques, sur comment essayer d’attirer l’attention des responsables de l’État sur les spécificités de notre situation, etc., et on a même rédigé un manifeste qui a déjà été amendé et qui sera rendu public dimanche 28 novembre à notre réunion à la Maison des Femmes de Paris. C’est un travail vraiment fructueux qui nous a apporté beaucoup. Je pense que nos copines françaises ont beaucoup appris aussi. Il y en avait qui côtoyaient des Africaines pour la première fois. C’est la première fois qu’elles vivaient comme ça avec nous, qu’elles partaient la nuit, on allait chez elles, etc. Il y en a pour qui ça a été une découverte aussi et qui sont même allées jusqu’à faire le voyage en Afrique. On a des copines qui sont parties au Mali, qui sont allées dans des villages où il y avait des sans papiers qu’on connaissait ici. Voilà, ça a été une expérience enrichissante de part et d’autre.

C.Q. : Beaucoup de femmes avaient des enfants, il y a eu des organisations collectives pour permettre aux femmes justement d’être disponibles, de participer aux A.G. pendant le mouvement ?

M.C. : Oui c’est ça qu’on a organisé, et ça on l’a organisé justement avec les femmes françaises qui étaient là. Certaines amenaient les enfants à la ludothèque, amenaient les enfants par exemple assister à un arbre de Noël qui était organisé par un syndicat ou par une autre association. Il y en avait qui s’occupaient d’amener les enfants à l’hôpital quand ils étaient malades, passer la visite, il y en a qui s’occupaient aussi d’organiser des sortes de crèches, par exemple. Nous quand on avait certaines actions dures, il y avait des femmes qui gardaient les enfants pendant que nous on allait occuper ou qu’on était évacués par les C.R.S. ça a été une forme d’organisation très intéressante.

C.Q. : Est ce que les femmes qui ont participé au mouvement se revoient entre elles maintenant ?

M.C. : Oui, bien sûr. Il y a des réunions régulières pour revoir les cassettes, les films (rire), il y a les souvenirs toujours, « Ha la la ! comment il s’appelle ? ». « Ah ! celui-là, on le voit plus ». Il faut dire que ce sont des femmes qui se connaissaient avant, ça c’est important. Ce sont des femmes qui se connaissaient dans la mesure où, en ce qui concerne les Maliennes, elles sont originaires pratiquement toutes de la même région. Des fois c’est des cousines, presque de la même famille, de telle sorte que les liens sont restés, les gens se voient régulièrement dans des fêtes, les baptêmes, les mariages, etc., ou pour organiser tout simplement une fête entre Africains... Les liens sont restés, moi je les vois toutes.

C.Q. : Est-ce que les points de vue des hommes ont un peu changé sur les femmes ?

M.C. : Beaucoup. ça a été une petite révolution même. Je dirais, sans exagérer, parce qu’une lutte c’est la meilleure école de formation, ce que nous avons appris en quatre ans, pratiquement on ne l’aurait jamais appris en dix ans, vingt ans, c’est sûr. Les femmes ont affirmé un besoin d’émancipation. C’est comme cela, et il y a eu même des frictions entre les couples. Il y a des hommes qui trouvaient que leurs femmes exagéraient un peu d’aller à la manif et « de me laisser le bébé, qu’est-ce que ça veut dire, etc ». Mais il y a eu une transformation au niveau du couple traditionnel africain au point où les journalistes qui venaient nous voir s’étonnaient de voir que ce sont les hommes qui faisaient la cuisine. Il y a une équipe de M6 qui vient au 32, qui me dit : « On voudrait bien voir votre cuisine », je les amène, ils ne trouvent que des hommes en train d’éplucher des légumes. « Mais en Afrique ce sont les femmes qui font la cuisine », je leur dis « mais on n’est pas en Afrique justement ! ». Les femmes ont éprouvé ce besoin-là d'être libre, de choisir leurs activités, et l’ont dit, et l'ont imposé. Les hommes ont dû aussi changer un peu leurs façons de faire. On s’est retrouvées avec des hommes qui ont même encouragé leur femmes à suivre des cours d’alphabétisation, parce que nous on organisait aussi des cours d’alphabétisation au sein du groupe, toujours avec une majorité de femmes, étudiantes surtout, et d’autres copines, enseignantes, etc., qui venaient régulièrement donner des cours de français aux femmes. Les hommes ont même accepté que leurs femmes apprennent le français, participent aux actions, et je pense que ça a changé aussi quelque chose, même quand les gens sont retournés à la maison. Une preuve, la plupart ont trouvé du travail par la suite.

C.Q. : C’est une grande école d’intégration, finalement ?

M.C. : La plupart ont trouvé du travail. Elles travaillent, elles vont, elles viennent et dans la lutte pour les papiers les gens ont appris à lutter pour d’autres choses aussi. Quand elles ont obtenu les papiers, ce sont les femmes qui étaient aussi à la pointe du combat pour le logement. Elles se sont battues comme elles le faisaient du temps des papiers. Elles sont allées faire le siège à la Mairie du 10ème. Elles ont dit : « Nous on veut un logement, maintenant on travaille tous les deux, on a de quoi payer »... et il y en a qui commencent à être logées par les mairies. Moi je trouve que ça a été une bonne époque.

C.Q. : Les femmes africaines, finalement sont spécialement dynamiques. Depuis plusieurs années elles participent aux luttes :Square de la Réunion, Boulevard de le Gare, Esplanade de Vincennes, mouvement des sans papiers, elles ont aussi créé beaucoup d’associations de femmes africaines. Est-ce que tu as des idées sur les raisons de ce dynamisme ?

M.C. : Je pense que c’est en Afrique déjà qu’il y a cette façon de se regrouper. C’est quelque chose qu’elles ont importé si tu veux, parce que, en milieu urbain c’est très très frappant, les femmes ont des sortes d’associations par quartiers dans lesquelles elles organisent des tontines par exemple, où elles s’organisent pour aider celles qui traversent des difficultés financières ou autres. Au village aussi c’est pareil, au village c’est encore plus facile, il y a des classes d’âges, des solidarités féminines... Je pense que c’est ça que nous avons transposé ici, parce qu’en Afrique c’est comme ça que ça fonctionne.

C.Q. : Oui, mais en Afrique, dans les villages, elles n’ont pas la parole sur la place publique.

M.C. : Oui mais entre elles, elles ont la parole. Même en ville, elles n’ont pas souvent la parole sur la place publique, mais entre elles, elles ont la parole. Elles s’organisent entre femmes, quoi. Moi je crois que c’est une forme de résistance par rapport au machisme qu’elles vivent, aux statuts, c’est une façon de se protéger. Comme elles n’ont pas tellement la parole, elles se la donnent et essaient de s’organiser entre elles.

C.Q. : Est-ce qu’il y a des choses que tu souhaiterais ajouter concernant ton expérience personnelle, parce que j’imagine que ça a dû être très dur de tenir si longtemps et face à de si nombreux obstacles ?

M.C. : à la conférence de presse, il y a quelqu’un de la C.G.T. qui le disait « C’est une des luttes les plus longues de ce siècle » et des plus dures aussi, parce qu’une lutte qui peut se terminer dans une prison ou dans un centre de rétention, c’est pas facile. Il a fallu faire preuve de courage quand même, et moi j’en profite pour rendre hommage à ces femmes-là, Africaines, mais pas seulement Africaines, il faut le dire. Voilà, c’est ça qu’on avait oublié parce que les autres femmes, si elles n’ont pas été aussi « dynamiques », elles ont été présentes quand même. Les femmes turques (par exemple, le Troisième Collectif), les femmes chinoises qui se sont toujours mobilisées en grand nombre, qui ont été très présentes aussi. Je pense que les femmes, je le dirais sans hésiter, ont été le moteur de cette lutte des sans papiers.

