31 mai 2022 - Horria SAÏHI - Femmes palestiniennes - Remue Méninges Féministe Radio Libertaire 89.4

 

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Nos invitées :

-       Une femme algérienne : au fil de la résistance, j'écris ton nom... : témoignages. Horria Saïhi. Hémisphères éditions 

En plus de son propre vécu, la journaliste a recueilli les témoignages de résistants aux abus du gouvernement algérien depuis l'indépendance de 1962, tels que Kateb Yacine, les ouvrières de Sidi Bel Abbès ou des militaires.

Rencontre-dédicace organisée par Alain Jauson,  éditeur et sa sympathique collaboratrice, Cécile Nguyen, le lundi 13 juin 2022 de 18h30 à 20h30 Editions Hémispères 3 quai de la tournelle 75005

-       interview de Nour Badr sur « Les luttes des femmes palestiniennes emprisonnées ».

70 ans de chansons pour la Palestine. Emmanuel Dror. Les Utopiques, n° 9, automne 2018

En 2022, c'est le 151ème anniversaire des femmes de la Commune de Paris : découvrons aujourd’hui Louise Michel, et particulièrement son engagement envers les Kanaks et les Algériens

….et autres informations militantes (lire détails des informations ci dessous)

Musiques : "Frangines" Anne Sylvestre (indicatif début) ; « Hez Rassek » (Relève la tête) Nawel Ben Kraiem, « Nostalgérie » Nassima, « La liberté » Ouled El Bahdja, « Hymne à Boudiaf »Lounès Maatoub, « Ifrah Ya Qalbi » Oum Kalsoum, « Tanasim III » Trio palestinien JOUBRAN, « Dans nos chants » Anne et Edwige (indicatif de fin).

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 Compléments des informations :

Louise Michel, les Kanaks et les Algériens

Légendes Canaques. Editions Cartouche, 2006

Les légendes du peuple canaque écrites par Louise Michel,figure mythique de la Commune.

Condamnée à la déportation pour sa participation à la Commune, Louise Michel arrive à Numbo, enNouvelle-Calédonie, en 1873. Dans cet ensemble de baraques incommodes, elle retrouve de nombreux camarades,tous déportés politiques, avec lesquels elle essaye de poursuivre son combat pour la liberté. Mais tandis que ses compagnons d'exil ignorent et méprisent les tribus locales, Louise Michel se lie d'affection et d'amitié avec le peuplecanaque,...

Louise Michel déportée et les Canaques insurgés

De la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie en 1853 jusqu’à 1858, les attributions de terres aux colons étaient limitées. Mais à partir de 1858, l’administration française entame une politique de colonisation offensive, spoliant les autochtones. De 1862 à 1877, l’emprise foncière européenne passe de 27.000 à 150.000 ha. En assimilant les jachères à des terres vacantes qu’elle accapare l’administration déstabilise l’économie vivrière. Le bétail des colons dévaste les cultures autochtones. Les Canaques sont repoussés dans les hautes vallées de la chaîne sur des terrains pauvres, et sont décimés par les maladies importées par les colons (il y avait 32.000 Canaques en 1860, et 24.000 en 1878).

C’est pendant cette sombre période que Louise Michel arrive en Nouvelle-Calédonie. Communarde célèbre qui, circonstance aggravante pour les tribunaux d’exception, avait fait le coup de feu sur les barricades. D’abord détenue au fameux camp de Satory près de Versailles, elle assiste alors aux exécutions en masse des Communards, elle passe vingt mois en détention et se voit condamnée à la déportation. Créé par Napoléon III en 1864, le bagne néo-calédonien accueillera au total 40.000 prisonniers dont 5.000 communards. Embarquée en août 1873, Louise Michel arrive à Nouméa après quatre mois de voyage. Elle est assignée sur la presqu’île Ducos et prend vite la défense des Canaques contre la spoliation coloniale, tandis que la majorité des déportés épousaient les préjugés racistes coloniaux.

Elle se lie d’amitié avec un Canaque et ils deviennent ami : elle lui apprend à lire, à calculer. Lui, conte les légendes de sa tribu, les voyages aventureux, les épopées guerrières. Louise recueille et transcrit ces récits, et en étudiait les différents dialectes. Malgré les avertissements, elle part à la rencontre d’une tribu à laquelle elle se lie. Elle pu parler avec eux des misères et des luttes, et ils s’entendirent de telle manière que cette tribu prêta assistance à un communard évadé reconnu comme « ami des malheureux », alors que l’usage était d’être sans pitié avec bagnards évadés.

