21 juin 2022 M. Delanné "Au bagne de Nouvelle-Calédonie sur les traces de Louise Michel... et de tous les autres communards déportés" Remue Méninges Féministe Radio Libertaire 89.4

 

Pour écouter l'émission du 21 juin 2022 cliquez sur ICI

Marinette Delanné : "Au bagne de Nouvelle-Calédonie sur les traces de Louise Michel... et de tous les autres communards déportés", paru aux Editions du Petit Pavé. 

L'agenda 2022 des Editions du remue ménage a pour ligne éditoriale la santé des femmes :

« Soignantes à boutte : pour une nouvelle politique du soin ». En juin : « Sauver le savoir ancestral, entretien avec Lucia Perez Santiz, maître herboriste et guérisseuse de la nation Tzeltal au Chiapas ».

Informations militantes

« NON c’est NON »

Musiques : "Frangines" Anne SYLVESTRE (indicatif début) ; « Anne ma sœur Anne » Louis CHEDID, MC SOLAAR, « Sur la commune » Serge UTGE-ROYO, « Colonne Vendome » du conte musical « Il faut venger Gervaise » Dominique GRANGE et MYMYTCHELL, « Chants de partisans » Houria AÏCHI , « Catheddral » CROSBY, STILL & NASH, « Perlimpinpin » (Barbara) Catherine RIBEIRO, «Dans nos chants » ANNE et EDWIGE des entresorceleuses (indicatif de fin).

 Pour écouter l'émission cliquez sur ICI

Marinette Delanné : "Au bagne de Nouvelle-Calédonie sur les traces de Louise Michel... et de tous les autres communards déportés", paru aux Editions du Petit Pavé.

https://www.petitpave.fr/petit-pave-bagne-nouvelle-caledonie-863.html

Samedi 25 juin 2022 de 9h à 17h : Paris (75) - Café de la Gare 41 rue du Temple 75004.

Nouvelle One Feminist Show de Thyphaine D : Législatives and Co.

Réservations tél : 01 42 74 05 10.

 

Michel Piron en garde à vue. Derrière Jacquie et Michel : un système organisé de proxénétisme et de viols.

Communiqué Osezle féminisme ! Du 15/06/2022

Nous nous réjouissons d’apprendre que Michel Piron, propriétaire de Jacquie et Michel, et quatre complices, sont actuellement en garde à vue pour des faits supposés de complicité de proxénétisme et de viols. L’impunité des pornocriminels se fissure, et la justice écoute enfin les victimes. C’est toute l’industrie pornographique qui est dorénavant face à la justice : acteurs, rabatteurs, producteurs, réalisateurs, diffuseurs constituent un véritable système proxénète et criminel. Nous exigeons que cesse cette zone de non-droit qu’est la pornographie.

En 2020, Osez le Féminisme, les Effrontées, et le Mouvement du Nid ont fait des signalements contre Jacquie et Michel pour proxénétisme, viols, traite des êtres humains et actes de torture et de barbarie, suite à l’enquête du journaliste Robin d’Angelo, qu’il relate dans “Judy, Lola, Sofia et moi”, et dans la vidéo-enquête sur Konbini de février 2020. Dans cette vidéo, l’un des fondateurs de ARES, la société propriétaire de Jacquie et Michel déclarait à propos de leurs méthodes de rabattage : “En France, (...) c’est interdit. C’est du proxénétisme. De toute façon, si tu trouves une fille, on met un truc qui n’a rien à voir (...) pour ne pas s’attirer les foudres”. La défense de Piron qui consiste à dire qu’il n’était pas au courant des violences commises sur les tournages est intenable alors que ce sont les diffuseurs qui commandent ces contenus violents et dégradants aux producteurs. Le “porno amateur” est un vaste mensonge. Seul existe un système de proxénétisme organisé.

Les pénétrations sexuelles obtenues sous contrainte, les violences sexuelles et les actes de torture infligés, les manipulations commises contre des femmes rabattues et piégées, les diffusions incontrôlées des vidéos sont la norme de cette industrie criminelle. 

C’est aussi ce que démontre l’enquête du Monde à propos de l’autre affaire impliquant douze producteurs et acteurs, dont Mathieu Lauret, l’un des principaux producteurs de Jacquie et Michel et de Dorcel, mis en examen et en détention provisoire pour proxénétisme, viols aggravés et traite des êtres humains.

Il est grand temps que cesse cette zone de non-droit qu’est l’industrie pornocriminelle. Nous réclamons la Justice. Nous réclamons également que les acteurs institutionnels se réveillent et prennent la mesure du problème

Nous dénonçons l’impuissance de l’ARCOM qui échoue à faire appliquer la loi de protection des mineurs. Les pornocrates s’enrichissent par la diffusion massive de violences sexuelles et sexistes auprès d’enfants, ce qui constitue un “viol psychique” selon les psychologues auditionnés au Sénat récemment.

Nous dénonçons l’inaction de PHAROS, auprès duquel Osez le Féminisme ! a signalé des centaines de contenus illicites : pédocriminalité, viols, apologie de crimes sexuels, apologie de la haine raciale, lesbophobie…Aucun contenu n’a été retiré pour l’instant. 

