23 MAI 2023 Odile MERKLING, autrice Remue Méninges Féministe RADIO LIBERTAIRE 89.4 FM

 

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Une interview d'Odile Merkling, autrice de « Femmes, chômage et autonomie. Des droits sociaux pour abolir la précarité et le patriarcat », paru aux Editions Syllepse

https://www.syllepse.net/femmes-chomage-et-autonomie-_r_22_i_1027.html

 

Musiques : "Frangines" Anne Sylvestre (indicatif début) : “30 ans de boite” José Anne Micha, ”Chacharom” Avishai Cohen Trio”, “Think” Aretha Franklin,  “Le chant des chomeurs et des chomeuses” Rosalie Dubois, “Bidonville” Claude Nougaro, “Toujours rebelles, toujours debout” Dominique Grange, “Because the night” Patti Smith, “Dans nos chants” Edwige et Anne des entresorceleuses (indicatif fin) .

 

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Un empire bon marché : histoire et économie politique de la colonisation française

https://theconversation.com/un-empire-bon-marche-histoire-et-econo...

26 mars 2023, Denis Cogneau  Economiste, Institut de recherche pour le développement (IRD)

 

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l’ouvrage de Denis Cogneau, « Un empire bon marché : histoire et économie politique de la colonisation française, XIXe-XXIe siècle » paru aux Éditions du Seuil dans la collection « Eco-histoires » en janvier 2023.

Grâce à un long travail d’archives et d’analyse statistique, l’auteur y décrit les États coloniaux et leur fonctionnement – à travers notamment la fiscalité, le recrutement militaire, les flux de capitaux et les inégalités. Il montre que l’empire a peu coûté à la métropole jusqu’aux guerres d’indépendance, et que les capitaux français n’ont pas ruisselé vers les colonies. La « mission civilisatrice » que la République française s’était assignée n’a donc pas débouché sur le développement des pays occupés, et c’est plutôt un régime à la fois violent et ambigu qui s’y est établi. De fait, le régime colonial a surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. Quant aux élites nationalistes, elles ont le plus souvent reconduit un État autoritaire et inégalitaire après les indépendances.

L’un des aspects les plus frappants du colonialisme français des XIXe et XXe siècles est son faible coût pour la métropole. La mise sous tutelle d’un ensemble de pays couvrant une superficie vingt fois supérieure à celle de la France a peu demandé au contribuable métropolitain. [...]


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Au total, sur plus d’un siècle, entre 1833 et 1939, la domination coloniale n’a coûté au contribuable métropolitain que 0,5 % du revenu national, en moyenne et annuellement. Le fonctionnement des États coloniaux a été principalement financé par les impôts prélevés sur les autochtones colonisés, et sur les colons ou expatriés européens présents sur place, même si ces derniers ont bénéficié d’un traitement fiscal généreux.

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Après la Seconde Guerre mondiale, la volonté de s’accrocher à l’empire colonial a certes fini par coûter cher. Les guerres d’Indochine puis d’Algérie, et la nécessité d’accroître partout la présence armée, ont conduit à des dépenses militaires dépassant 2,5 % du PIB en moyenne annuelle, sur la période 1946-1962. Au même moment, les plans de développement économique et social lancés par la métropole ont cherché à atteindre le même objectif de manière pacifique, trop peu et trop tard. Les subventions civiles atteignent alors une moyenne de 0,5 % du PIB, si bien que l’empire coûte 3 % de son revenu au contribuable français. De ce fait, les indépendances conduiront à une économie substantielle.

 

1 % du PIB français

Entre 1833 et 1962, les colonies auront donc coûté annuellement un peu plus de 1 % du PIB français en argent public ; comme on vient de le voir, cette moyenne recouvre cependant deux périodes très contrastées : 0,5 % avant-guerre, 3 % après-guerre. La colonisation n’a pas instauré un grand transfert de ressources entre la métropole et ses sujets, auxquels par ailleurs on a dénié l’essentiel des droits politiques, jusqu’au dernier moment.

Financée principalement par les impôts prélevés sur place, l’action des États coloniaux a été fortement contrainte par des coûts d’opération, notamment salariaux, très élevés. Du coup, le développement économique et social a été décevant. L’écart béant de richesse entre la France est ses colonies n’a pas été réduit. [...] Le moins que l’on puisse dire c’est que la colonisation n’a pas permis de tirer vers le haut les régions colonisées [...]. Un constat similaire s’impose pour le développement de l’éducation. [...]

Il est [...] tout à fait possible de penser que, tout au long de son existence [l’empire] a engendré des flux de revenu non négligeables vers la France. Avant la Première Guerre Mondiale, à la Belle Époque [...] les actifs coloniaux ont [...] pu rapporter au moins 0,5 % du revenu français [...].