En 1878, un chef canaque de Komalé appelé Ataï, tente plusieurs fois pacifiquement d’obtenir des autorités françaises la fin des spoliations. Il déclare au gouverneur français, en déversant d’abord un sac de terre: « Voilà ce que nous avions », et ensuite déversant un sac de pierres: « Voici ce que tu nous laisses », et lorsque le gouverneur lui conseille de construire des barrières pour protéger les cultures du bétail des colons, il répond: « Quand mes légumes iront manger ton bétail, je construirai des barrières. »

La spoliation continuant, Ataï et d’autres chefs (Cavio chef de Nékou secondé par Dionnet chef de guerre à Bourail) se décident pour l’insurrection. Les préparatifs d’une offensive sur Nouméa sont conduits dans le plus grand secret. Plusieurs clans sont impliqués dont ceux de Houailou et Canala. Un événement imprévu va précipiter les événements. Le 19 juin 1878, un ancien forçat, gardien d’une propriété coloniale est assassinée par des Canaques. L’administration coloniale réagit en incarcérant 10 chefs de tribus. La préparation de l’attaque de Nouméa est abandonné et l’offensive est lancée de Poya à la Baie Saint Vincent. La veille de l’insurrection, un groupe de Canaques vint faire ses adieux à Louise. Louise leur donna son écharpe rouge de la Commune, conservée à travers mille difficultés, et leur apprit à couper les fils télégraphiques.

Le 25 juin les quatre gendarmes de La Foa sont assassinés et les canaques massacrent la plupart des colons, propriétaires et gérants, de la région. Au total 40 civils sont tués. L’insurrection, se répand comme une trainée de poudre. A Nouméa c’est la panique, on croît que l’avance des insurgés va se poursuivre vers le sud. Une vingtaine de Canaques sont exécutés à Dumbéa (les derniers Ouamous) suite au pillage d’un magasin. Tous les Canaques vivant à Nouméa sont internés à l’île Nou.

La réaction militaire est inadaptée aux tactiques de la guérilla des Canaques. Les forces coloniales tombent dans des embuscades et leur chef, le commandant Gally Passeboc, est tué le 3 juillet. Il est remplacé par son second Rivière qui va former des colonnes de contre-guérilla associant aux gendarmes et troupes coloniales, des déportés politiques et de droit commun, des colons français et arabes, et des auxiliaires canaques. Toutefois, en juillet et en août les colonnes tendent à s’enliser dans une guérillas peut productive, brûlant les villages et détruisant les récoltes mais n’arrivant pas à cerner les insurgés. Un fort est construit à La Foa pour servir de base à la contre-insurrection. Il est attaqué en vain par 500 guerriers canaques.

Mais un officier de marine réussit à retourner et rallier le grand chef des Canala, Gélina et surtout son chef de guerre Nondo. Les Canaques sont désormais divisés. Les troupes française cernent le périmètre des insurgés et attaquent par surprise le1er septembre à Fonimoulou, en progressant hors des sentiers canaques. Ataï est surpris dans son campement par la colonne Le Golleur-Gallet formée de Canalas et de déportés dirigés un surveillant du bagne. Dans un passage fameux de ses Mémoires, Louise Michel a raconté la mort d’Ataï:
« Ataï lui-même fut frappé par un traître. Que partout les traîtres soient maudits ! Suivant la loi canaque, un chef ne peut être frappé que par un chef ou par procuration. Nondo, chef vendu aux blancs, donna sa procuration à Segou, en lui remettant les armes qui devaient frapper Ataï. Entre les cases nègres et Amboa, Ataï, avec quelques-uns des siens, regagnait son campement, quand, se détachant des colonnes des blancs, Segou indiqua le grand chef, reconnaissable à la blancheur de neige de ses cheveux. Sa fronde roulée autour de sa tête, tenant de la main droite un sabre de gendarmerie, de la gauche un tomahawk, ayant autour de lui ses trois fils et le barde Andja, qui se servait d’une sagaie comme d’une lance, Ataï fit face à la colonne des blancs. Il aperçut Segou. Ah ! dit-il, te voilà ! Le traître chancela un instant sous le regard du vieux chef ; mais, voulant en finir, il lui lance une sagaie qui lui traverse le bras droit. Ataï, alors, lève le tomahawk qu’il tenait du bras gauche ; ses fils tombent, l’un mort, les autres blessés ; Andja s’élance, criant : tango ! tango ! (maudit ! maudit !) et tombe frappé à mort. Alors, à coups de hache, comme on abat un arbre, Segou frappe Ataï ; il porte la main à sa tête à demi détachée et ce n’est qu’après plusieurs coups encore qu’Ataï est mort. Le cri de mort fut alors poussé par les Canaques, allant comme un écho par les montagnes. »