La révolution #MeToo n’aura pas lieu si nous ne rendons pas justice aux victimes du pire système de violences masculines. La révolution #MeToo n’aura pas lieu tant que la pornographie, outil de propagande patriarcale, continuera à propager le pire de la culture du viol. 

Enfin, s’il devait y avoir mise en examen pour proxénétisme et viols à l’issue de cette garde à vue de Piron, nous exigeons la fermeture immédiate des contenus de la société ARES, dont le site de Jacquie et Michel, et des chaînes TV de Jacquie et Michel hébergées par le groupe CANAL+. 

Infos lettre de la CIAMS du 14 juin 2022

A Milan en Italie, les féministes ont réussi à annuler une foire aux bébés. La maternité de substitution n'étant pas autorisée en Italie, une telle foire est considérée comme une infraction à la loi. Les organisations féministes ont organisé une grande conférence pour célébrer cette victoire, avec de multiples intervenantes dont des personnalités politiques. 

               En Italie toujours, la Commission Justice (responsable de la rédaction des lois) a adopté un texte proposant de poursuivre la maternité de substitution comme un crime universel.

               En Espagne. La Cour suprême a considéré que la gestation pour autrui viole les droits des mères porteuses et des enfants dans la GPA, mais aussi les droits fondamentaux femmes et des enfants en général.

               Le Parlement européen, dans son rapport sur l'impact de la guerre contre l'Ukraine sur les femmes condamne officiellement la maternité de substitution : il déclare que : "l'exploitation sexuelle à des fins de maternité de substitution et de reproduction est inacceptable et constitue une violation de la dignité humaine et des droits humains".

               Irlande, avec l'organisation Stopsurrogacynow UK, nous essayons de contrer une tentative de légiférer en faveur de la GPA

               Suède, Le lobby suédois des femmes a réussi à s'opposer à deux projets de loi qui étaient une porte ouverte à la GPA.

Concours Miss France : l’action en justice d’Osez le féminisme ! se poursuit

Le 21 juin 2022 à 13h30 aura lieu au conseil de prud’hommes de Bobigny l’audience publique opposant l’association reconnue d’intérêt général, Osez le féminisme !, aux sociétés de production de l’émission Miss France.

En octobre 2021, Osez le féminisme ! lançait un recours prud’hommal contre les sociétés de production de l’émission Miss France pour dénoncer son caractère sexiste et faire cesser la discrimination inhérente au règlement actuel. 

Cette action a entraîné de premières victoires : les participantes au concours 2021 ont bénéficié pour la première fois d’un contrat de travail (seulement pour la répétition générale et le spectacle), sortant ainsi en partie d’une situation d’exploitation. En outre, certains critères de recrutement correspondant en réalité à des injonctions sexistes injustifiables ont été supprimés (ne pas boire ou fumer en public, avoir un comportement conforme aux “bonnes mœurs”). 

Suite à ces premières avancées arrachées, Osez le féminisme ! reste mobilisée. En effet, les sociétés de production du concours Miss France s’acharnent à maintenir des clauses discriminatoires dans leur processus d’embauche (le concours Miss France débouche sur un contrat de travail pour la gagnante) et à refuser de payer les participantes pour l’ensemble des répétitions. Ces sociétés continuent d’utiliser des femmes pour fabriquer un programme audiovisuel extrêmement lucratif tout en bafouant le droit du travail qui interdit toute forme de discrimination relative à l’âge, à la situation de famille, à la grossesse, aux caractéristiques génétiques, aux opinions politiques et à l’apparence physique.

Osez le féminisme ! condamne fermement la volonté des sociétés productrices du concours Miss France de continuer d’utiliser des femmes pour faire un maximum de profit, tout en diffusant dans les images rétrogrades de la “femme-objet”, des injonctions sexistes, des diktats de beauté dangereux pour la santé, la division des femmes sur la base de critères déshumanisants ainsi que la culture du viol. La télévision ne doit plus être l’un des bras armés de la propagande sexiste !

« Nous devons résister’ : l’organisation anti-féminicide turque lutte pour sa propre survie. »

Interview par Megan Clement - Impact

La lutte contre les féminicides est généralement un combat contre les membres du système de justice pénale. Car ce sont eux qui ne parviennent pas à prévenir la violence à l'égard des femmes, permettant ainsi aux coupables de tuer, trop souvent en toute impunité. La lutte contre les féminicides est un combat contre les normes sociales qui sous-entendent que la vie d'une femme ou d'une fille vaut moins et peut lui être enlevée simplement à cause de son sexe. La lutte contre les féminicides est un combat pour que le public reconnaisse l'ampleur de la misogynie structurelle, et comment la misogynie tue. Mais en Turquie, la lutte contre les féminicides est menée contre le gouvernement lui-même.

Le président Recep Tayyip Erdoğan a publié l'année dernière un décret présidentiel retirant la Turquie de la Convention d'Istanbul - un traité européen sur la prévention des violences à l'égard des femmes qui porte le nom de sa plus grande ville. La Turquie a été le premier signataire de la convention en 2011. Mais beaucoup de choses ont changé depuis. Erdoğan a déclaré que la Turquie devait se retirer parce que la convention avait été "détournée par un groupe de personnes qui tentent de normaliser l'homosexualité".