C.Q. : Tu parlais aussi des discriminations. Tu penses que le mouvement a été traité de manière particulière par le gouvernement et par la police, parce qu'il s'agissait d'étrangers, que certains comportements relèvent du racisme ?

M.C. : Oui c’est sûr. Les traitements qu’on a subis, les humiliations, c’est parce que nous sommes étrangers et aussi que nous venons de pays pauvres. Oui, je pense... ils pourraient jamais traiter un groupe d’Allemands comme ils nous ont traités. Oui ce serait le scandale !. Il y a Bonn qui taperait sur la table, le problème c’est qu’avec nous, il n’y a personne qui tape sur la table. Nos ambassadeurs, ils sont contents de faire plaisir à Paris... nos chefs d’État aussi, du reste. Mois je pense que c’est ce qui explique notre désir d’autonomie, tu vois, parce que quand tu te dis : « Moi, je viens d’un pays, mais le gouvernement il ne défend pas mes intérêts, je suis dans un pays étranger mais ma représentation diplomatique je n’ai rien à attendre d’elle. Alors on est obligés de se battre nous-mêmes pour obtenir quoi que ce soit ».

 

POUR CITER CET ARTICLE

Référence papier : Madjiguene Cissè et Catherine Quiminal, « La lutte des « Sans-papières » », Les cahiers du CEDREF, 8-9 | 2000, 343-353.

Référence électronique : Madjiguene Cissè et Catherine Quiminal, « La lutte des « Sans-papières » », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 8-9 | 2000, mis en ligne le 28 août 2009, consulté le 17 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/cedref/220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cedref.220

 

HOMMAGE A MADJIGUENE CISSE FIGURE FEMININE EMBLEMATIQUE DES « SAINT- BERNARD » ET PREMIERE PORTE PAROLE DE LA COORDINATION NATIONALE DES SANS PAPIERS

https://www.rewmi.com/hommage-a-madjiguene-cisse-figure-feminine-emblematique-des-saint-bernard-et-premiere-porte-parole-de-la-coordination-nationale-des-sans-papiers/

La triste nouvelle est terrible, Madjiguène Cissé est décédée ce lundi 15 mai. La stupeur d’une telle perte est grande dans la longue marche des Sans Papiers pour les papiers pour tous.

Madjiguène a symbolisé la détermination et le courage des « Saint-Bernard » à la suite des 314 familles des « Saint-Ambroise » qui, le 18 mars 1996, à peine les derniers soubresauts du formidable mouvement gréviste de Novembre-Décembre 195 éteints, reprirent le relais en ancrant dans le paysage des luttes sociales, démocratiques, anti-racistes et antifascistes, celle des damnés de la terre et du monde du travail que sont les « clandestins » selon l’expression négativement connotée des médias patronaux et gouvernementaux français.

Madjiguène, que l’on appelait affectueusement Maj, fait partie des premiers à avoir propagé l’auto-appellation humanisée et connotée positivement de « Sans Papiers ». Le 23 août 1996, jour du fameux coup de hache et du gazage dans l’Église où étaient accueillis les grévistes et les familles des Sans Papiers, Maj fut d’une bravoure exemplaire qui força l’admiration de tous, Sans Papiers, soutiens ayant formé un bouclier devant les CRS déchaînés.

A chaque tournant de la ballade des Saint Ambroise devenus Saint Bernard, Maj remobilisait les femmes aussitôt suivis des hommes et des familles pour faire rebondir la lutte en lui donnant un nouveau souffle. Voilà pourquoi les vieux sages des Saint Ambroise/Saint Bernard disait de Maj :  » Voilà une femme a qui sied le pantalon en plus du pagne ».

Maj fut la Saint Bernard qui répondit à l’appel de Lille en organisant la visite solidaire et militante aux grévistes de la faim des parents d’enfants français. C’est là où fut lancé l’appel à la fondation de la Coordination Nationale des Sans Papiers (CNSP) qui vit le jour en juillet 1996 à la Bourse du Travail de République à Paris sur la base d’une plateforme revendicative centrée sur la Régularisation globale de tous les Sans Papiers.

Parlant couramment allemand, elle fut la voix des Sans Papiers auprès des démocrates et internationalistes dans la langue de Goethe. Cette silhouette frêle de la « Noire de » sillonna la France entière et plusieurs pays d’Europe pour porter le message du combat des hommes, des femmes et des familles condamnés par le racisme d’État français à alimenter comme main d’œuvre taillable et corvéable sans droit l’économie souterraine du travail dissimulé par les patrons fraudeurs du fisc.

Comment ne pas associer à Maj la figure de Romain Binazon, décédé en 2005 et qui représenta les illégaux jamais hors la loi que sont les Sans Papiers en lutte à Matignon lors de la célébration des 100 ans de la loi de 1901? Comment ne pas se rappeler la complicité et la fraternité militante qui vous liaient à Léon Schwartzenberg, Albert Jacquard, Mgr Gaillot que nous nommions « les Zola et Jaurès de l’affaire Dreyfus, celle de la cause des Sans papiers, de la fin du Xxéme et début du XXIéme siècle ».

La CNSP a été fier de produire des dirigeants nationaux des luttes sociales, démocratiques et antifascistes comme Madjiguène et Romain. Partis trop prématurément, vous restez dans le cœur et la mémoire de vos compagnons de combat qui ne vous oublierons jamais. Maj, repose en paix, la lutte continue. Toutes nos condoléances à ta famille éplorée et à tous les Sans Papiers qui portent ton deuil.

Vendredi 30 juin de 18 à 21 h : présentation du livre « Femmes, chômage, autonomie » avec l'autrice Odile Merckling à la Maison des femmes de Paris, 163 rue de Charenton 75012 Paris

 

“On voulait aider les gens partout où on le pouvait”: Après les inondations au Pakistan, des jeunes femmes prennent la reconstruction en main

Par Amel Ghani

À l’été 2022, Maryam Jamali, 18 ans, regardait les eaux monter dans son village de l’ouest du Pakistan. Elle le faisait chaque année, au moment de la mousson ; puis chaque année, l’eau finissait par contourner Killa Saifullah. Mais cette année n’était pas une année ordinaire : les inondations qui ont frappé le Pakistan en 2022 seraient les pires de l'histoire du pays.

“J'avais ce sentiment de panique : en voyant la quantité de pluie qui tombait, je me disais qu’on allait être inondé·e·s. J'en ai parlé à mes parents et aux autres, mais tout le monde m’a dit d'arrêter d'en parler pour ne pas porter malchance”, raconte-t-elle.

Quelques jours plus tard, ses peurs devenaient réalité. Après six heures de pluie battante, les eaux commençaient à monter à Killa Saifullah. À ce moment-là, l'État avait déjà du mal à fournir de l’aide aux zones inondées, sans parler du petit village de Maryam Jamali dans la province du Baloutchistan.

L’adolescente et sa famille se sont débrouillées pour aider d’autres familles coincées dans leurs maisons pendant que le niveau des eaux continuait de monter. Elle explique que sa connaissance intime de sa propre communauté lui a permis de cibler les personnes qui avaient le plus besoin d’aide. Elle savait, par exemple, quelles familles avaient des femmes veuves à leur tête, qui n’avaient pas le droit de faire la queue en public pour recevoir des aides en raison des coutumes locales.

