25 OCT 22 : 25 NOVEMBRE. Journée internationale de lutte pour l’élimination des violences masculines faites aux femmes. Remue Méninges Féministe Radio Libertaire


25 NOVEMBRE :  Journée internationale de lutte pour l’élimination des violences masculines contre aux femmes.

POUR ÉCOUTER L’ÉMISSION DU 25 OCTOBRE 2022, CLIQUEZ ICI

25 NOVEMBRE : Journée internationale de lutte pour l’élimination des violences masculines contre aux femmes. Cette journée a été instaurée le 25 novembre 1999 par l'Organisation des Nations Unies (ONU) . La date du 25 novembre a été choisie en mémoire des trois sœurs Mirabal, militantes dominicaines brutalement assassinées sur les ordres du chef d'État, Rafael Trujillo.

- L'histoire de la journée du 25 novembre avec Suzy Rotjman, porte parole du CNDF (Collectif National du Droit des Femmes)

- Les actions et revendications, avec Julie Ferrua, de l'Union syndicale Solidaires

L'agenda 2022 des Éditions du remue ménage a pour ligne éditoriale la santé des femmes : « Soignantes à boutte : pour une nouvelle politique du soin ». En octobre, Nesrine Bessaïh développe le concept de « justice reproductive ».

Informations militantes (Lire détails et communiqués ci-dessous)

Musiques : "Frangines" Anne Sylvestre (indicatif début), "Mi Tambor" Ochy Curiel, "L’hymme des Femmes" Mathilde, "Akem denir awel" Marie Mazille et Adeline Guéret, "Les genoux écorchés" Catherine Lara (avec l’ensemble Sirba Octet), "Mary Joyce" Orvoën Geneviève (Devil’s Dream), "Bamboleo" Fania All Stars, "Dans nos chants" Anne et Edwige (indicatif de fin).

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Détails sur les thèmes et informations abordées au cours de l'émission :

Dans la médiathèque de Remue Méninges Féministe, on trouve :

Caroline Granier « En quête d’héroïnes »

Ed. Ressouvenances, 2022, 18€

Longtemps, le polar a été un genre essentiellement masculin, avec son héros détective venant secourir des femmes trop souvent assignées au rôle de victime. Mais le genre évolue : miroir de la société, il compte à présent de nombreux personnages de femmes enquêtrices, des femmes qui remettent en question les rôles genrés et auxquelles les lectrices peuvent s’identifier. Et qui se battent à armes égales avec les hommes.
Cet ouvrage propose un aperçu de ces polars contemporains, en présentant cent une enquêtrices. Chaque entrée, accompagnée d’un extrait, dessine un profil en résonance avec la société actuelle et les enjeux féministes. Non exhaustif et volontairement partial, il se veut un guide pratique pour les lectrices et les lecteurs. Vous êtes en manque d’héroïnes ? Ce livre est pour vous.

 

André Léo «  Écrits du temps de guerre ».

Articles et manuscrits, 1870-1871, édités et annotés par Jean-Pierre Bonnet. 2021, 600 pages, 30€

Avant-propos de Michel Cordillot. –  Les écrits et les textes politiques d’André Léo rassemblés dans ce volume portent sur une période aussi courte que décisive, si justement qualifiée par Victor Hugo d’« année terrible ». Marqués par une succession d’événements dramatiques (la guerre contre la Prusse, le siège de Paris, la Commune), ces quelques mois, de juillet 1870 à mai 1871, virent se livrer en sous-main une lutte implacable qui allait déterminer l’avenir politique républicain de la France.

Au long de cette période, André Léo fut tout sauf un témoin ordinaire. Elle fut d’abord une journaliste engagée – elle en paya le prix fort avec un long exil après l’écrasement de la Commune –, en même temps qu’une analyste empreinte d’une grande lucidité, à la fois polémiste redoutable dans l’immédiateté et visionnaire à plus long terme.

Ces qualités de clairvoyance et d’analyse se retrouveront par la suite dans ses écrits d’exil. Plus longs et plus fouillés, ils proposent une analyse souvent pertinente, qui, à ce jour encore, garde un réel intérêt.

L’objet de ce livre est, à l’occasion des cent cinquantièmes anniversaires de la Guerre contre le Prusse, et de la Commune de Paris, de rendre disponible la totalité des écrits connus d’André Léo, imprimés ou manuscrits, sur ces sujets.

Il a été mené et réalisé dans le cadre des travaux de l’Association André Léo. – Couverture : dessin d’Éloi Valat, 2021.