La plateforme We Will Stop Femicide recense les cas de féminicides en Turquie et s'est farouchement opposée à la décision de retrait. Elle se retrouve maintenant dans le collimateur du gouvernement.

En avril, des procureurs d'Istanbul ont ouvert une action en justice contre le groupe, l'accusant d “activité contraire à la loi et à la moralité”. Lors d'une audience au début du mois de juin, l'affaire a été ajournée jusqu'au 5 octobre.

"Nous sommes devenues une cible pour le gouvernement", déclare la représentante Melek Arı, qui fait partie du mouvement depuis sept ans. Elle compare leur combat à celui des militant·e·s en Pologne et aux États-Unis qui s'efforcent de protéger le droit à l'avortement face à une réaction conservatrice dévastatrice.

La newsletter Impact s'est entretenu avec Ari sur la façon dont le simple fait de compter les féminicides en Turquie s'est transformé en une lutte pour la survie du mouvement des droits des femmes, et sur les raisons pour lesquelles elles continuent à se battre. Pour la clarté du propos, cette conversation a été éditée. 

Megan Clement Comment la plateforme We Will Stop Femicide recueille-t-elle les données sur les violences faites aux femmes ?

Melek Arı Depuis 2010, nous demandons aux ministères des données sur les féminicides, et leur réponse est toujours : "Nous n'avons pas ces données". Pendant dix ans, le gouvernement n'a pas rassemblé de données sur les féminicides.
Nous avons donc commencé à les compter nous-mêmes en lisant les articles de presse qui en faisaient mention. Au fil du temps, c'est devenu plus facile pour nous, et maintenant nous voyons la presse le faire elle-même. Il y a eu une discussion à ce sujet: y a-t-il vraiment une augmentation des féminicides ou est-ce simplement que nous en parlons davantage dans les actualités ? Nous considérons que les deux sont vrais : le nombre de féminicides est en augmentation et, en raison du mouvement des droits des femmes, les chaînes d'information et les journaux ont dû montrer la réalité de la vie des femmes [en Turquie].

La collecte des données se fait donc à partir des journaux, et auprès de membres des familles ou des ami·e·s des victimes de féminicides qui contactent directement notre plateforme. Ce mois-ci, nous avons vu 35 homicides et 16 morts suspectes de femmes. Nous savons que la collecte des données est très importante pour résoudre le problème des féminicides.

Megan Clement Quel est le raisonnement qui sous-tend la décision du gouvernement de se retirer de la Convention d'Istanbul ?

Melek Arı Il y a quelques groupes conservateurs en Turquie, qui ont été créés par des hommes, et nous voyons le gouvernement céder aux demandes de ces hommes conservateurs. Le président cherche à faire une sorte de coalition, où les conservateurs font partie de son équipe, et c'est un troc pour lui.

Ils disent que la Convention d'Istanbul détruit la structure familiale en Turquie, et que les personnes LGBTQIA+ essaient de créer une société immorale. Ils ne disent pas que les femmes doivent mourir ou que la violence est normale, ils s'opposent plutôt aux termes de la convention par d'autres moyens. Ils disent simplement [aux femmes] qu’elles ne peuvent pas sortir à telle heure, ou qu'elles ne peuvent pas porter tels ou tels vêtements, et que si elles le font, elles méritent la violence ou le viol. Ils utilisent des arguments très similaires pour obtenir notre fermeture - ils accusent notre plateforme d'être immorale et illégale.

Megan Clement : Comment est née l'affaire contre la plateforme We Will Stop Femicide, et comment résistez-vous ?

Melek Arı Après le retrait de la Convention d'Istanbul, ils ont décidé de fermer notre organisation - nous y voyons donc un lien. Le gouvernement avait beau dire : "OK, nous l'avons fermé", les femmes continuaient à se battre pour la convention tout de même.

D'autres ONG, plateformes et organisations ont été menacées. Donc, comme nous sommes l'une des plus grandes organisations de défense des droits des femmes en Turquie, c'est une façon de faire comprendre la menace aux autres. Le gouvernement tente également de fermer le troisième plus grand parti politique, le HDP, et inflige des punitions très sévères aux personnes impliquées dans le mouvement du parc Gezi. Il rend les gens plus passifs, et ne les implique pas dans la politique, les luttes ou les mouvements. Nous considérons l'affaire de la fermeture comme une partie de tout ce processus, et malheureusement nous verrons des choses plus agressives et beaucoup plus d'attaques à mesure que nous nous rapprocherons de l'heure des élections [ndlr : en juin 2023].

Notre première audience a eu lieu le 1er juin, et des centaines de femmes, de personnes LGBTQIA+, d'avocat·e·s, de familles de femmes assassinées, de femmes qui sont sous la menace de violences, d'autres organisations de défense des femmes et de représentant·e·s de partis politiques étaient là avec nous pour soutenir notre lutte. Nous devons montrer notre pouvoir. Nous savons qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais nous devons résister.

Les membres des familles des femmes assassinées disent : "Cette plateforme n'est pas immorale. Ce qui est immoral, c'est que vous essayez de fermer cette plateforme qui nous accompagne. Si vous cherchez l'immoralité, vous devez vous pencher sur nos familles, car notre fille a été tuée et le coupable n'a pas été puni."