L’insurrection continue mais les insurgés sont déstabilisés. Des renforts arrivent d’Indochine et, à partir de septembre les insurgés sont sur la défensive. ils seront définitivement écrasés avec la chute de la forteresse canaque d’Adio en décembre 1878. Près de 5% des Canaques auront été tués (un millier sur une population totale de 24.000) au combat ou par la répression qui fut féroce : tous les chefs (sauf un) furent exécutés sans jugement. 200 européens (sur 16.000) avaient été tués. L’administration confisqua les terres des clans rebelles qui furent déplacés et cantonnés dans le Sud et à l’île des Pins. Déstabilisée par cette saignée, le cantonnement et la destruction de ses structures coutumières, et l’accaparement des terres, la population canaque va décroître jusqu’en 1921 où elle tombera à 16.000 individus, la moitié de ce qu’elle était soixante ans plus tôt.

La tête d’Ataï qui avait été mise à prix est conservée dans du formol, montrée à Nouméa puis emportée en métropole. Quant à Louise Michel, elle obtient l’année suivante l’autorisation de s’installer à Nouméa et de reprendre son métier d’enseignante, d’abord auprès des enfants de déportés (notamment des Algériens), puis dans les écoles de filles. Louise Michel restera sept années au total en Nouvelle-Calédonie, où elle aura créé le journal Petites Affiches de la Nouvelle-Calédonie. Elle est de retour à Paris le 9 novembre 1880 (suite à l’amnistie générale) où elle est chaleureusement accueillie par la foule. Elle reprend ses activités politiques, sans oublier la tragédie calédonienne, puisqu’elle publie à Paris, en 1885 les Légendes et chansons de gestes canaques, transcrites douze ans plus tôt.

https://secoursrouge.org/louise-michel-deportee-et-les/

Louise Michel : tenir la lutte en pays colonisé

Plus de quatre mille communards et communardes sont envoyés en Nouvelle-Calédonie, colonie de l’État français depuis le milieu du XIXe siècle, afin d’y purger leur peine — au bagne. Les révolutionnaires y retrouvent les « déportés » de l’insurrection kabyle : un vaste soulèvement anticolonialiste qui éclata deux jours avant celui de la Commune de Paris. En 1878, les populations indigènes mélanésiennes — les « Canaques », écrit-on alors — se soulèvent à leur tour contre le sort qui leur est fait. La plupart des communards se rallient au pouvoir qui les a expédiés à l’autre bout du monde ; plusieurs prennent même les armes pour mater la révolte : au nom de « la protection des Blancs », argue un membre de l’Internationale. Louise Michel est l’une des rares à s’opposer à cette insupportable trahison de l’idéal socialiste ; mieux : elle prend fait et cause pour celles et ceux qui, comme elle, aspirent à la liberté. « Qu’on en finisse avec la supériorité qui ne se manifeste que par la destruction ! » Deux décennies plus tard, elle revient sur ces événements dans son livre La Commune : en voici un extrait.

« Comment n’êtes-vous pas avec eux, vous, les victimes de la réaction, vous qui souffrez de l’oppression et de l’injustice ! Est-ce que ce ne sont point nos frères ? Eux aussi luttaient pour leur indépendance, pour leur vie, pour la liberté. Moi, je suis avec eux, comme j’étais avec le peuple de Paris, révolté, écrasé et vaincu1. » Louise Michel

[Les Canaques] ne purent supporter les vexations qu’on leur faisait endurer et engagèrent une révolte qui comprenait plusieurs tribus.

Les colons (ceux que protégeait l’administration, s’entend) avaient enlevé une femme canaque. Leurs bestiaux allaient pâturer jusque sur la porte des cases, on leur distribuait des terres ensemencées par les tribus — la plus brave de ces tribus, celle du grand chef Ataï, entraîna les autres.

On envoya les femmes porter des patates, des taros, des ignames, dans les cavernes, la pierre de guerre fut déterrée et le soulèvement commença ; du côté des Canaques, avec des frondes, des sagaies, des casse-tête ; du côté des Blancs, avec des obusiers de montagne, des fusils, toutes les armes d’Europe.