 

Françoise Tarrade « André Léo. Une femme entre deux luttes, socialisme et féminisme »

Récit biographique, juillet 2020, 258 p. 25€

Romancière, nouvelliste, essayiste, femme de presse, André Léo (1824-1900) fut marginalisée de son vivant et ne fut redécouverte qu’à partir des années 1970-1980. Née à Lusignan dans la Vienne, formant son nom de plume par l’association des prénoms de ses deux fils, Léodile Béra a tout d’abord adhéré aux idées nouvelles prônées par Pierre Leroux, ancien saint-simonien qui contribua aux origines du socialisme républicain. Dans une France monarchiste, catholique et bourgeoise, elle connaît la double proscription qui touche alors les représentants des mouvances socialisantes et les femmes écrivaines et militantes peu reconnues, sinon négligées, dans leur propre «parti» politique. Elle rencontre un succès appréciable durant le Second Empire avec des romans de mœurs dont les thèmes portent sur les relations entre hommes et femmes et interrogent les codes et conventions assujettissant les secondes. Elle participe à la remise en cause de l’enseignement dominant monopolisé alors par l’Église. Elle préconise une éducation laïque des enfants et son égalité entre filles et garçons, et considère la formation des jeunes générations comme le ferment et la condition d’une émancipation socio-politique. Ayant côtoyé les premières tendances féministes et participé à la Commune de Paris, elle a connu de longs exils, en Suisse puis en Italie. Amie du géographe libertaire Élisée Reclus, elle partagea longtemps la vie du militant internationaliste Benoît Malon, avec qui elle contracta un « mariage civique » (sans mairie ni église).
Le présent ouvrage procède comme une biographie romancée et suit pas à pas le parcours d’André Léo, reconstitué par un relevé de ses articles et de sa correspondance. 

 

L'ARCANE DE LA REPRODUCTION. FEMMES AU FOYER, PROSTITUÉES, OUVRIERS ET CAPITAL. FORTUNATI LEOPOLDINA

Ce livre est une hérésie qui manie les catégories marxiennes en utilisant les armes de la critique féministe. Il propose un examen systématique explorant les rapports réels que le capital entretient avec les pourvoyeuses de soins, de sourires et de sexe.

Fortunati fait apparaître le processus de (re)production de la marchandise force de travail qui est en jeu derrière la subordination des femmes. Le monde de la reproduction s’impose comme un lieu bombardé par mille comportements de rébellion, comme le rejet de la maternité ou de l’hétérosexualité. Fortunati appuie la lutte contre le travail, à partir du travail domestique et du travail du sexe, pour la destruction définitive du travail.

20€

 

La Subsistance. Une perspective écoféministe

Veronika Bennholdt-Thomsen & Maria Mies. Ed. La Lenteur | 352 p. 24 €

Écrit par deux sociologues féministes de renom, cet ouvrage est un appel à redécouvrir la subsistance. À travers l’étude de diverses luttes et récits de vie émanant de femmes à travers le monde, les autrices nous invitent à adopter une « perspective de subsistance ». Il s’agit là d’emprunter le point de vue des femmes qui assurent la reproduction de la vie. La subsistance apparaît alors sous un jour nouveau : plutôt que d’être associée à la misère et à l’arriération, elle devient en fait la condition même de notre autonomie, de notre dignité, d’une nouvelle liberté et la seule perspective viable pour sortir du capitalisme (...)

 

L'AGENDA DES FEMMES 2023 : HABITER

À quoi ressemblent nos refuges, nos abris ? Comment assurer aux femmes et aux personnes queer l’accès à des lieux de vie sains, épanouissants et sécuritaires ? L’Agenda des femmes 2023 : Habiter s’intéresse aux stratégies de résistance visant à protéger les droits au logement, à un environnement sain et à un foyer exempt de violences et d’oppressions. Alliant douze voix militantes, cet agenda propose une petite ethnographie de nos manières d’habiter et de lutter pour la préservation de nos lieux de vie.

11€

 

 

 

“Quelque chose entre la littérature, la sociologie et l’histoire” Annie Ernaux

Prix Nobel de littérature 2022

À découvrir sur le site de l’Institut de recherche de la FSU et diffusé par la lettre d'infos N'autre école

La reconnaissance internationale de l’œuvre d’Annie Ernaux par l’attribution du prix Nobel de littérature 2022 est celle d’une femme de lettres qui a su poursuivre une ambition : celle de forger ses récits « entre la littérature, la sociologie et l’histoire ».
Dix ans après nous avoir accordé un entretien – reproduit ici – Annie Ernaux nous a confié en janvier dernier un texte devenu introuvable, initialement paru aux éditions Cécile Defaut.
C’était là sa contribution à notre numéro consacré à Pierre Bourdieu dont on sait à quel point sa sociologie n’a cessé d’interroger le style d’Annie Ernaux et dont la lecture l’avait convaincue « qu’on ne peut pas en rester là, qu’il faut faire quelque chose, d’une façon ou d’une autre ».
Alors, à l’occasion de ce prix Nobel de littérature 2022, pour « ne pas en rester là », notre institut, infiniment reconnaissant de la confiance qu’Annie Ernaux nous a accordée, est extrêmement heureux de partager aujourd’hui cet entretien de 2012 et ce texte, évidemment personnel et objectif à la fois, La preuve par corps.
Guy Dreux

 