"Ma famille et moi, nous avons décidé d'aider les gens partout où nous le pouvions, au moins jusqu'à ce que l'aide du gouvernement arrive", a-t-elle affirmé à la newsletter Impact. Puis elles ont réalisé qu’aucune aide n’arriverait.

Les inondations de 2022, qui ont ravagé le Pakistan de juin à août, ont été une catastrophe climatique aux proportions immenses, dont l'ampleur peut être difficile à saisir : un dixième du pays a été inondé, avec quelque 75 000 kilomètres carrés submergés à son pic. Les pluies de mousson, aggravées par un océan Indien qui se réchauffe à toute vitesse, des vagues de chaleur extrêmes et la fonte des glaciers de l’Himalaya, ont été impitoyables.

La province du Sindh a reçu 726 % plus de pluie que la moyenne en août, tandis que le Baloutchistan voisin a connu une augmentation des précipitations de 590 %. Plus de 33 millions de personnes ont été affectées par le carnage, au moins 1 700 personnes ont été tuées et deux millions de personnes déplacées. Mais les inondations ont aussi accéléré l’émergence de mouvements au Pakistan pour lutter contre les effets spécifiques des catastrophes climatiques sur les femmes et les minorités de genre.

Sans aide de la part du gouvernement, Maryam Jamali s'est tournée vers Twitter et a commencé à publier des photos de son village inondé en demandant de l'aide. Le nombre de personnes touchées par les eaux augmentait chaque jour, et dépassait ce que sa famille pouvait aider à elle seule. L'un des groupes qui ont répondu à son appel à l'aide était Mahwari Justice, une initiative de lutte contre la précarité menstruelle lancée au début des inondations.

Quand elle avait 10 ans, Bushra Mahnoor, une des fondatrices de Mahwari Justice, se rappelle avoir vu une fille marcher dans sa ville natale après une inondation, ses vêtements tâchés de sang. Douze ans plus tard, la jeune femme, devenue étudiante en psychologie à Lahore, imagine les millions de filles dans la même situation - sans aucun moyen de gérer leurs règles en pleine crise.

Rapidement, elle commence à entendre des histoires inquiétantes venant des zones inondées comme la ville natale de Maryam Jamali. "Un·e ami·e m'a raconté comment à Lasbela, dans un camp humanitaire, deux sœurs lavaient et se partageaient le même chiffon pendant leurs règles", explique Bushra Mahnoor. "Il y avait un sentiment d'urgence à ce sujet."

La jeune femme s’est tournée vers ses ami·e·s, s’est associée avec l’étudiante en architecture Anum Khalid et a commencé à parler de règles sur un compte Twitter. Les étudiantes ont également lancé une page GoFundMe. À ce jour, elles ont récolté plus de 40 000 € pour lutter contre la précarité menstruelle dans les zones submergées.

Un an après le début des inondations, la fondatrice de Mahwari Justice estime qu’elle a aidé avec succès plus de 100 000 femmes menstruées dans les zones affectées et a réussi à faire entrer la précarité menstruelle dans le débat public au Pakistan. Tout cela grâce à l’aide de nombreuses bénévoles avec lesquelles elles ont travaillé dans les régions inondées.

Au début, les militant·e·s donnaient aux femmes des serviettes et des kits d'hygiène commerciaux traditionnels contenant du savon, de la lessive et des sous-vêtements. Puis, au fur et à mesure qu'elles faisaient des recherches et recevaient des retours de femmes et de bénévoles sur le terrain, elles ont commencé à adapter les kits aux régions où elles les envoyaient, en fonction des produits que les femmes et les filles connaissaient et qui étaient les plus pratiques dans leurs circonstances. Elles ont par exemple ajouté des morceaux de tissu et de ficelle, que certaines utilisent traditionnellement pendant leurs règles.

Les sages-femmes se sont également mobilisées pour fournir des soins de santé aux femmes et aux filles après la catastrophe. En septembre 2022, l'UNFPA estimait que près de 130 000 femmes enceintes au Pakistan avaient des besoins de santé urgents. Alors que les organisations humanitaires comptaient sur les sages-femmes pour aller dans les communautés et sécuriser les accouchements pendant cette période, les militant·e·s affirment que de nombreuses communautés ont été négligées en raison de l'ampleur des inondations.

“Les sages-femmes sont un élément essentiel des communautés ici. Elles restent avec les femmes et s'occupent d'elles pendant les premiers jours après leur accouchement”, explique Sadia Baloch, une bénévole indépendante de 23 ans, qui s’est mobilisée dans sa ville de Jhal Magsi. Elle donne l'exemple d'une sage-femme locale qui s'est rendue elle-même dans tous les camps de déplacé·e·s pour prodiguer des soins. "Cette femme connaissait les femmes et non seulement aidait aux accouchements, mais savait aussi comment leur parler des infections vaginales comme les infections urinaires et proposer des traitements", dit-elle.

Sadia Baloch rapporte qu'il y avait déjà une énorme disparité dans les soins de santé fournis aux femmes par rapport aux hommes dans sa région, et que cela n'a fait qu’empirer pendant le déluge. Dans ce contexte, les pénuries de médicaments pouvaient s'avérer aussi meurtrières que la catastrophe climatique elle-même. Le misoprostol est utilisé partout dans le monde pour calmer les saignements trop abondants après un accouchement et pour déclencher le travail. Il est également utilisé dans le cadre d'un avortement médicamenteux. Mais il manquait au Baloutchistan.

“Il y a eu deux mortes à ma connaissance parce que dans tous les colis de secours que nous avons reçus, le misoprostol n'était pas disponible. La sage-femme locale connaissait le médicament, elle savait comment l'utiliser et l'a demandé, mais il n'était pas disponible”, confie la jeune femme.

Même histoire à Killa Saifullah. La santé des femmes enceintes “a été énormément mise en danger", explique Maryam Jamali. "Beaucoup d'entre elles n'ont pas reçu les soins pré et post-partum dont elles avaient besoin."

Aujourd'hui, Maryam Jamali n’est plus l'adolescente pleine d'espoir et qui militait pour sa communauté qu'elle était à l'été 2022. "J'ai réalisé que peu importe ce que je fais, je ne peux pas compenser l'échec du gouvernement", dit-elle.

Elle continue pourtant de travailler pour s'assurer que la réponse à long terme aux inondations ne laisse pas les femmes et les filles de côté. D’après elle, même si les inondations sont presque sorties du débat public, les habitant·e·s de sa région souffrent toujours. Elle estime que les élu·e·s politiques ont oublié la catastrophe et ne parlent plus des inondations que pour marquer des points politiques dans des conférences internationales.

Mais elle n'a pas oublié, elle. De nombreuses personnes sont toujours sans abri après avoir vu leurs maisons détruites dans des zones qui sont restées submergées pendant des mois après les inondations. "Cela affecte davantage les femmes, parce qu’elles ont plus besoin d'intimité", dit-elle.

Maryam Jamali, du haut de ses dix-neuf ans, a maintenant réorienté ses efforts vers la construction d'abris pour ses voisines.

— Amel Ghani est une journaliste indépendante basée à Lahore, au Pakistan. Elle écrit sur l'immobilier, l'environnement et diverses questions relatives aux droits de l'homme.