Megan Clement Vous avez une mission assez simple, qui est de compter et d'arrêter les féminicides. Toute cette lutte avec le gouvernement doit être une énorme distraction pour vous, qui vous empêche de faire le travail que vous avez entrepris. Comment gardez-vous espoir, dans un contexte comme celui-ci, lorsque vous êtes attaquées par le gouvernement, et que le gouvernement prend des décisions qui sont si néfastes pour les droits des femmes ?

Melek Arı Nous trouvons l'espoir dans les luttes de l'Histoire et celles du monde entier. Nous voyons qu'il existe un régime taliban, mais que les femmes afghanes se battent contre celui-ci pour leurs droits. Même s'il y a beaucoup d'attaques, beaucoup de dictateurs et d’autocraties, la lutte continue dans chaque partie du monde.

Nous savons que nous avons gagné notre droit de vote grâce aux suffragettes, nous avons un code civil grâce à d'autres groupes du mouvement féministe. Nous ne pouvons pas abandonner, car nous avons tant de choses à accomplir. Même si nous ne vivons pas une très bonne période, nous pouvons voir que si nous ne faisons rien, le taux de féminicides va augmenter en Turquie, et le taux de violences également.

Nous savons que nous avons eu un effet sur les droits des femmes, nous avons eu un effet sur le gouvernement et l'exécutif car nous avons le pouvoir de changer les choses en Turquie. Nous avons le pouvoir de changer les inégalités entre les sexes, et c'est pour cette raison que notre lutte continue.

Cette édition d'Impact a été préparé par Megan Clement et Steph Williamson.

16/06/2022

« J’ai vu cette affichette collée à plusieurs endroits dans un lieu à Paris où je suis allée écouter un concert.

Du coup, malgré le monde ce soir là,  j’ai trouvé l’ambiance détendue et sympathique dans ce lieu particulier où l’on peut boire, manger, écouter des concerts, se relaxer et y faire, pourquoi pas, des rencontres. 

Autour de moi j’entends trop souvent des témoignages de jeunes femmes, ou parfois,  de jeunes hommes témoins, victimes d’agressions sexistes alors qu’elles se rendent dans ces lieux pour s’y détendre et y passer du bon temps. Cet engagement contre le harcèlement sexiste clairement affiché, qui se termine par « N’hésitez pas à nous signaler tout comportement inapproprié » clairement énoncé de la part de l’équipe responsable du lieu, méritait que nous en parlions.

L’une des femmes de cette coopérative m’a informé que toute l’équipe a aussi suivi en interne, une formation contre les violences sexistes et sexuelles.

Un grand bravo donc à l’engagement du lieu « le hasard ludique au 128 avenue de St Ouen à Paris » en espérant que ce genre d’initiative se multipliera dans les bars et lieux de fêtes afin que les femmes, puissent y passer de bons moments, sans être harcelée dans la plus grande indifférence.

« Femme quand tu entends une femme crier, ne la laisse pas seule » scandons nous dans les manifestations féministes depuis tant d’années..

« Femme quand tu vois une femme muette de peur,  ne la laisse pas seule »

C.M.L. pour Remue Méninges Féministes

RDV à Marseille : L'Apéro Mens(tr)uel de juin s'exporte et prend le soleil

Le jeudi 30 juin à partir de 18h, Règles élémentaires vous donne rendez-vous au Vidéodrome 2, à Marseille 49 cours julien, pour un Apéro Mens(tr)uel autour du cinéma.

Pour s'inscrire : https://www.eventbrite.fr/e/billets-apero-menstruel-30-juin-2022-videodrome-2-a-marseille

Caricaturées, à peine évoquée ou ignorées les règles sont peu représentées au cinéma. Pourtant elles font partie intégrante de la vie de millions de personnes.

À travers ce cycle de courts métrages qui montrent les règles, on vous invite à venir partager les espoirs et les peurs provoquées par l’arrivée des premières règles, les réflexions que peuvent suscitées l’appréhension de son propre corps, ou encore la précarité menstruelle et le coût, économique et psychologique, des règles.

- Moon Blood, Katia Korzinov, 4 min, Israël, 2021

Un court métrage d'animation qui suit le flux de conscience d'une jeune femme qui essaye de comprendre sa féminité encore inconnue. Par une succession de symboles mythologiques ou du quotidien, le film décrit une expérience qui peut s'adresser à toutes les personnes qui vivent leurs premières règles.

- Portrait d'Amira, Evelina Llewellyn, 5 min, Liban

Esquisse les portraits intimistes de dix femmes en situation de précarité menstruelle. Le portrait d'Amira aborde le point de vue d'une jeune femme et de ses amies sur le quotidien quand on est en situation de précarité menstruelle, et sur la difficulté de trouver des repères quand on a des douleurs de règles.

- Deux meufs, Aude N'Guessan Forget, 2 min, France, 2022

Deux meufs qui rêvent de changer un peu les choses.

- Code Red, Jada Poon, 12 min, États-Unis, 2021

Un film humoristique qui montre, à travers l'expérience de Karman, une fille de 6ème, le manque d'accessibilité des protections périodiques dans les écoles.