La preuve par corps

Après la mort de mon père, j’ai trouvé dans son portefeuille une photo de lui que je n’avais jamais vue, ou alors, peut-être, dans ma petite enfance. Il était dans la dernière rangée d’un groupe d’ouvriers, en plein air, comme eux habillé d’un « bleu » et en casquette. C’était avant ma naissance, quand il travaillait sur un chantier à la construction d’un bac reliant les deux rives de la Seine, au Hode, près du Havre, avant qu’il ne devienne cafetier-épicier à plein-temps auprès de ma mère. Dans le même compartiment du portefeuille, il y avait une coupure de Paris-Normandie qui donnait la liste, par ordre de mérite, des admises au concours d’entrée des bachelières à l’École normale d’institutrices de Rouen, la seconde c’était moi. Dans La place, j’ai évoqué tout cela, sans analyser – choix volontaire d’écriture – le trouble qui m’a envahie. Brutalement une réalité que je connaissais, mais de façon abstraite, avec la photo prenait corps au sens littéral du terme : mon père avait été longtemps, la moitié de sa vie en fait, un ouvrier, soumis à des travaux durs, au froid, aux ordres. Et la coupure de journal – conservée alors que j’avais quitté l’École normale en cours d’année pour aller à la fac, acquis depuis des titres universitaires – révélait sa fierté que sa fille ait atteint l’idéal absolu, incarné par l’instituteur de son enfance, « Monsieur Pelletier », dont il parlait avec une déférence qu’il n’a jamais manifestée à l’égard de personne d’autre. Deux traces, deux signes, dont le rapprochement m’a bouleversée, comme si – c’est ainsi que je traduis maintenant – je recevais en pleine poitrine le raccourci d’une existence, d’une ascension sociale, d’un amour et d’un orgueil. En un éclair j’ai ressenti de tout mon être une vérité qui balayait la vie de mon père et la mienne, une vérité sensible et irréfutable que je n’avais jamais pu ou voulu regarder en face.

Bien des fois, face à des détracteurs de Pierre Bourdieu qui contestaient ses analyses et sa théorie du monde social, j’ai presque toujours renoncé à faire valoir pourquoi celles-ci avaient pour moi, au contraire, le caractère d’une irrécusable vérité. Par peur, sans doute, d’avancer un argument irrationnel, irrecevable, grossier même, que j’appelle aujourd’hui « la preuve par corps » . Car, dans les années 70, en découvrant la sociologie de Pierre Bourdieu, c’est bien dans et par mon corps – au sens de lieu où se sont inscrits des façons de penser et de parler, des goûts et des situations, une trajectoire – ce corps même qui avait été en jeu au moment où j’avais trouvé la photo de mon père et la coupure de journal – que j’ai éprouvé, vérifié plutôt, la vérité des concepts qu’il a forgés.

Si j’essaie de définir cette sorte de preuve, je dirais qu’il ne s’agit pas d’une prise de conscience, comme on peut en avoir en apprenant des choses ignorées, ni d’une illumination pascalienne, mais, sans pouvoir scinder les deux, de reconnaissance et de connaissance. Reconnaissance indubitable de ce qui a été vécu, traduite par une forme de saisissement, de coagulation brutale de toutes les expériences. En même temps, connaissance de lois et de règles qui rendent raison de ce qui jusque-là n’avait pas de raison autre qu’un trait de caractère, le hasard, la chance. C’est une émotion rationnelle, un bouleversement cognitif. Le « temps incorporé » – cette belle et juste formule de Bourdieu pour l’habitus – se défait, se délie, le sentiment de solitude et d’étrangeté au monde, d’irréalité même en certaines situations, s’éclaire autrement que par « l’absurde ».

Il devient possible d’affronter et de comprendre des scènes lourdes d’émotion, vite chassées auparavant quand elles refaisaient surface. Celle-ci par exemple : stagiaire d’agrégation dans un lycée de filles cossu de Bordeaux, je fais aux troisièmes un cours intimidé, qu’elles n’écoutent pas, sur les Mémoires d’Outre-Tombe. À la fin de l’heure, en tête à tête avec la conseillère pédagogique, je pleure et je lâche « professeur, je ne vais pas y arriver, c’est trop haut pour moi », au bord d’ajouter, mais peut-être l’ai-je fait, « pour moi qui suis de milieu modeste ». Je pars du lycée, moins humiliée et en colère d’avoir raté mon cours que d’avoir livré à une inconnue ce que je considère alors comme mon infériorité native, d’essence génétique, ayant fait mien le cri de Rimbaud, « je suis de race inférieure de toute éternité ». La preuve par corps, c’est cela, la ratification de la théorie par la mémoire la plus enfouie et la plus douloureuse. Mais aussi, tout autant, par le mouvement de soudaine libération qui accompagne et suit durablement le déchiffrement du monde proposé par Bourdieu. Je pose la question : est-ce que la vérité d’une théorie ne se mesure pas à son pouvoir de libération, de défatalisation, sur les individus ?