— Mythili Sampathkumar est une journaliste indépendante basée à New York.

Source : Impact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier.  Pour s'abonner : https://lesglorieuses.fr/les-newsletters/impact/

 

Des centaines d’enfants nés dans la rue, aucune existence administrative… La réalité méconnue des accoucheuses de rue

ENQUÊTE - En France, le nombre de sans-abris a doublé en 10 ans et dépasserait aujourd’hui les 300.000 individus. L’augmentation de cette population entraîne le développement de l’activité des accoucheuses de rue, des personnes qui s’improvisent sages-femmes pour accompagner les femmes enceintes partout dans le pays.

Mi-juin, une femme Sans Domicile Fixe (SDF) a accouché d’un nourrisson décédé dans les sous-sols de Châtelet à Paris. Comme elle, les femmes contraintes de mettre au monde leurs enfants dans la rue sont nombreuses. « On recense 146 bébés nés dans la rue », affirmait en 2019 Gilles Petit-Gats, alors directeur de la coordination et de l’accueil des familles demandeuses d’asiles au sein de la CASP, une association au service des plus démunis. « Ils n’étaient que 100 en 2018 et 49 en 2017 », ajoute-t-il, témoignant d’une « progression fulgurante ».

Anne Lorient est accoucheuse de rue. Elle nous assure réaliser près de 3 à 4 accouchements par mois en région parisienne. À Paris, elles seraient déjà 5. De nouvelles accoucheuses ont fait leur apparition à Marseille, Lyon et en Corse, notamment à Bastia. Ces femmes sont rassemblées dans un groupe WhatsApp pour s’organiser et s’alerter. Leur but est de s’organiser pour accompagner au mieux ces mères sans domicile. Ce groupe leur permet de récupérer du lait, des couches ou tout autre élément nécessaire pour le nourrisson grâce à une chaîne citoyenne, mais aussi des associations d’entraide comme Un petit bagage d’amour, Féminité sans abris, MyMaraude et d’autres. Les accoucheuses de rue sont très souvent elles-mêmes d’anciennes SDF qui, une fois sorties de la rue, ont décidé de se dévouer pour celles restées en marge. Leur organisation est rodée. Alertées sur les réseaux sociaux ou WhatsApp, elles se rendent aux endroits indiqués avec leur matériel. Leur action, totalement bénévole, est très peu connue. Seuls les Pompiers de Paris sont par exemple au courant de la situation d’Anne Lorient. Elle dispose d’ailleurs d’un numéro spécial pour les alerter en cas d’urgence. Cette femme connaît très bien la réalité de la rue, car elle y a vécu 15 ans et a elle-même eu un enfant dans ces conditions plus que précaires.

https://factuel.media/france/articles/des-centaines-denfants-nes-dans-la-rue-aucune-existence-administrative-la-r_tco_20523819

Pétition à signer : Ne nous cassez pas les dents !

A Thomas Fatôme, Directeur général de la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et à François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention.

 

Nous sommes nombreux à être des “sans dents” comme disait un ancien président. Et nous risquons d’être de plus en plus nombreux.

Combien de fois avez-vous mis fin à des soins dentaires faute de moyens ? Combien de personnes autour de vous l’ont déjà fait ? Combien à avoir supporté la douleur lancinante d’une dent endommagée par crainte d’une facture trop élevée ? Une réalité dont le gouvernement ne semble pas se soucier. Il y a quelques jours, l’Assurance Maladie annonçait à la surprise générale une diminution de sa prise en charge des soins dentaires de 70% à 60%. Cette décision unilatérale et sans concertation annoncée le 15 juin prendra effet à partir du 1er octobre 2023. Cette nouvelle va, encore une fois, se répercuter sur les dépenses des ménages comme s’ils ne souffraient pas déjà suffisamment de l’inflation. En effet, le reste à charge pour les mutuelles augmentera et entraînera de facto une hausse des tarifs de cotisations. Cela même alors que l’accès aux soins dentaires est déjà largement inégalitaire. Fin 2016, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà “une érosion continue des prises en charge par l’assurance maladie”. Le secteur dentaire est celui qui est le plus concerné par les renoncements faute de moyens, cette mesure va venir encore empirer la situation. On ne peut pas laisser passer cela. Aujourd’hui, environ 4% de la population générale française ne bénéficie pas de complémentaire santé. La baisse de la prise en charge de l’Assurance maladie va donc conduire davantage de personnes en situation de précarité à renoncer à leurs soins et cela nous est insupportable.

 

Vendredi 30 juin de 18 à 21 h : présentation du livre « Femmes, chômage, autonomie » avec l'autrice Odile Merckling à la Maison des femmes de Paris, 163 rue de Charenton 75012 Paris

 

“On voulait aider les gens partout où on le pouvait”: Après les inondations au Pakistan, des jeunes femmes prennent la reconstruction en main

Par Amel Ghani

À l’été 2022, Maryam Jamali, 18 ans, regardait les eaux monter dans son village de l’ouest du Pakistan. Elle le faisait chaque année, au moment de la mousson ; puis chaque année, l’eau finissait par contourner Killa Saifullah. Mais cette année n’était pas une année ordinaire : les inondations qui ont frappé le Pakistan en 2022 seraient les pires de l'histoire du pays.

“J'avais ce sentiment de panique : en voyant la quantité de pluie qui tombait, je me disais qu’on allait être inondé·e·s. J'en ai parlé à mes parents et aux autres, mais tout le monde m’a dit d'arrêter d'en parler pour ne pas porter malchance”, raconte-t-elle.

Quelques jours plus tard, ses peurs devenaient réalité. Après six heures de pluie battante, les eaux commençaient à monter à Killa Saifullah. À ce moment-là, l'État avait déjà du mal à fournir de l’aide aux zones inondées, sans parler du petit village de Maryam Jamali dans la province du Baloutchistan.

L’adolescente et sa famille se sont débrouillées pour aider d’autres familles coincées dans leurs maisons pendant que le niveau des eaux continuait de monter. Elle explique que sa connaissance intime de sa propre communauté lui a permis de cibler les personnes qui avaient le plus besoin d’aide. Elle savait, par exemple, quelles familles avaient des femmes veuves à leur tête, qui n’avaient pas le droit de faire la queue en public pour recevoir des aides en raison des coutumes locales.

"Ma famille et moi, nous avons décidé d'aider les gens partout où nous le pouvions, au moins jusqu'à ce que l'aide du gouvernement arrive", a-t-elle affirmé à la newsletter Impact. Puis elles ont réalisé qu’aucune aide n’arriverait.

Les inondations de 2022, qui ont ravagé le Pakistan de juin à août, ont été une catastrophe climatique aux proportions immenses, dont l'ampleur peut être difficile à saisir : un dixième du pays a été inondé, avec quelque 75 000 kilomètres carrés submergés à son pic. Les pluies de mousson, aggravées par un océan Indien qui se réchauffe à toute vitesse, des vagues de chaleur extrêmes et la fonte des glaciers de l’Himalaya, ont été impitoyables.

La province du Sindh a reçu 726 % plus de pluie que la moyenne en août, tandis que le Baloutchistan voisin a connu une augmentation des précipitations de 590 %. Plus de 33 millions de personnes ont été affectées par le carnage, au moins 1 700 personnes ont été tuées et deux millions de personnes déplacées. Mais les inondations ont aussi accéléré l’émergence de mouvements au Pakistan pour lutter contre les effets spécifiques des catastrophes climatiques sur les femmes et les minorités de genre.