- Portrait d'Assil, Evelina Llewellyn, 10 min, Liban, 2021

Esquisse les portraits intimistes de dix femmes en situation de précarité menstruelle. Dans ce portrait, Assil parle de comment ses représentations de son corps et de ses règles se sont construites. Dans le même temps, elle nous embarque ainsi dans ses rêves et ses aspirations

- Spotless, Emma Branderhorst, 15 min, Pays-Bas, 2021

Les protections périodiques sont des produits de luxe. À travers, l'histoire d'une jeune femme, Spotless raconte l'histoire silenciée de nombreuse femmes, afin d'ouvrir la discussion sur le sujet de la précarité menstruelle.

Durée de la séance : 50 minutes

Tous les films sont sous-titrés en Français

La séance sera suivie d’une discussion avec les réalisatrices Evelina Llewellyn, Emma Branderhorst et Règles Élémentaires.

Pour cette séance, le prix libre est remplacé par une donation de protections périodiques + l'adhésion au Vidéodrome 2.

Vous pouvez donner : des serviettes (jetables ou lavables), des tampons, des cups menstruelles, des culottes menstruelles, des lingettes, du gel hydroalcoolique.

 

Edition spéciale La Méthode. Pendant cette newsletter / podcast, j'ai essayé de répondre à cette question : comment réalise-t-on une utopie ?

Anciens entretiens parus : Geneviève Fraisse, Sarah Schulman, Reni Eddo Lodge, Véronica Gago, Rafia Zakaria.

Aujourd’hui, nous retrouvons Réjane Sénac, la chercheuse française spécialisée en mobilisations sociales. Réjane Sénac est directrice de recherche CNRS au CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po où elle enseigne. Elle a notamment publié Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines (Presses de Sciences Po, 2021) et Les non-frères au pays de l’égalité (Presses de Sciences Po, 2017).

Rebecca Amsellem – Avez-vous conscience que votre travail est utile à la fois pour la lutte aujourd’hui et pour celle de demain ?

Réjane Sénac – Je dirais plutôt que je l’espère. Je perçois la recherche comme une manière – et il y en a d’autres – d’essayer de comprendre la complexité du présent en prenant en compte l’épaisseur du passé et comment il fait retour dans le présent.

La tentation est grande d’appréhender les problèmes contemporains en opposant la pureté des principes et les difficultés de leur mise en œuvre. Le problème se limiterait alors à un problème de « comment ». Cette narration occulte la gravité et la profondeur du problème concernant les inégalités qui doit être posé du côté du « qui » et du « quoi » de l’égalité. Ce principe n’est pas effectif car il a été historiquement et théoriquement pensé que pour les « frères ». Ce que mes recherches éclairent c’est l’angle mort des « non-frères ».

La recherche repose sur une démarche d’humilité face à une ou des énigmes. Mes recherches sur les mobilisations contemporaines contre les injustices abordent notamment celle de la cohabitation d’une double injonction : celle de faire nombre pour être efficace dans la lutte contre les inégalités et de l’autre celle de se méfier du risque de retomber dans l’hégémonie d’une lutte, d’une organisation sur les autres. L’enquête auprès de 130 responsables d’association et activistes féministes, antiracistes, écologistes, antispécistes, contre la pauvreté et pour la justice sociale souligne la défiance vis-à-vis de la convergence des luttes, promue plutôt par les partis politiques et les syndicats. Des confluences, des alliances, des synergies dans des « jardins partagés » lui sont préférés. Une distance est prise vis-à-vis de l’horizon d’un « grand soir », ou de « petits matins qui chantent » pour laisser la place à « des jardins partagés », « des îlots qui feront des archipels ». Cette recherche m’a déplacée d’un questionnement xxe siècle à une réponse xxie siècle. Je ne m’attendais pas que des idéologies, et des principes fondateurs comme le principe d’égalité, soient perçus comme des cadres contradictoires avec l’épanouissement d’une émancipation qui ne soit pas une émancipation du groupe majoritaire.

Rebecca Amsellem – De quelle manière votre objet de recherche – les mobilisations sociales contemporaines contre les injustices – est-il perçu dans votre milieu universitaire ?

Réjane Sénac – Les luttes sociales sont un sujet classique abordé de manière complémentaire en fonction des disciplines et des thèmes, en particulier par la sociologie et la science politique. Je l’aborde de manière un peu décalée en privilégiant une approche pluri voire transdisciplinaire et un questionnement de théorie politique sur le dépassement des catégories. Chercheure et enseignante en science politique à Sciences Po Paris, mes travaux s’inscrivent dans une discipline et une institution plurielles, hybrides, permettant de travailler sur les frontières et les cadres. Ils reposent sur une épistémologie de la bandita, pour reprendre Iris Marion Young, faisant une razzia sur les textes et les catégories héritées pour aborder de manière critique la prétendue neutralité du libéralisme politique et du républicanisme.

Rebecca Amsellem – Nous vivons un backlash/retour de bâton important. Dans votre livre Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines (Presses de Sciences Po, 2021), vous citez l’artiste féministe Typhaine D. : « un backlash de géante qui fait suite à un féminisme avec des pas de géante ». Que pensez-vous du discrédit du discours féministe dans notre société actuelle ?