Ceux qui croient qu’on « fait du Bourdieu », par mode, par fascination chamanique, se trompent. On ne « fait » pas du Bourdieu, on le découvre en soi, on en lit la vérité en soi, à la manière de ce que dit Proust dans Le temps retrouvé : « La reconnaissance en soi-même, par le lecteur, de ce que dit le livre, est la preuve de la vérité de celui-ci ». On objectera que ce mode d’accès à la vérité est l’apanage des dominés et des transfuges de classe et que le dévoilement du monde social ne s’ancre pas de la même manière dans le corps, ne provoque pas le même effet de reconnaissance, chez ceux qui ont toujours fait partie de la fraction dominante. Ainsi l’expérience de la culture comme élévation mais aussi domination est étrangère à ceux qui ont vécu depuis l’enfance dans la familiarité de l’art et l’évidence de sa transcendance.

Mais on ne lit pas Bourdieu en soi seulement, on le lit hors de soi, dans les rames de RER, les salles de collège et les couloirs des maisons d’édition, dans l’aménagement d’un intérieur, le choix des produits déposés par les clients aux caisses des hypermarchés. Car la grande force de la sociologie de Bourdieu, c’est qu’elle est tout, sauf abstraite, qu’elle s’adresse au corps, au travers de toutes les pratiques et de tous les usages, du sport à la peinture, de la littérature à la cuisine, elle s’adresse à la personne totale. Elle fait voir ces « rapports sociaux objectivés dans les objets familiers. Dans leur luxe ou leur pauvreté » . Elle fait entendre dans les voix et les différents discours les marques subtiles de condescendance et de domination de classe, de sexe. C’est un nouvel apprentissage du regard et de l’oreille. Qui entraîne la certitude qu’on ne peut pas en rester là, qu’il faut faire quelque chose, d’une façon ou d’une autre.

La chose à faire se situait pour moi dans le domaine de l’éducation – où je me trouvais par mon métier de prof – et celui de l’écriture. Bien qu’une communication se soit très souvent établie entre les deux dans mes textes, c’est l’écriture seule que j’évoquerai. Pierre Bourdieu n’en a pas déclenché le désir. Il était antérieur d’une douzaine d’années, m’avait tournée vers les études de lettres modernes et la rédaction d’un roman que j’avais voulu, sous l’influence du Nouveau Roman, « expérimental ». Ce que je dois à Bourdieu, c’est plus qu’une autorisation, c’est une injonction à prendre comme matière d’écriture ce qui jusque-là m’avait paru « au-dessous de la littérature », à explorer tout ce que le trouble indescriptible devant la photo de mon père sur un chantier avait réveillé. Un devoir impérieux de revenir au premier monde social, aux corps d’origine et d’en faire œuvre. Obligation dont j’ai tendance aujourd’hui à oublier ce qu’elle a eu de douloureux, de vital et de farouchement secret jusqu’au bout de son accomplissement. Par la suite, Bourdieu m’a permis de poser et de dénouer des problèmes qui, au premier abord, ne semblent relever que de purs choix esthétiques, comme « de quel point de vue écrire sur un père, une mère ? » alors qu’ils engagent la place sociale du narrateur par rapport à son objet textuel et au public d’accueil. Il m’a aidée à concevoir ce que j’appelle « l’écriture distanciée » (plutôt que « plate »), depuis ma place d’écartelée entre deux mondes sociaux. Il m’a renforcée dans ma détermination à chercher une voie d’écriture entre le personnel et l’impersonnel, qui prenne en compte la « rumeur ».

D’où je pose cette autre question : est-ce qu’une pensée qui contribue à faire exister des textes qui plongent au plus profond du corps et se réfractent dans d’autres corps, rencontrent d’autres vies, ne fait pas la preuve de sa force et de sa vérité ?

Annie Ernaux

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En écho, bien sûr, à la « contrainte par corps » de Bourdieu.
2 La Distinction
3 Les Armoires vides
4 Les Années

 

 

Des rendez-vous

 

Réfléchir à un sujet passionnant : « Le féminisme 2.0 », à l’occasion de la sortie du livre de Josiane Jouët, Numérique, féminisme et société.

Rendez-vous mardi 15 novembre à 18h30, à la Cité audacieuse

Rencontre-débat surla diversité des luttes en ligne, les nouvelles expressions militantes, les atouts et limites du numérique pour les avancées féministes.

Avec Josiane Jouët, chercheuse et autricede Numérique, féminisme et société (Presses des Mines, 2022) et une doctorante du laboratoire Carism de l'Université Paris-Panthéon-Assas.

Débat animé par Florence Montreynaud,historienne et co-fondatrice des Chiennes de gardeMardi 15 novembre 2022 de 18h30 à 20h30à la Cité audacieuse,9 rue de Vaugirard Paris 75006 (métro Odéon ou Luxembourg)

Inscription :

https://www.helloasso.com/associations/chiennes-de-garde/evenements/le-feminisme-2-0

 

SLAM ô FEMININ vous invite pour la 20ème année consécutive au Café Littéraire Associatif Le Petit Ney !

En prime : un spectacle à savourer ensemble (entrée libre)...