Sans aide de la part du gouvernement, Maryam Jamali s'est tournée vers Twitter et a commencé à publier des photos de son village inondé en demandant de l'aide. Le nombre de personnes touchées par les eaux augmentait chaque jour, et dépassait ce que sa famille pouvait aider à elle seule. L'un des groupes qui ont répondu à son appel à l'aide était Mahwari Justice, une initiative de lutte contre la précarité menstruelle lancée au début des inondations.

Quand elle avait 10 ans, Bushra Mahnoor, une des fondatrices de Mahwari Justice, se rappelle avoir vu une fille marcher dans sa ville natale après une inondation, ses vêtements tâchés de sang. Douze ans plus tard, la jeune femme, devenue étudiante en psychologie à Lahore, imagine les millions de filles dans la même situation - sans aucun moyen de gérer leurs règles en pleine crise.

Rapidement, elle commence à entendre des histoires inquiétantes venant des zones inondées comme la ville natale de Maryam Jamali. "Un·e ami·e m'a raconté comment à Lasbela, dans un camp humanitaire, deux sœurs lavaient et se partageaient le même chiffon pendant leurs règles", explique Bushra Mahnoor. "Il y avait un sentiment d'urgence à ce sujet."

La jeune femme s’est tournée vers ses ami·e·s, s’est associée avec l’étudiante en architecture Anum Khalid et a commencé à parler de règles sur un compte Twitter. Les étudiantes ont également lancé une page GoFundMe. À ce jour, elles ont récolté plus de 40 000 € pour lutter contre la précarité menstruelle dans les zones submergées.

Un an après le début des inondations, la fondatrice de Mahwari Justice estime qu’elle a aidé avec succès plus de 100 000 femmes menstruées dans les zones affectées et a réussi à faire entrer la précarité menstruelle dans le débat public au Pakistan. Tout cela grâce à l’aide de nombreuses bénévoles avec lesquelles elles ont travaillé dans les régions inondées.

Au début, les militant·e·s donnaient aux femmes des serviettes et des kits d'hygiène commerciaux traditionnels contenant du savon, de la lessive et des sous-vêtements. Puis, au fur et à mesure qu'elles faisaient des recherches et recevaient des retours de femmes et de bénévoles sur le terrain, elles ont commencé à adapter les kits aux régions où elles les envoyaient, en fonction des produits que les femmes et les filles connaissaient et qui étaient les plus pratiques dans leurs circonstances. Elles ont par exemple ajouté des morceaux de tissu et de ficelle, que certaines utilisent traditionnellement pendant leurs règles.

Les sages-femmes se sont également mobilisées pour fournir des soins de santé aux femmes et aux filles après la catastrophe. En septembre 2022, l'UNFPA estimait que près de 130 000 femmes enceintes au Pakistan avaient des besoins de santé urgents. Alors que les organisations humanitaires comptaient sur les sages-femmes pour aller dans les communautés et sécuriser les accouchements pendant cette période, les militant·e·s affirment que de nombreuses communautés ont été négligées en raison de l'ampleur des inondations.

“Les sages-femmes sont un élément essentiel des communautés ici. Elles restent avec les femmes et s'occupent d'elles pendant les premiers jours après leur accouchement”, explique Sadia Baloch, une bénévole indépendante de 23 ans, qui s’est mobilisée dans sa ville de Jhal Magsi. Elle donne l'exemple d'une sage-femme locale qui s'est rendue elle-même dans tous les camps de déplacé·e·s pour prodiguer des soins. "Cette femme connaissait les femmes et non seulement aidait aux accouchements, mais savait aussi comment leur parler des infections vaginales comme les infections urinaires et proposer des traitements", dit-elle.

Sadia Baloch rapporte qu'il y avait déjà une énorme disparité dans les soins de santé fournis aux femmes par rapport aux hommes dans sa région, et que cela n'a fait qu’empirer pendant le déluge. Dans ce contexte, les pénuries de médicaments pouvaient s'avérer aussi meurtrières que la catastrophe climatique elle-même. Le misoprostol est utilisé partout dans le monde pour calmer les saignements trop abondants après un accouchement et pour déclencher le travail. Il est également utilisé dans le cadre d'un avortement médicamenteux. Mais il manquait au Baloutchistan.

“Il y a eu deux mortes à ma connaissance parce que dans tous les colis de secours que nous avons reçus, le misoprostol n'était pas disponible. La sage-femme locale connaissait le médicament, elle savait comment l'utiliser et l'a demandé, mais il n'était pas disponible”, confie la jeune femme.

Même histoire à Killa Saifullah. La santé des femmes enceintes “a été énormément mise en danger", explique Maryam Jamali. "Beaucoup d'entre elles n'ont pas reçu les soins pré et post-partum dont elles avaient besoin."

Aujourd'hui, Maryam Jamali n’est plus l'adolescente pleine d'espoir et qui militait pour sa communauté qu'elle était à l'été 2022. "J'ai réalisé que peu importe ce que je fais, je ne peux pas compenser l'échec du gouvernement", dit-elle.

Elle continue pourtant de travailler pour s'assurer que la réponse à long terme aux inondations ne laisse pas les femmes et les filles de côté. D’après elle, même si les inondations sont presque sorties du débat public, les habitant·e·s de sa région souffrent toujours. Elle estime que les élu·e·s politiques ont oublié la catastrophe et ne parlent plus des inondations que pour marquer des points politiques dans des conférences internationales.

Mais elle n'a pas oublié, elle. De nombreuses personnes sont toujours sans abri après avoir vu leurs maisons détruites dans des zones qui sont restées submergées pendant des mois après les inondations. "Cela affecte davantage les femmes, parce qu’elles ont plus besoin d'intimité", dit-elle.

Maryam Jamali, du haut de ses dix-neuf ans, a maintenant réorienté ses efforts vers la construction d'abris pour ses voisines.

— Amel Ghani est une journaliste indépendante basée à Lahore, au Pakistan. Elle écrit sur l'immobilier, l'environnement et diverses questions relatives aux droits de l'homme.

— Mythili Sampathkumar est une journaliste indépendante basée à New York.

Source : Impact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier.  Pour s'abonner : https://lesglorieuses.fr/les-newsletters/impact/

 

Des centaines d’enfants nés dans la rue, aucune existence administrative… La réalité méconnue des accoucheuses de rue

ENQUÊTE - En France, le nombre de sans-abris a doublé en 10 ans et dépasserait aujourd’hui les 300.000 individus. L’augmentation de cette population entraîne le développement de l’activité des accoucheuses de rue, des personnes qui s’improvisent sages-femmes pour accompagner les femmes enceintes partout dans le pays.

Mi-juin, une femme Sans Domicile Fixe (SDF) a accouché d’un nourrisson décédé dans les sous-sols de Châtelet à Paris. Comme elle, les femmes contraintes de mettre au monde leurs enfants dans la rue sont nombreuses. « On recense 146 bébés nés dans la rue », affirmait en 2019 Gilles Petit-Gats, alors directeur de la coordination et de l’accueil des familles demandeuses d’asiles au sein de la CASP, une association au service des plus démunis. « Ils n’étaient que 100 en 2018 et 49 en 2017 », ajoute-t-il, témoignant d’une « progression fulgurante ».