Par la suite, pendant la crise des années 1930 et jusqu’à la reconstruction d’après-guerre, certains investissements coloniaux ont constitué une valeur refuge, de même que le commerce avec les colonies a fourni une béquille à une économie française appauvrie.

Des bénéfices pour une minorité de Français

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Beaucoup d’investissements ont été des échecs retentissants, mais d’autres ont été particulièrement florissants, jusqu’à la fin. Seule une petite minorité de Français en a bénéficié. Elle a rassemblé quelques entrepreneurs, banquiers, et grands commerçants, les actionnaires des entreprises qui n’ont pas fait faillite, et des fonctionnaires payés grassement qui ont accéléré leur carrière. Elle a inclus enfin de nombreux colons installés, parfois sur plusieurs générations, qui ont longtemps joui de conditions de vie qu’ils n’auraient pas pu espérer en métropole.

De ce point de vue, le contribuable moyen français a payé pour ces catégories privilégiées, en finançant l’entreprise coloniale. Ce dernier a surtout été rétribué symboliquement, avec la gloriole de la « plus grande France », et la bonne conscience illusoire d’une « mission civilisatrice ». Néanmoins, pendant longtemps, cet empire bon marché n’a pas eu beaucoup d’opposants, car son coût n’est devenu pesant que lorsqu’il a fallu se battre pour le préserver. À partir de ce moment, les Français se sont très majoritairement convaincus qu’il valait mieux plier bagage. Après les indépendances, en dépit de l’aide au développement, les relations avec les anciennes colonies redeviennent bon marché, et toujours profitables pour certains.

Une décolonisation toujours en cours

Depuis les indépendances, le lien entre la France et ses ex-colonies a indéniablement rétréci, que ce soit en termes d’aide au développement, de commerce, ou d’investissement direct. [...] S’il est trop tôt pour acter sa disparition, le volume de jeu de la « Françafrique » est plus réduit qu’auparavant. En France, la persistance du racisme et la renaissance d’une extrême-droite chauvine doivent beaucoup à un passé colonial mal digéré, aussi la société n’a pas encore parcouru jusqu’au bout le chemin de sa décolonisation.

Du côté des anciennes colonies, la décolonisation des institutions et des structures socio-économiques est aussi un long chemin. La réhabilitation des langues nationales et locales soulève encore des difficultés, même si les progrès enregistrés permettent d’espérer que les sociétés parviendront à un multilinguisme apaisé qui sera un atout.

En Afrique subsaharienne, la délimitation des frontières issues de la carte coloniale a défini des entités politiques pour la plupart nouvelles, des États pauvres de petite taille, certains enclavés et loin de l’accès à la mer. Pour plusieurs d’entre eux, le processus de construction nationale s’avère encore difficile. Les tentatives d’intégration régionale ont jusqu’à maintenant échoué à réparer la
« balkanisation » des indépendances. Les élites politiques tirant des rentes de souveraineté d’être maîtresses en leur domaine, aussi petit soit-il, elles ne sont pas forcément favorables à une mutualisation.

Si l’union monétaire autour du franc CFA constitue un héritage à préserver, en revanche son changement de nom et de mode de fonctionnement sont ardemment souhaités, même si son élargissement pose encore plusieurs questions compliquées.

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Les États postcoloniaux ont hérité des États coloniaux de la dernière période : un système fiscal relativement extractif, mais des structures dualistes et inégalitaires, ainsi qu’une orientation développementaliste, mais l’absence de relais dans la société et de contre-pouvoirs. [...]

Des sociétés inégalitaires

En Afrique, au sortir des indépendances, la plupart des élites au pouvoir ont surtout recouru au nationalisme autoritaire. Elles ont rarement cherché, et ne sont pas souvent parvenues à démocratiser leurs économies et leurs sociétés. De ce fait, la capacité d’action des États postcoloniaux est restée limitée, et leur légitimité s’est érodée. [...] Une bourgeoisie de la fonction publique a émergé, et la structure dualiste et inégalitaire des sociétés s’est reproduite, même si elle a perdu sa dimension raciale.

Quels que soient les choix idéologiques effectués, l’expansion déséquilibrée des États a conduit à des déficits et à des niveaux d’endettement élevés lorsque la conjoncture internationale s’est retournée, dans les années 80. Alors, le virage néo-libéral mondial a imposé à la plupart des pays la libéralisation et la privatisation des économies, ainsi qu’une cure d’austérité financière souvent drastique. Ces réformes de choc ont effectivement résorbé les déficits financiers, en revanche elles ont peu changé la structure des économies, mais déstabilisé les États et entraîné de nouvelles inégalités. [...]

Malgré la vague de démocratisation qui a suivi la chute du mur de Berlin, le renouvellement des élites politiques a fait long feu. Les déceptions du développement, la persistance des inégalités, la prévalence de la corruption et l’intensité de la fuite de capitaux exposent les États à des crises de légitimité récurrentes, face à des demandes démocratiques assez pressantes et assez unanimes.

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