Réjane Sénac – Cette citation de Typhaine D. s’inscrit dans une réaction de conservatisme face à des avancées perçues comme une remise en cause de l’ordre existant et jugé légitime. Mais c’est aussi parce que plus on avance et plus on met de pavés pour pouvoir marcher ensemble sans exclusion, qu’on se rend compte de toutes les chausse-trapes, de tous les pièges, mais aussi de toutes les failles et incohérences qui nous entourent. Je pense que cela fait partie du chemin de se rendre compte des contradictions, de se rendre compte des scories qu’il est encore nécessaire de dépasser pour que le principe d’égalité soit appliqué à chacune et chacun.

Rebecca Amsellem – Au sein des mobilisations, même quand on parle de révolution, finalement, on pense réforme, parce qu’on est toujours dans cette continuité de se dire qu’on parle d’un socle qui est un socle égalitaire et qu’on veut continuer à être dans ce socle-là. Comment fait-on pour sortir de cette manière de penser les mobilisations ?

Réjane Sénac – Il faut commencer par faire le diagnostic que l’on n’est pas tous et toutes d’accord avec le diagnostic selon lequel il y a des injustices, des inégalités, c’est-à-dire des différentiations illégitimes dans notre société. Faire ce diagnostic et considérer que l’on souhaite porter une autre histoire au présent et à l’avenir n’est pas consensuel.

Il faut remettre du politique en acceptant de voir la divergence. Autrement dit, le problème n’est pas dans les divergences entre activistes et entre militant.e.s. Le problème fondamental est que même si on additionne toutes les mobilisations, toutes les revendications, toutes les forces, tous les univers de possibles, de pensables, d’actions, tout ce faire en commun, la résistance de l’ordre existant sera peut-être plus forte. La réponse par les « jardins partagés », les « utopies en acte » est sans doute à comprendre comme une manière de porter un changement même sans parvenir à être majoritaire.

Rebecca Amsellem – Il semble que le mouvement féministe soit morcelé : il existe plus de comptes Instagram féministes, de livres, que d’organisations permettant de mener cette révolte. Est-ce le « Je me révolte donc nous sommes » de Camus ou le « Je me révolte donc je suis » de Absolument Personne ? Est-ce une forme d’intégration des valeurs capitalistes (l’individualisme) dans un mouvement féministe ?

Réjane Sénac – Je répondrais en donnant la parole à Lisa Watson, aborigène d’Australie, qui a beaucoup été citée pendant mon enquête : « Si tu es venu.e pour m’aider, tu perds ton temps. Mais si tu es venu.e parce que tu penses que ta libération est liée à la mienne, alors travaillons ensemble. » Ce qui ressort de cette recherche est ce qui peut sembler être une individualisation des luttes sociales est plutôt un moment associant l’intime et le politique, le collectif et l’identité/relation. La métaphore des îlots formant des archipels est intéressante parce qu’elle renvoie à l’idée d’Édouard Glissant que ce qui fait commun, c’est l’océan entre les îles. Le lien entre le politique et la mise en relation est développé par les activistes appartenant à des types de collectifs différents dans leur rapport à l’institutionnalisation et aux institutions. J’ai en effet interviewé aussi bien les responsables de SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme, le MRAP, la coordination française du lobby européen des femmes que des militantes, que des activistes fluides ou freelance comme un.e habitant.e ou des blogueuses. Leur point commun est d’associer l’entrée dans l’engagement par l’expérience existentielle des inégalités, des injustices et leur dénonciation.

Ce qui ressort de cette enquête c’est une autre conception du « qui », du « quoi » et du « comment » du politique. L’impression de morcellement, d’individualisation de l’engagement dit la remise en cause des intermédiaires (partis politiques, syndicats, médias, élu.e.s). Le mouvement #MeToo dit cela en affirmant que les violences subies par les femmes sont des violences sexuelles et sexistes.

L’idée de dénoncer en commun des injustices d’emblée perçues comme politiques (je subis des violences en tant que femme) n’est pas individualiste. À partir de ce diagnostic, le faire (en) commun consiste à inviter au-delà de groupes qui seraient des groupes constitués par une idéologie a priori. L’horizon est d’inventer ensemble quelque chose qui sera un mélange d’actions, de mobilisations, d’émotions, la colère étant par exemple assumée comme ayant un rôle important dans la dénonciation, mais aussi la joie.

Rebecca Amsellem – Cette description ressemble à ce qu’on pourrait dire d’une nouvelle religion qui émerge.

Réjane Sénac – Cette comparaison est très intéressante car le terme de religion dit « ce qui relie ». Ce lien n’est pas posé ou imposé selon un cadrage idéologique a priori, mais comme une coconstruction pertinente dans la compréhension à la fois de ce qui relie les dominations, les émancipations, mais aussi de ce qui les distingue. L’horizon n’est pas de se mettre d’accord sur une idéologie ou un horizon communs. Le seul horizon partageable est de s’émanciper chacun.e à sa manière avec son histoire, son héritage et les outils, les moyens qui sont compatibles avec son épanouissement.

Rebecca Amsellem – La radicalité politique permet, par définition, de revenir aux racines du mouvement, à son essence. À ce sujet, vous citez la sociologue Isabelle Sommier, pour qui les engagements se revendiquent radicaux au sens où ils s’inscrivent dans « une posture de rupture vis-à-vis de la société d’appartenance, acceptent au moins en théorie le recours à des formes non conventionnelles d’action politique éventuellement illégales, voire violentes ».