Anne Lorient est accoucheuse de rue. Elle nous assure réaliser près de 3 à 4 accouchements par mois en région parisienne. À Paris, elles seraient déjà 5. De nouvelles accoucheuses ont fait leur apparition à Marseille, Lyon et en Corse, notamment à Bastia. Ces femmes sont rassemblées dans un groupe WhatsApp pour s’organiser et s’alerter. Leur but est de s’organiser pour accompagner au mieux ces mères sans domicile. Ce groupe leur permet de récupérer du lait, des couches ou tout autre élément nécessaire pour le nourrisson grâce à une chaîne citoyenne, mais aussi des associations d’entraide comme Un petit bagage d’amour, Féminité sans abris, MyMaraude et d’autres. Les accoucheuses de rue sont très souvent elles-mêmes d’anciennes SDF qui, une fois sorties de la rue, ont décidé de se dévouer pour celles restées en marge. Leur organisation est rodée. Alertées sur les réseaux sociaux ou WhatsApp, elles se rendent aux endroits indiqués avec leur matériel. Leur action, totalement bénévole, est très peu connue. Seuls les Pompiers de Paris sont par exemple au courant de la situation d’Anne Lorient. Elle dispose d’ailleurs d’un numéro spécial pour les alerter en cas d’urgence. Cette femme connaît très bien la réalité de la rue, car elle y a vécu 15 ans et a elle-même eu un enfant dans ces conditions plus que précaires.

https://factuel.media/france/articles/des-centaines-denfants-nes-dans-la-rue-aucune-existence-administrative-la-r_tco_20523819

Pétition à signer : Ne nous cassez pas les dents !

A Thomas Fatôme, Directeur général de la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et à François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention.

 

Nous sommes nombreux à être des “sans dents” comme disait un ancien président. Et nous risquons d’être de plus en plus nombreux.

Combien de fois avez-vous mis fin à des soins dentaires faute de moyens ? Combien de personnes autour de vous l’ont déjà fait ? Combien à avoir supporté la douleur lancinante d’une dent endommagée par crainte d’une facture trop élevée ? Une réalité dont le gouvernement ne semble pas se soucier. Il y a quelques jours, l’Assurance Maladie annonçait à la surprise générale une diminution de sa prise en charge des soins dentaires de 70% à 60%. Cette décision unilatérale et sans concertation annoncée le 15 juin prendra effet à partir du 1er octobre 2023. Cette nouvelle va, encore une fois, se répercuter sur les dépenses des ménages comme s’ils ne souffraient pas déjà suffisamment de l’inflation. En effet, le reste à charge pour les mutuelles augmentera et entraînera de facto une hausse des tarifs de cotisations. Cela même alors que l’accès aux soins dentaires est déjà largement inégalitaire. Fin 2016, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà “une érosion continue des prises en charge par l’assurance maladie”. Le secteur dentaire est celui qui est le plus concerné par les renoncements faute de moyens, cette mesure va venir encore empirer la situation. On ne peut pas laisser passer cela. Aujourd’hui, environ 4% de la population générale française ne bénéficie pas de complémentaire santé. La baisse de la prise en charge de l’Assurance maladie va donc conduire davantage de personnes en situation de précarité à renoncer à leurs soins et cela nous est insupportable.

 

Au pays de la Sécu et des conquêtes sociales, on ne peut pas assister sans rien faire à ce démantèlement obscène de nos droits pour des raisons financières lorsque les plus riches n’ont de cesse de voir leur fortune augmenter.

Mais ensemble, nous pouvons faire pression sur la CNAM pour qu’elle renonce à cette injustice !

https://speakout.lemouvement.ong/campaigns/dents-assurance-maladie

 

Publications

 

Le féminisme est la force qui transforme le monde. Analyse de Yıldız Temürtürkan sur les 25 ans de luttes de la Marche Mondiale des Femmes

 

Cette année, nous célébrons le 25ème anniversaire de la Marche Mondiale des Femmes, avec notre devise : « La force féministe pour transformer le monde ». Notre mouvement féministe et populaire s’est constitué en 1998, dans une décennie connue comme l’apogée du néolibéralisme. En tant que féministes, nous avons dit « Non ! » et nous avons proposé une alternative, avec la construction du premier mouvement féministe pour combattre les politiques néolibérales au niveau mondial.

Bien qu’il semblait y avoir un supposé consensus sur un agenda féministe institutionnalisé au sein des Nations Unies (ONU), les groupes populaires qui ont répondu à l’appel pour la création de la Marche Mondiale des Femmes partageaient une vision critique de la façon dont, au nom des droits des femmes, l’offensive de la mondialisation néolibérale était légitimée et renforcée. Nous l’avons ressenti dans chacun de nos pays, dans notre vie quotidienne.

Ce qui nous a unies, ce sont nos luttes contre les causes profondes de la pauvreté et de la violence à l’égard des femmes. Ce faisant, nous affrontons le capitalisme et le patriarcat en tant que système, et pas seulement leurs impacts sur la vie des femmes. Notre force vient d’une vision politique bien définie dans toute notre organisation populaire, qui relie les luttes locales aux luttes internationales. Nous sommes très fières d’exister en tant que mouvement féministe international permanent depuis 25 ans.

Valeurs et principes organisationnels

Nous sommes des féministes politiques, mais nous sommes autonomes par rapport aux pouvoirs politiques. Dès le début, le maintien de notre autonomie financière et politique a été une stratégie très importante pour notre mouvement. Notre diversité fait notre force. Cinq régions font partie de notre mouvement : les Amériques, l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (Middle East and North of Africa— Mena) et l’Asie-Pacifique. Au sein du mouvement, la direction est en commun. Toutes les décisions générales relatives au mouvement sont prises avec les représentantes des régions, qu’il s’agisse de décisions liées à notre stratégie, à nos actions internationales, à nos documents politiques qui guident nos processus, etc. Toutes ces caractéristiques nous ont donné la force de survivre pendant toutes ces années, et de continuer à construire ce chemin, en marche jusqu’à ce que nous soyons toutes libres.

Construire notre analyse et notre programme politique

Notre analyse du monde dans lequel nous vivons est essentielle à notre lutte commune. Nous comprenons le système enchevêtré d’oppressions : capitalisme-patriarcat-racisme-colonialisme. Nos luttes combattent ce système et placent également notre interdépendance en tant qu’êtres humains par rapport à la nature au centre de nos alternatives. Notre stratégie de lutte est cohérente avec la réalité des femmes à travers le monde. Nous construisons notre mouvement en alliance avec d’autres mouvements sociaux internationaux ; des alliances qui nous permettent de renforcer les luttes anticapitalistes, en mettant le féminisme au centre.

Nous apprenons des luttes locales ainsi que des connaissances et savoirs des femmes autochtones du monde entier. Notre programme est fondé sur la mémoire de nos peuples et de nos luttes. Cette connaissance et cette mémoire sont très importantes aujourd’hui, car notre société est devenue une société de survie. Pour survivre et continuer à maintenir la vie sur la planète, nous devons apprendre les unes des autres. Et nous devons transformer le système. Dans le capitalisme, il n’y a pas de place pour la liberté et l’égalité des femmes, pour la nature et le respect des modes de vie des peuples autochtones, pour la paix et la souveraineté populaire.

L’exploitation de notre travail et de nos corps est liée à la colonisation de nos territoires. Nos corps et nos territoires sont soumis aux intérêts du capital par le biais de la violence. La violence à l’égard des femmes, les guerres et la militarisation sont des instruments qui permettent de maintenir ce système de domination, de perpétuer la domination du patriarcat capitaliste, colonialiste et impérialiste.