# SLAM au Petit Ney : Samedi 29 Octobre

* 17h à 19h : ATELIER SLAM-Poésie Ecrire & Dire, pour s'essayer ou se perfectionner en humaine compagnie (entrée libre)

* 20h à 23h : SCENE SLAM OUVERTE à toutes et tous

Viens partager ta voix, ta verve, ton envie d'ouvrir ton ouie aux textes d'oralisateurs.trices de tous horizons
Piano sur place, musicien.ne.s accoustiques bienvenu.e.s

Repas bon et pas cher sur place si envie

PETIT NEY : 10 avenue de la Porte Montmartre, Paris18 (01 42 62 00 00) - M°Porte de Saint-Ouen (13) ou Porte de Cligancourt (4)

 

Dimanche 30 Octobre au Théâtre Ouvert

Entrée libre sur réservation (si tu veux je la prends, envoie-moi un mail)

Notre rendez-annuel avec le cabaret poétique franco-québéquois du Festival JAMAIS LU :

Spectacle "Cabaret penché"

À partir de mots qui font l’actualité brûlante, des réalités, des visions, des vibrations qui s’entendent de manière distincte en France et au Québec, quatre binômes d’autrices et d’auteurs issus des deux côtés de la grande flaque vont monter au tréteau, se lover dans les phonèmes, s’inventer des coups de gueule et fabriquer ensemble du verbe, du sens, de la fête.

Tous les détails sur : http://www.theatre-ouvert.com/spectacle/cabaret-penche/

159 Avenue Gambetta,75020 Paris Réservations 01 42 55 55 50

Contact : 06 74 83 60 79

http://slamofeminin.free.fr

 

L’association Sine Qua Non

Comment ça marche ?

Chaque mois, femmes et hommes sont conviés à rejoindre les Sine Qua Non Squads pour des sessions sportives mêlant 5 à 6km de running et des exercices de renforcement musculaire encadrés nos ambassadrices et ambassadeurs. Ces sessions ont la particularité de se dérouler dans des lieux perçus comme « peu fréquentables » par les femmes et en fin de journée. Autre particularité, les filles sont invitées à courir comme elles veulent notamment en legging, en short et en brassière et si elles sont plus à l’aise ainsi.

Tous niveaux

https://assosinequanon.org/agenda/sine-qua-non-squad-montreuil-3/ 

L'association a organisé le samedi 22 octobre 2022, la 5ème édition de la Sine Qua Non Run, une course de 6 ou 10 km à partir de la Place de la Bataille de Stalingrad – Paris 19e.

Au-delà du défi sportif, la Sine Qua Non Run invite les femmes et les hommes à se mobiliser pour piétiner les violences sexistes et sexuelles auxquelles les femmes sont trop souvent confrontées dans leur pratique du running mais aussi dans leur vie au quotidien. Une version digitale sera aussi proposée pour permettre à chacune et chacun de se mobiliser partout en France et dans le monde.

« Mate ce petit cul qui court », « Salope », « Viens faire du sport en chambre avec moi » … Ces phrases ne sont qu’un petit florilège des témoignages que nous recevons de la part des runneuses qui fréquemment doivent faire face aux sifflements, aux remarques sexistes, aux propositions sexuelles et parfois pire. Ce phénomène a pour conséquence d’entretenir l’idée que les femmes ne devraient pas faire du sport où elles veulent, quand elles veulent et dans la tenue qu’elles veulent et de multiplier les injonctions à ne pas courir seule, à ne pas être imprudente.

« Le sentiment d’insécurité des femmes dans l’espace public est réel et les détournent du sport qui est, rappelons le, une source de bien-être et de confiance en soi. Il faut plus de femmes qui courent seules ou à plusieurs pour créer l’effet de groupe et plus d’hommes sensibilisés, concernés, alliés du changement. C’est un enjeu d’égalité, d’émancipation et de santé qui dépasse même la pratique sportive » précise Lucile Woodward, marraine de l’association Sine Qua Non et de la Sine Qua Non Run.

« Cette course, elle porte beaucoup de symboles : c’est une course en fin de journée, à un moment où les femmes se sentent davantage menacées. C’est une course avec un parcours ouvert qui connecte avec le quotidien et avec les autres, c’est une course entre Paris et le département de Seine Saint-Denis, avec un parcours très stigmatisé. On veut créer une prise de conscience, faire que ce phénomène ne soit plus banalisé. Cet événement est un porte-voix des femmes et d’une société qui se veut plus égalitaire et plus respectueuse dans le sport mais aussi au-delà » insiste Mathilde Castres, présidente de l’association Sine Qua Non et de la Sine Qua Non Run.

Rendez-vous toutes et tous, le samedi 22 octobre 2022 en baskets, au départ de la place de la Bataille de Stalingrad (75019) à 18h pour le 6 km et à 19h pour le 10 km.

Ouvert aux femmes et aux hommes. Les bénéfices seront reversés à des associations qui accompagnent les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.

 

Rendez-vous le mercredi 2 novembre 19H à Montreuil pour une session sportive mêlant 6km de running et des exercices de renforcement musculaire encadrée par notre ambassadrice Nathalie  RDV 19h à Montreuil (possibilité de vestiaire) Le berrichon, 8 rue Edouard Vaillant 93100 Montreuil Métro Croix de Chavaux Session gratuite  

19h - 20h30

Un parcours de 6 km traversant la ville

Ouvert aux femmes et aux hommes. Tous niveaux

En partenariat avec la ville de Montreuil

Pourquoi la Sine Qua Non Squad ?