« Du côté des Canaques, avec des frondes, des sagaies, des casse-tête ; du côté des Blancs, avec des obusiers de montagne, des fusils, toutes les armes d’Europe. »

Il y avait près d’Ataï un barde d’un blanc olivâtre, tout tordu, et qui chantait dans la bataille ; il était takata, c’est-à-dire médecin, sorcier, prêtre. Il est probable que les prétendus Albinos vus par Cook2 dans ces parages étaient quelques représentants d’une race à sa fin, peut-être Arias, égarés au cours d’un voyage, ou surpris par une révolution géologique et dont Andia était le dernier.

Andia le takata, qui chantait près d’Ataï, fut tué dans le combat ; son corps était tordu comme les troncs de niaoulis, mais son cœur était fier.

Circonstance étrange ! Une cornemuse avait été faite par Andia, d’après les traditions de ses ancêtres. Mais sauvage comme ceux avec qui il vivait, il l’avait faite de la peau d’un traître. Andia, ce barde à la tête énorme, à la taille de nain, aux yeux bleus pleins de lueurs, mourut pour la liberté de la main d’un traître.

Ataï lui-même fut frappé par un traître.

Suivant la loi canaque, un chef ne peut être frappé que par un chef ou par procuration.

Nondo, chef vendu à l’administration, donna sa procuration à Segon en lui remettant l’arme qui devait tuer Ataï.

Entre les cases nègres et Amboa, Ataï avec quelques-uns des siens regagnait son campement quand se détachant de la colonne des Blancs, Segon indiqua le grand chef reconnaissable à la blancheur de neige de ses cheveux.

Sa fronde roulée autour de sa tête, tenant de la main droite un sabre conquis sur les gendarmes, de la gauche un tomahawk, ses trois fils autour de lui et avec eux le barde Andia, qui se servait de la sagaie comme d’une lance, Ataï fit face à la colonne des Blancs.

Il aperçut Segon. — Ah ! dit-il, te voilà.

Le traître chancela sous le regard du vieux chef, mais voulant en finir, il lui lance une sagaie qui lui traverse le bras droit, Ataï alors lève le tomahawk qu’il tenait du bras gauche. Ses fils tombent : l’un mort, les autres blessés.

Andia s’élance, criant : Tango ! tango ! Maudit ! maudit ! et tombe frappé à mort.

« Ataï aujourd’hui est vengé ; le traître qui prit part à la révolte avec les Blancs, dépossédé, exilé, comprend son crime. »

Alors à coups de hache comme on abat un chêne, Segon frappe Ataï. Le vieux chef porte la main à sa tête à demi-détachée, et ce n’est qu’après plusieurs coups encore qu’il devient immobile.

Le cri de mort fut alors poussé par les Canaques, allant comme un écho à travers les montagnes.

À la mort de l’officier français Gally Passebosc3, les Canaques saluèrent leur ennemi de ce même cri de mort parce qu’avant tout, ils aiment les braves.

La tête d’Ataï fut envoyée à Paris ; je ne sais ce que devint celle d’Andia.

Que sur leur mémoire chante ce bardit4 d’Ataï.

Le takata dans la forêt a cueilli l’adouéke, l’herbe de guerre, la branche des spectres.

Les guerriers se partagent l’adouéke qui rend terrible et charme les blessures.

Les esprits soufflent la tempête, les esprits des pères, ils attendent les braves amis ou ennemis ; les braves sont les bienvenus par-delà la vie.

Que ceux qui veulent vivre s’en aillent. Voilà la guerre, le sang va couler comme l’eau ; il faut que l’adouéke aussi soit rouge de sang.

Ataï aujourd’hui est vengé ; le traître qui prit part à la révolte avec les Blancs, dépossédé, exilé, comprend son crime.

Parmi les déportés les uns prenaient parti pour les Canaques, les autres contre. Pour ma part j’étais absolument pour eux.

Il en résultait entre nous de telles discussions qu’un jour, à la baie de l’Ouest, tout le poste descendit pour se rendre compte de ce qui arrivait. Nous n’étions que deux criant comme trente.

Les vivres nous étaient apportés dans la baie par les domestiques, des surveillants qui étaient Canaques ; ils étaient très doux, se drapaient de leur mieux dans de mauvaises guenilles et on aurait pu facilement les confondre pour la naïveté et la ruse avec des paysans d’Europe.

« Parmi les déportés les uns prenaient parti pour les Canaques, les autres contre. Pour ma part j’étais absolument pour eux. »

Pendant l’insurrection canaque, par une nuit de tempête, j’entendis frapper à la porte de mon compartiment de la case. Qui est là ? demandai-je. — Taïau, répondit-on. Je reconnus la voix de nos Canaques apporteurs de vivres (taïau signifie ami).