Les problèmes et les luttes auxquels nous sommes confrontées sont mondiaux, ce qui nous amène à proposer des solutions au niveau mondial, sur la base de nos territoires. Les pandémies, la crise climatique, l’extractivisme et la militarisation sont des défis universels causés par le patriarcat, le capitalisme, le racisme et le colonialisme. Cela nous met au défi de développer une stratégie globale pour s’attaquer à ces problèmes, tout en dénonçant la fausse solution proposée par le même système, dirigé par les sociétés transnationales.

À notre époque, nous devons transformer les sociétés dans lesquelles nous vivons. Transformer les sociétés signifie, en même temps, transformer les relations de pouvoir entre hommes et femmes, riches et pauvres, en allant dans le sens de l’égalité et de la justice. En même temps, il est impossible d’y parvenir dans un seul pays. C’est pourquoi nous affrontons l’impérialisme et le colonialisme, construisant un féminisme internationaliste fondé sur une solidarité concrète.

L’économie féministe comme stratégie

Nos actions et nos mouvements internationaux nous ont donné suffisamment de courage et de confiance pour oser et travailler dans la fosse aux lions qu’est l’économie. L’économie est au centre des relations de pouvoir. Actuellement, nous proposons la subversion de l’économie capitaliste par ce que nous appelons l’économie féministe : notre proposition alternative pour la transformation de ce monde, pour combattre le patriarcat capitaliste et sauver les vies de la planète, non seulement humaines, mais toutes les vies.

Ce que nous avons appris de la pandémie, de toutes les catastrophes naturelles aggravées par le changement climatique (typhons, tremblements de terre, inondations) et de la contamination causée par les armes et les puissances nucléaires, c’est que, pour continuer à vivre, nous avons besoin les unes des autres. Nous sommes interdépendantes. La seule issue est de reconstruire les biens communs et les communautés avec solidarité. Nous sommes également écodépendantes et faisons partie de la nature. Si la nature est détruite, nous ne survivrons pas. Il est important d’apprendre les unes des autres avec nos expériences et nos connaissances car, comme l’a dit Rosa Luxemburg, « nous gagnerons si nous n’oublions pas d’apprendre ».

En 2023, nous célébrons les 25 ans de notre mouvement et sommes sur la voie de la construction de notre 13ème rencontre internationale. Nous appelons toutes les régions à nous rejoindre dans ce processus de construction globale de notre mouvement ! Nous résistons pour vivre, nous marchons pour transformer !

 

Cet article est une adaptation du discours de Yıldız Temürtürkan au Forum sur le changement climatique et les forces armées organisé par la Marche Mondiale des Femmes à Bali le 11 mai 2023. Yıldız Temürtürkan est la coordinatrice internationale de la Marche Mondiale des Femmes.

Édition de Bianca Pessoa et Tica Moreno
Traduit du portugais par Claire Laribe

https://capiremov.org/fr/analyse/le-feminisme-est-la-force-qui-transforme-le-monde/

 

Expos, cinéma, spectacles...

 

"De l’invisible au Visible : Moudjahidate, Femmes combattantes"

Apexart Gallery, New York du 28 Mai au 31 Juillet 2021.

https://nadjjamakhlouf.wixsite.com/photographe

 

La série photographique retrace l’histoire des femmes qui se sont battues pendant la guerre d’indépendance en l'Algérie.

A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, je voulais retrouver et rencontrer toutes ces femmes qui ont participé de près ou de loin à cette guerre. Ces femmes de l'ombre qui ont bravé les interdits et sacrifié leurs vies en rejoignant les hommes au combat.

Activiste syndicale, infirmière, gynécologue, dactylo, comédienne, agent de liaison, poseuse de bombes, éclaireuse, ou encore psychiatre au coté de Frantz Fanon, elles ont rempli toutes les fonctions : De la logistique à l’intendance en passant par la lutte armée et l’encadrement politique.

Ces Femmes invisibles, qui ont joué le même rôle que les hommes et qui sont, pourtant, restés dans l'ombre, sont de confessions religieuses différentes (chrétiennes, juives, musulmanes ou athées) et ont joué un rôle déterminant dans la libération du pays. En faisant, les mêmes choses que les hommes, elles parviennent à donner de la crédibilité et du pouvoir à toutes les femmes du pays, qui jusqu'alors n'en avaient pas. Ce sont elles qui ont ouvert la brèche pour permettre aux femmes algériennes d'aujourd'hui, d'avoir plus de droits et de liberté.

Ces femmes combattent doublement : Se libérer du patriarcat (le père, le frère et/ou l'oncle) en combattant le colonisateur.

Ce projet est un regard sur l’histoire autant qu’une réflexion sur le présent : Que sont devenus nos combats d’hier ? Comment ces femmes autrefois pionnières et insoumises ont-elles pu disparaître de la mémoire de leur pays? Quel constat doit-on faire sur la condition des femmes en Algérie aujourd’hui ?

Entre amertume et espérance, cette installation photographique nous pousse à réfléchir sur l’histoire de la guerre d’Algérie racontée, pour la première fois, par ses femmes.

 

Yoff N'gor, plage de pécheurs à quelques kilomètre de Dakar, Sénégal.

Pendant plus de deux mois, je suis restée chez une famille de pêcheurs sur l'île Yoff N'Gor. 

J'ai suivi et accompagné ces hommes et ces femmes qui vivent de la pêche et dont les enfants seront eux aussi des pêcheurs.

Les hommes sont ceux qui se lévent tôt pour aller pêcher, dans un bateau de fortune, ils se lévent dés 5h du matin et reviennent généralement autour de 12h. Dés l'arrivage, les femmes ​​se hâtent à récuperer le poisson pour aller le vendre au marché, généralement accompagné d'un enfant pour l'aider.

En régle générale, les enfants ne vont pas beaucoup à l'école. Ils jouent à la plage et s'entrainent à l'aide du fil de pêche pour pêcher les poissons qui seraient prés de la marée base.

 

 

En défense de la poésie cubaine : trois poèmes de Nancy Morejón

Le retrait d'un hommage à la poète Nancy Morejón au Marché de la poésie de Paris a suscité l'indignation internationale et une campagne de solidarité avec Cuba

« Je suis une création de la Révolution cubaine », a récemment déclaré au Magazine Mujeres la poète, traductrice et critique littéraire Nancy Morejón. L’auteure propose la poésie comme un bien commun, une expérimentation en faveur de la paix, de la transformation et de la justice sociale. Nancy a un rôle actif dans les circuits artistiques de Cuba, ayant été, pendant des années, directrice du Centre d’études caribéennes de la Casa de las Américas.

Elle a reçu quatre fois le Prix de la critique pour ses livres Nación y mestizaje en Nicolás Guillén [Nation et métissage chez Nicolás Guillén] (1982), Piedra pulida [Pierre polie] (1986), Elogio y paisaje [Louange et décor] (1997) et La Quinta de los Molinos [La Quinta des Moulins] (2000). En 2001, elle a remporté le Prix National de Littérature de Cuba et en 2006 le Prix International de la Couronne d’Or de Macédoine. En cette année 2023 elle devait être nommée présidente d’honneur du Marché de la poésie de Paris, mais sa nomination a été retirée. L’exclusion a déclenché une campagne de solidarité internationale envers le peuple cubain, qui souffre des multiples formes de blocus et de pression impérialiste. La campagne a réuni des organisations politiques du monde entier et des collectifs artistiques tels que le Mouvement mondial de la poésie.