Cette initiative a été créée à la suite de nombreux témoignages de runneuses partageant à la fois leur crainte de courir seule tôt le matin ou tard le soir, et leur agacement à faire l’objet de remarques sexistes notamment lorsqu’elles courent en short ou en brassière.

Une étude menée en 2015 par Runner’s World révélait que 43 % des femmes se disent victimes de harcèlement durant leur séance de footing et 27% des femmes ont tout simplement arrêté la course à pied pour cette raison.

L’idée est simple : encourager les femmes à se réapproprier l’espace public et revendiquer leur droit à faire du sport quand elles veulent, où elles veulent et dans la tenue qu’elles veulent.

 

« Certaines féministes ne soutiendraient pas assez les Iraniennes ? Cette petite musique n’est pas nouvelle »

TRIBUNE de Réjane Sénac, Politiste

Les discours visant à décrédibiliser des féministes françaises sous prétexte qu’elles ne soutiendraient pas le mouvement des femmes en Iran sont infondés et visent à les mettre « hors jeu de la discussion politique » pour empêcher tout débat, analyse la politiste Réjane Sénac dans une tribune au « Monde ».

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/21/certaines-feministes-ne-soutiendraient-pas-assez-les-iraniennes-cette-petite-musique-n-est-pas-nouvelle_6146723_3232.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]

Depuis le début du mouvement formé sous le slogan « Femme, vie, liberté » en Iran, une petite musique se fait entendre. Certaines féministes ne soutiendraient pas assez le soulèvement des Iraniennes, voire seraient mal à l’aise face à leur courageuse mobilisation contre le régime des mollahs et la loi coranique, en particulier en ce qui concerne le port obligatoire du voile. En quoi ces suspicions permettent-elles de comprendre des tensions actuelles concernant le rapport à l’émancipation en France et à l’international ?

Cette petite musique n’est pas nouvelle. Elle résonne régulièrement pour discréditer les mobilisations contre les injustices – en particulier féministes, antiracistes ou écologistes –, stigmatisées à la fois comme trop radicales dans leurs critiques des incohérences de la société française, et comme pas assez engagées dans la promotion de ses valeurs – dont est censée faire partie l’égalité femmes-hommes – à l’international.

 

Ces deux accusations ne sont pas contradictoires. Les procès d’une part, en wokisme, et d’autre part, en indifférence, voire en trahison des mouvements féministes à l’international, participent en effet d’une même disqualification de celles qui désacralisent la République française par leurs critiques internes et par leur mise à distance d’un discours d’exemplarité.

Ces procès ont pour objectif de mettre hors jeu, de sortir de la discussion politique des féministes en les accusant de lâcheté, d’incohérence, voire, plus grave, d’antirépublicainisme, mais, plus fondamentalement, de rendre indécente les critiques internes. Ces accusations ne sont pas argumentées, et le fait que les associations et activistes ainsi mises en cause témoignent de leurs engagements dans des solidarités internationales anciennes et actuelles n’a que très peu d’effet face à une posture de surplomb et de mépris. Elles sont néanmoins à prendre au sérieux, car elles disent la force de la résistance à une discussion sur les modalités à mettre en œuvre pour que l’égalité « à la française » ne soit pas un mythe promu malgré les preuves des inégalités et des violences dans la France d’hier et d’aujourd’hui.

Paralyser le débat

S’arroger la légitimité de trier les bonnes et les mauvaises féministes, qualifiées de « néoféministes » et accusées d’être alliées aux communautaristes, voire aux intégristes, c’est faire écran à la question essentielle du « comment » être à la hauteur des principes républicains d’égalité et de liberté pour chacune et chacun. Ces procès participent de la persistance du déni des inégalités et des injustices comme structurant l’histoire et le présent de la société française.

 

Ils disent la peur de penser et de porter un avenir où l’égalité serait un « commun » à construire et non un acquis sacré à conserver. Afin qu’ils ne soient pas un moyen de paralyser le débat, mais qu’ils en fassent partie, il est essentiel d’appréhender ces procès comme l’expression d’une résistance à la transformation d’une république fraternelle en une république égalitaire et solidaire.

Le discrédit des mobilisations, dont les féminismes, jugées trop dérangeantes, n’est pas nouveau. Il est inhérent à l’histoire des luttes. Se positionner en arbitre de la légitimité des prises de position et des combats féministes, discrédités certains comme ridicules et d’autres comme insuffisants, voire comme desservant les enjeux posés comme principaux (en particulier l’égalité économique et la lutte contre les violences), est une posture d’autorité de celles et de ceux qui ne veulent pas laisser l’espace et la parole aux mouvements de l’émancipation.