Réjane Sénac – Mon hypothèse de départ était que ce qui allait faire commun, c’était l’adhésion et la défense d’un horizon d’égalité. Mon enquête, effectuée auprès d’associations, d’activistes féministes, antiracistes, écologistes, antispécistes, de lutte contre la pauvreté et pour la justice sociale, souligne le partage d’un ennemi commun : un système politique républicain et un système économique néolibéral à la fois sexistes, racistes, classistes et écocidaires. Il y a une double radicalité dans le diagnostic, à la fois de ce qui fait dominations et injustices, mais aussi de ce qui rend impossible de se mettre autour d’une table et de travailler ensemble à un cadrage commun, une cartographie et une stratégie communes. Cette radicalité est aussi une double lucidité sur notre héritage des dominations et sur notre héritage des émancipations. La fluidité est surtout présente dans les réponses face au diagnostic de l’échec d’une émancipation commune par un modèle figé et par la hiérarchisation des dominations et des luttes.

Rebecca Amsellem – La désobéissance civile est la norme. Mais la révolte est par essence violence. N’est-ce donc pas antinomique ? Camus voit dans la révolte une évidence mais il doit trouver un fondement – théorique et pratique – à sa révolte. La révolte, au commencement, est un renversement d’un ordre, destruction. La révolte est un moyen de préserver quelque chose. Car le nihilisme est un risque, la possibilité de ne jamais s’arrêter est réelle. Tous les coups sont-ils permis dès lors qu’on réfléchit à leur signification et qu’on les fait dans la douleur (par opposition à facilité) ?

Réjane Sénac – Ce qui ressort de mon terrain, c’est que la parole n’a de sens et de portée que lorsqu’elle est habitée et portée par les premier.e.s concerné.e.s, avec les premier.e.s concerné.e.s, la diversité des tactiques naît de ça. En effet, en fonction de la manière dont on a vécu les injustices et dont on les dénonce, on ne va pas porter des stratégies similaires. La diversité des tactiques est cohérente avec les sujets légitimes, le « qui » et le « de quoi » on parle, qu’est-ce qu’on dénonce et vers quoi on tend.

Il m’a souvent été dit, « Martin Luther King n’aurait pas été efficace, n’aurait pas été audible s’il n’y avait pas eu Malcom X », les suffragistes sans les suffragettes. L’idée est que dans un système inégalitaire ayant le monopole de la violence légitime, qui est verrouillé, pour rendre visibles les injustices, et les minorités sociales invisibilisées, il faut des coups de force. Il faut rentrer par effraction et assumer cette effraction.

L’approche réformiste est jugée utile, mais à condition de ne pas l’utiliser comme le seul levier d’action. La porte est trop étroite pour que l’on ne passe pas aussi par les fenêtres. La diversité des tactiques peut consister à respecter le type de lutte que chacun.e considère comme cohérente dans son parcours d’émancipation, mais cela peut être aussi une diversité au sein d’un même type de collectif. Les rôles ne sont pas distribués entre celleux qui font du plaidoyer, d’autres de la désobéissance civile non violente, et celleux qui déconstruisent la frontière violence/non-violence. On le voit par exemple à travers les actions de L214 dont j’ai interviewé la cofondatrice Brigitte Gothière et qui, dans un même collectif, fait cohabiter le plaidoyer pour améliorer le traitement des animaux non humains par le droit, des partenariats avec des acteurs de la distribution, mais aussi la mise en visibilité des violences faites aux animaux non humains par des vidéos ou des performances pouvant impliquer de la désobéissance civile. Face à l’échec du plaidoyer pour interdire la vente d’œufs provenant de poules élevées en batterie, ils ont ainsi mis en place des partenariats avec des grandes enseignes pour qu’elles s’engagent à ne plus vendre ce type d’œufs. Ce type de stratégie s’oppose au diktat de la pureté militante qui le stigmatiserait comme une trahison. Pour être efficace, ce qui est posé comme la priorité, il faut agir tous azimuts. C’est donc la diversité des tactiques qui est radicale. Il n’y a pas de hiérarchie entre les luttes et dans la manière de mener à bien une lutte, il n’y a pas de pureté.

Rebecca Amsellem – Qu’est-ce que la radicalité fluide ?