« Une femme noire engagée depuis des années dans la lutte pour la paix, contre le racisme et les inégalités sociales et de genre et pour la liberté des peuples » : c’est ainsi que la Fédération des femmes cubaines [Federación de Mujeres Cubanas – FMC] décrit Nancy Morejón. Pour la FMC, l’événement est une manifestation de violence politique. « C’est une nouvelle attaque de la guerre culturelle contre Cuba, contre une femme qui se tient aux côtés des femmes cubaines et partage leurs batailles pour l’émancipation, qui a présents dans son œuvre poétique des rêves et des défis qui dépassent nos frontières. », elle a déclaré dans une note à la Fédération.

Dans un communiqué, l’Union internationale des éditeurs de gauche a dénoncé les secteurs conservateurs qui ont poussé au retrait de la nomination, liés au PEN Club français. « Cette décision va non seulement à l’encontre de tous les principes de la liberté d’expression et des idées, mais se rend aussi aux exigences de la censure de la droite et légitime les attaques systématiques des États-Unis, de l’Europe et des intérêts du capitalisme mondial contre la culture et la société cubaines ».

Dans les réseaux sociaux, parallèlement aux manifestations de soutien, le hashtag #CubaEsCultura a été largement utilisé. Et, pour diffuser l’accès à cette culture et soutenir la reconnaissance artistique des femmes combattantes dans le monde, nous publions ci-dessous trois poèmes de Nancy Morejón en traduction libre du Capire : « Requiem pour la main gauche », « Cimarrones »1 et « Renaissance ».

 

Requiem pour la main gauche

Pour Marta Valdés

Sur une carte, il est possible de tracer toutes les lignes
Horizontales, verticales, diagonales
Du méridien de Greenwich au golfe du Mexique
Que plus ou moins
Appartient à notre idiosyncrasie
Aussi il y a des cartes grandes, grandes et grandes
Dans l’imaginaire
Et des infinis globes terrestres
Marta
Mais aujourd’hui j’ai le sentiment que sur une très petite carte
Minimale
Dessinée sur une feuille de cahier d’écolier
Peut rentrer toute l’histoire
Toute.

 

Cimarrones
Quand je regarde en arrière
et je vois tellement de noirs
quand je lève les yeux
ou je les baisse
et ceux que je vois sont noirs
quelle joie de nous voir si nombreux
tellement ;

on nous appelle la ‘minorité’
et pourtant
je nous vois encore
C’est ce qui honore notre lutte
sortir dans le monde et continuer à nous voir,
dans les Universités et les Favelas,
dans les Métros et les Gratte-ciel,
entre virages et mutations
balayant la merde
accouchant des vers.

 

Renaissance
Fille des eaux de la mer
endormies dans ses entrailles,
je renais de la poudre
qu’un fusil de guérilla
a étalé sur la montagne
pour que le monde renaisse à son tour
pour faire revivre toute la mer,
toute la poudre
toute la poudre de Cuba

Cimarrón, c’est, dans certains pays d’Amérique hispanique, la désignation des descendants d’Africains et Africaines qui ont résisté à la domination coloniale espagnole et à l’esclavage, construisant des colonies et des communautés indépendantes dans des régions éloignées de l’endroit où ils ont été réduits en esclavage. Aujourd’hui, le mot continue d’être utilisé par les militant.e.s noir.e.s qui revendiquent cette histoire de résistance.

Rédaction par Helena Zelic et soutien de Marilys Zayas - Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves - https://capiremov.org/fr/culture-fr/en-defense-de-la-poesie-cubaine-trois-poemes-de-nancy-morejon/

 

 

La sculture céramique. Toucher terre du 15 avril au 17 décembre 2023

L’Espace Monte-Cristo présente, à travers une sélection d’œuvres de la Collection Fondation Villa Datris, sa nouvelle exposition réunissant plus de 50 céramiques d’artistes français et internationaux autour du thème de la terre. Nous partons à la découverte de la matière, plongés dans une forêt primitive abritant différentes espèces animales et végétales, à la rencontre de créatures inspirées par la Nature, les mythologies ou encore les contes.

Des entrailles de la terre comme témoin archéologique de notre civilisation, jusqu’à l’intimité de l’atelier où règnent l’accident et le contrôle, le hasard comme la chance, la céramique nous révèle ses forces et ses faiblesses.

Visite à la lampe torche samedi 8 juillet, de 22h à 23h

Gratuit, sur réservation - Tout public

À la tombée du jour, venez (re)découvrir les œuvres, leurs matières et leurs aspérités à la lueur d’une lampe torche. Guidés par une médiatrice, vous évoluerez entre ombre et lumière et pourrez vous immerger dans la nature foisonnante des patios, sous un ciel étoilé

https://fondationvilladatris.fr/évènement/visite-a-la-lampe-torche/

Espace Monte-Cristo                      9, Rue Monte-Cristo                       75020 Paris

 

Anna-Eva Bergman « Voyage vers l'intérieur » - Du 31 mars au 16 juillet 2023

Le Musée d’Art Moderne de Paris présente la première grande rétrospective consacrée à l’artiste norvégienne Anna-Eva Bergman (1909-1987), figure-clé de la peinture de l’après-guerre, artiste libre et visionnaire, dont l’œuvre plastique, caractérisée par l’emploi de la feuille d’or ou d’argent, est une puissante célébration de la beauté de la nature, des paysages du Nord et de la Méditerranée.

Exposée dans le monde entier de son vivant (notamment au Musée d’Art Moderne de Paris en 1977 mais aussi en Italie, Allemagne ou en Norvège), Anna-Eva Bergman reste cependant insuffisamment reconnue en Europe. Son oeuvre au langage pictural singulier, fondé sur un vocabulaire de formes pures, demande aujourd’hui à être reconsidérée plus largement dans le champ de l’histoire de l’art aux côtés du travail d’autres grandes artistes femmes comme Hilma af Klint, Georgia O’Keeffe ou encore Sonia Delaunay qui ont été ses contemporaines.

Proposant un panorama de toute sa production et composée de plus de 200 oeuvres, l'exposition fait suite à la rétrospective consacrée en octobre 2019 par le MAM à Hans Hartung, qui fut aussi l’époux de l’artiste.

À cette occasion, le musée présente Stèle n°2, 1964, acquise du vivant de l'artiste ainsi que la centaine d'oeuvres provenant du don exceptionnel consenti par la Fondation Hartung-Bergman au MAM en 2017. Cet ensemble est complété par des photographies, dessins et documents d'archives dont de nombreux inédits, provenant des collections de la Fondation à Antibes.

Dans le catalogue, les auteurs détaillent notamment la richesse des techniques plastiques abordées par Bergman et l’usage très spécifique d’un matériau devenu sa signature : la feuille de métal (or, argent, aluminium, étain, cuivre, plomb, bismuth). Différents essais s’attachent, en outre, à creuser le rapport d’Anna-Eva Bergman au dessin et à la caricature, à l’architecture, son emploi du Nombre d’or, ainsi que la réception et l’exposition de son oeuvre après-guerre, sa relation aux grands maîtres du passé et à ses contemporains comme Barnett Newman, Ad Reinhardt ou Mark Rothko.

Le Musée d’Art Moderne de Paris a collaboré étroitement avec la Fondation Hartung-Bergman à Antibes ainsi qu’avec le Nasjonalmuseet à Oslo, qui lui consacrera à son tour une exposition du 16 novembre 2023 au 25 février 2024.

 

 


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