Nombreux sont alors les procès d’intention renvoyant les revendications et engagements pour l’égalité à des démarches au mieux accessoires, au pire contre-productives. Comme si on parlait à des petites filles irresponsables et immatures, on n’arrête pas de donner des leçons de priorité aux féministes : « Vous croyez vraiment que c’est le moment de vous occuper du sexisme porté par le langage, de la répartition des tâches ménagères alors que des femmes risquent leur vie lorsqu’elles enlèvent leur voile en Iran ? »

 

Cette mise en concurrence des inégalités empêche de penser les systèmes de domination dans leur entremêlement et leur dimension transversale. C’est un procédé habile pour créer des tensions, des divergences rendant difficiles, voire impossibles, les coalitions nécessaires au-delà des frontières. Cela empêche de discuter de la complexité de tenir ensemble la dénonciation du caractère fondamentalement sexiste des ordres religieux et de leurs injonctions, la mise en œuvre de la liberté de croire ou de ne pas croire, de vivre son athéisme, ses convictions ou sa religion, et le respect des droits fondamentaux.

Mainstream et subversif

Il est ainsi en France à la fois mainstream et d’une subversion valorisante de se revendiquer féministe et contre les violences, de s’enthousiasmer pour les interventions percutantes d’Alexandria Ocasio-Cortez, députée démocrate de l’Etat de New York, de rendre hommage au courage de celles qui se rebellent à l’étranger, comme les femmes iraniennes, ou ont mené la lutte dans le passé comme Gisèle Halimi ou Simone Veil, tout en vilipendant celles qui alertent sur la persistance des inégalités et des violences aujourd’hui en France. L’usage des expressions de « cancel culture » et de « wokisme », les accusations de manque de solidarité et de cohérence, montrent que si la remise en cause des injustices est valorisée lorsqu’elle se situe dans l’avant ou l’ailleurs, elle est discréditée comme un excès dangereux quand elle concerne l’ici et le maintenant.

 

Nous tentons souvent de qualifier la période que nous vivons en ce qu’elle a de spécifique. Le terme « critique » de par sa polysémie est sans doute celui qui vient le plus spontanément pour penser l’époque contemporaine. Nous sommes en effet en état de crise globale et profonde dans notre rapport à ce qui fait notre vie et notre survie individuelle et collective. Confrontées aux urgences écologiques et sociales, à une guerre aux frontières de l’Europe, à des pénuries et à une crise économique toujours plus aiguë, nous sommes en phase critique à la fois en termes de diagnostic, d’analyse et de réponses. Critique car notre diagnostic vital est engagé. Critique parce que pour survivre il faut mettre à distance et dénoncer ce qui nous constitue : nos modes de production et de consommation, nos habitudes de vie et notre rapport à la réussite et au bonheur, mais aussi ce qui nous relie et nous divise dans notre conception du juste. Propice aux petites musiques de dénigrement qui empêchent de s’entendre et de se disputer, ce moment critique est déstabilisant, dérangeant. Il dit et ouvre des brèches à une discussion politique, dont personne ne serait légitime à se mettre en surplomb, sur nos cohérences et de nos priorités.

Réjane Sénac directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), autrice en particulier de « Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines » (Presses de Sciences Po, 2021).

Réjane Sénac(Politiste)

21/10/2022

 

 

 

« Le féminisme iranien est une force de contestation révolutionnaire »

Entretien réalisé par Anne Roy, journaliste et membre du comité éditorial de La Déferlante

Un mois après le début du soulèvement en Iran, les manifestations de femmes contre le port du voile se sont transformées en un large mouvement de contestation sociale qui ne semble pas faiblir. Un cas d’école de convergence des luttes qu’analyse pour La Déferlante l’anthropologue franco-iranienne Chowra Makaremi.

Depuis la mi-septembre et l’assassinat de la jeune Mahsa Amini par la police religieuse, la jeunesse iranienne manifeste un peu partout aux cris de « Femme, vie, liberté ». Comment faut-il, selon vous, comprendre ce slogan ? 

 

Zhina Mahsa Amini appartenait à la minorité kurde qui est extrêmement discriminée en Iran – son « vrai » prénom est d’ailleurs un prénom kurde, Zhina, que l’État refuse d’enregistrer. C’est important pour comprendre les circonstances de sa mort : Zhina Mahsa n’était pas plus mal voilée que la majorité des filles à Téhéran, mais celles qui sont originaires de la capitale savent où aller pour éviter les contrôles, comment se comporter avec les agents, à qui donner de l’argent, qui appeler en cas de problème...
Les protestations ont commencé le soir des funérailles de la jeune femme dans la ville de Saqqez. C’est de là qu’est parti le slogan en langue kurde « Femme, vie, liberté », une devise politique inventée au sein du Parti des travailleurs kurdes (PKK) d’Abdullah Öcalan –  dans lequel, certes, les femmes n’ont pas toujours été suffisamment représentées, mais qui a théorisé que la libération du Kurdistan ne se ferait pas sans elles.
Je note au sujet du mot « vie » contenu dans ce slogan que beaucoup de jeunes manifestantes et manifestants donnent littéralement leur vie pour le changement de régime qu’ils réclament. Quand Zhina Mahsa est morte, les premières images d’elle qui ont été diffusées la montraient en robe rouge en train d’exécuter une danse traditionnelle qui témoigne d’un culte de la joie qu’on retrouve sur tous les comptes Instagram ou Tiktok des manifestantes tuées auparavant.