Réjane Sénac – L’expression de « radicalité fluide » n’est pas un oxymore, mais une cohérence. C’est une réponse face à l’analyse d’un contexte de dystopie, du fait de la pandémie mais aussi plus largement d’un croisement des urgences sociales et écologiques, face auquel le seul réalisme, c’est l’utopie. Il s’agit de passer d’une appréhension gestionnaire du politique selon laquelle « There is no alternative » (TINA) à une repolitisation par la mise en œuvre d’alternatives « There is alternatives ». Le prétendu pragmatisme moderne et néolibéral est considéré comme responsable de la destruction des ressources, de notre cadre de vie et de nos vies elles-mêmes, en particulier de notre santé. Le seul réalisme vivable et souhaitable est alors l’utopie concrète, l’utopie en actes. Ces utopies sont pensées et portées comme fluides, car la rigidité des utopies passées est perçue comme ayant participé de la reproduction de modèles totalitaires, de dominations et de destructions. Pour être émancipatrice, la radicalité ne peut être que fluide puisqu’elle est à la fois le diagnostic et la dénonciation des dominations entremêlées. Promouvoir les « jardins partagés », c’est se situer dans la création d’une fertilité commune non pas par le partage d’un corpus théorique commun a priori, mais par le partage d’un faire en commun. Pour reprendre la métaphore des îlots, la fluidité dit que le « commun » ne se réduit pas dans le partage d’un îlot, mais dans le passage entre îlot et donc dans la possibilité d’en partir en naviguant entre eux. Le commun est dans le passage, c’est-à-dire dans l’ouverture, la liberté toujours là. Le suspens, la spontanéité participent de ce mouvement d’émancipation.

Une question est posée par certain.e.s activistes interviewé.e.s : quid de celles et de ceux qui ne peuvent pas vivre dans les jardins partagés ou dans les îlots ? Comment vivent-elles/ils tant que le système en place perdure ? Ce questionnement dit la persistance d’un indéterminé entre la nécessité pour être efficace dans la lutte contre les injustices d’être radical et fluide et le mystère consistant à savoir comment cette radicalité fluide peut permettre de construire un commun qui n’exclurait personne. Certain.e.s militant.e.s et activistes critiquent la réponse métaphorique de l’archipellisation comme un abandon de la question « comment changer de monde ? » au prétexte de l’élaboration de communautés permettant à quelques privilégié.e.s de changer leur monde en s’extrayant du monde.

Rebecca Amsellem – À plusieurs reprises, vous avez précisé qu’il y avait beaucoup de joie dans les mobilisations que vous avez étudiées. Vous citez les analyses d’Isabelle Sommier sur les pathologies du militantisme et affirmez dans Radicales et fluides que « promouvoir un militantisme joyeux, c’est s’émanciper d’un modèle unique de militantisme correspondant à une histoire de l’engagement, en particulier à l’extrême gauche, où le critère premier est la pureté du sacrifice de soi pour la cause et l’organisation ». Vous citez également l’anarchiste Emma Goldman, « une révolution où je ne pourrai pas danser ne sera pas ma révolution ». Avez-vous ressenti cette joie inhérente à la mobilisation ? Pensez-vous qu’il s’agisse d’un sentiment plus fort que les burn-out dont on entend parler tous les jours ?

Réjane Sénac – C’est une joie lucide. C’est une joie intense de vivre en commun le fait que les violences vécues, les injustices vécues ne sont pas le seul horizon ou le seul ingrédient de nos vies. Et donc, c’est une joie qui, en réalité, rend déjà vivables et vivantes ces utopies concrètes. Pour moi, les utopies concrètes, les utopies en actes, elles sont déjà en actes. Elles sont déjà là. Elles sont dans le partage de la dénonciation et pas seulement dans celui des initiatives en réponse.

J’ai fait 130 entretiens, ce qui me permet d’avoir un aperçu de la richesse des alternatives. C’est enthousiasmant. Quand on commence à rentrer dans cet univers, on se rend compte de la complexité et de la profusion des engagements. La violence de la mise en visibilité des injustices et la difficulté à porter une diversité des tactiques, des alliances qui ne soient pas des renoncements entraîne le fait que la joie partagée ne peut que mêler profondeur et légèreté. Vivre dans la conscience des injustices et des violences parce qu’elles les touchent en tant que concerné.e.s ou allié.e.s, c’est vivre avec une énergie mêlant colère, déception, défiance, mais aussi joie de se retrouver ensemble à dénoncer des injustices ainsi dépersonnalisées car politisées. Politiser les vécus existentiels les rend, moins cruelles.

La joie vient aussi d’une réappropriation poétique du politique, par exemple par le terrorisme poétique porté par la culture pirate. L’association Aequitaz – Artisans de justice sociale située dans la Drôme travaille ainsi avec des bénéficiaires de minima sociaux pour reconstruire où chacun.e soit actrice et acteur à part entière par la création artistique. L’art est fondamentalement émancipateur car il joue avec le cadre, il ouvre l’univers des possibles et des pensables. Vivre l’émancipation par la création, c’est la joie de se sentir devenir sujet. La métaphore des jardins partagés, la valorisation de la permaculture disent la fertilité de la création dans un dépassement de la frontière entre nature et culture. À travers les performances, les activistes se réapproprient de manière créative l’espace commun comme un lieu où lutter contre les injustices, mais aussi un lieu pour créer, produire un nouvel espace émancipé. Cette émancipation est source de joie, même si les performances peuvent être sources de tensions.

On voit bien cette ambivalence de la joie dans l’émancipation dans l’expression de terrorisme poétique. Cette joie se confronte à la violence des inégalités, de l’ordre injuste dénoncé. À la violence des résistances face au désordre engendré par la remise en cause des injustices d’un monde présent et de ses héritages. Cette joie est complexe car l’ordre et le désordre y sont imbriqués pour éviter la recomposition des hégémonies et des dominations. L’horizon est un horizontalisme radical toujours en mouvement vers un partage d’émancipation lucidement joyeux et follement réaliste.

 

Commentaires