 

Quelle est la place des féministes dans le mouvement qui agite l’Iran depuis plus d’un mois ?

La dimension principale de cette révolte est le refus du voile qui est la matérialisation de ce que les féministes iraniennes appellent « l’apartheid de genre » : un ensemble de discriminations économiques, culturelles et juridiques, inscrites dans les lois sur le travail ou l’héritage.
Mais ce mouvement veut aussi mettre fin à d’autres discriminations : par exemple, celles contre les minorités comme les Baloutches, les arabophones, les Baha’is, ou encore les réfugiés afghans de deuxième génération qui n’ont jamais pu avoir la nationalité iranienne.

« OPPOSER LES MANIFESTANTES IRANIENNES QUI ENLÈVENT LE VOILE AUX FRANÇAISES MUSULMANES QUI SOUHAITENT LE PORTER, C’EST PASSER À CÔTÉ DE CETTE PUISSANCE RÉVOLUTIONNAIRE. »

Le mouvement féministe iranien existe depuis trente ans, et il est très puissant – la Prix Nobel de la paix [en 2003], Shirin Ebadi, est une femme, tout comme les détenues emblématiques du régime. Ses militantes ont été entraînées à une lecture juridique du système de domination, et leur doctrine constitue la colonne vertébrale de nombreuses formes d’activisme. Comme théorie et comme méthode, le féminisme intersectionnel iranien permet aujourd’hui de comprendre comment, pour la première fois depuis quarante ans, des segments de la population qui n’ont jamais été solidaires se soulèvent en même temps.

 

Que demandent les hommes qui prennent part au soulèvement ?

Il ne s’agit pas uniquement de manifestations pour les droits des femmes : les hommes originaires des quartiers populaires descendent aussi dans la rue pour protester contre la vie chère ; ceux originaires du Kurdistan manifestent pour ne pas être victimes de violence… Il faut aussi avoir en tête l’appauvrissement rapide de l’Iran, où les classes moyennes sont réduites à peau de chagrin en raison du Covid, des sanctions internationales et de la corruption. Tous ces éléments sont à comprendre ensemble.

Finalement, le voile n’est devenu une demande de premier plan que lorsque, ces dernières années, les féministes sont arrivées au bout des revendications réformistes possibles. C’est ainsi qu’est né l’activisme quotidien sur cette question qui constitue un des piliers de l’ordre théocratique  – une façon de rappeler à tous·tes les Iranien·nes que le pouvoir s’inscrit sur les corps. En 2018, « les filles de la rue de la révolution », défendues par l’avocate Nasrin Sotoudeh, se sont mises à manifester avec un voile blanc porté non pas sur la tête mais au bout d’un bâton. Elles ont écopé de quinze ans de prison et sont encore détenues aujourd’hui.

 

En France, dans les médias comme chez les commentateur·ices politiques, un parallèle a souvent été établi entre les Iraniennes qui se dévoilent et les Françaises musulmanes qui se voilent. Pensez-vous que cette grille de lecture soit pertinente ?

Ce que montre le soulèvement en Iran, c’est que le féminisme n’est pas uniquement un outil intellectuel qui permet de revendiquer l’égalité à l’intérieur d’un État de droit mais qu’il peut être une force de contestation révolutionnaire.

Opposer les manifestantes iraniennes qui enlèvent leur voile aux Françaises musulmanes qui souhaitent le porter, c’est passer à côté de cette puissance révolutionnaire. La haine du voile chez celles qui le brûlent lors des manifestations ne renvoie à aucune altérité : elles ne détestent pas le voile de leur mère, de leurs grands-mères et de leurs amies, mais le tissu dont on les emmaillote. La question qui se pose à cet endroit est celle du contrôle politique du corps des femmes par les gouvernements partout dans le monde.

Pour autant, je ne souscris pas au raccourci qui consiste à dire : « En Iran on oblige les femmes à porter le voile et en France à l’enlever. » En France on oblige les femmes à enlever le voile, et si elles ne le font pas elles risquent d’être déscolarisées, licenciées ou humiliées devant leurs enfants. En Iran ou en Afghanistan, si elles retirent leur voile, elles risquent d’être torturées et tuées. C’est une différence constitutive, pas un continuum de violences.

Malgré tout cela, réduire ce qui se passe actuellement en Iran à une révolte contre le voile, c’est jouer le jeu des réformistes iraniens qui assimilent la situation insurrectionnelle actuelle à une revendication vestimentaire. Tous les slogans demandent un changement de régime, aucun ne dit non au hijab. Quand les filles brûlent leur voile dans la rue, c’est une façon de s’en prendre à un pilier du régime : elles le brûlent en disant « à bas la dictature ». Il faut les écouter.

 

Source : Newsletter de la Déferlante, 21/10/2022


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