C’étaient eux, en effet ; ils venaient me dire adieu avant de s’en aller à la nage par la tempête rejoindre les leurs, pour battre méchants Blancs, disaient-ils.

Alors cette écharpe rouge de la Commune que j’avais conservée à travers mille difficultés, je la partageai en deux et la leur donnai en souvenir.

L’insurrection canaque fut noyée dans le sang, les tribus rebelles décimées ; elles sont en train de s’éteindre, sans que la colonie en soit plus prospère.

Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces Orientaux, emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples et bons et d’une grande justice ; aussi ne comprenaient-ils rien à la façon dont on avait agi envers eux.

J. Baronnet, J. Chalou, Les Communards en Nouvelle-Calédonie. Histoire de la déportation, Mercure de France, 1987, p. 321.

Navigateur britannique (1728–1779). Il est le premier Européen à se rendre en Nouvelle-Calédonie.

Colonel et gouverneur en Cochinchine en 1861. Il est tué en 1878, lors de l’insurrection kanak.

Chant de guerre des anciens Germains.

https://www.revue-ballast.fr/louise-michel-colonise/ 

Louise Michel en Algérie - La tournée de conférences de Louise Michel et Ernest Girault en Algérie (octobre-décembre 1904). Clotilde Chauvin. Les Editions libertaires, 2007

Après la défaite de la Commune de Paris, Louise Michel fut déportée en Nouvelle-Calédonie. Elle y côtoya des Algériens qui y furent envoyés après les insurrections de 1871 en Kabylie. Ils sympathisèrent. Et elle leur promit de leur rendre visite dans leur pays dès que cela serait possible. Louise Michel n'avait qu'une parole. Ce livre retrace les liens entre les exilés de la Commune et de Kabylie, puis examine le voyage que firent Louise Michel et Ernest Girault en Algérie quelques décennies plus tard, d'octobre à décembre 1904. Un voyage militant car ponctué de plusieurs dizaines de conférences dénonçant les religions, le militarisme, l'oppression et l'exploitation coloniale..., et appelant à la révolution sociale. Et, ce, en faisant salle comble à chaque fois. Ce fut le dernier voyage de Louise Michel qui mourut à Marseille en 1905. "Bizarrement" cette période de la vie de Louise Michel est quasi-complètement occultée. Ce livre répare, donc, un "oubli" et c'est peu dire qu'il vaut le détour. Pour les Français... comme pour les Algériens.

Au sommaire :

      L'insurrection kabyle et ses conséquences

      Algérie, 1904

      La tournée de conférences de Louise Michel en Algérie

      Louise, Ernest et la presse

      Le séjour en Algérie, observations, anecdotes, rencontres

Louise Michel-De la Nouvelle-Calédonie à l’Algérie

Lyon : De notre correspondant - 11 JUIN 2007

C’est trente ans plus tôt qu’elle en avait fait la promesse aux déportés algériens en Nouvelle-Calédonie. L’égérie des barricades de la Commune de Paris y avait également été expulsée manu militari, en novembre 1873. Elle y avait rencontré dès son arrivée, d’autres révolutionnaires, de «burnous blancs vêtus», écrivait-elle. Elle y découvre ces Algériens qui s’étaient eux aussi soulevés contre l’oppression, en 1871, sous la bannière d’El Mokrani, leader avec qui elle eut des entretiens. Amnistiée, comme les autres Français, elle promet de se battre pour les Algériens qui restent assignés sur cette terre lointaine du Pacifique.

« Avec les anarchistes, à Paris, le combat va être long, mais il aboutira à l’amnistie, en 1904 », a précisé l’auteure du livre, lors d’une rencontre au centre international de recherches anarchistes, à Marseille.

«Elle n’a qu’une parole et, malgré qu’elle ne soit plus très jeune, elle part pour l’Algérie où elle donne plusieurs conférences.»

Clotilde Chauvin, pour la rédaction de cet ouvrage au contenu inédit, a effectué des recherches dans les biographies de Louise Michel et dans tous les documents disponibles à la bibliothèque nationale de France à Paris, aux archives de la préfecture de police à Paris, aux archives départementales, et aux archives de l’outre-mer, à Aix-en-provence, etc.

«Pour ce voyage algérien, il n’y a pas de rapports de police», explique-t-elle. Peut-être pensait-on qu’une révolutionnaire âgée n’est plus très redoutable ! La meilleure source reste les journaux, et particulièrement les feuilles anarchistes ou anticoloniales.

Partout où Louise Michel s’exprime en Algérie, à l’est, à l’ouest ou à Alger, les salles sont combles. Dans le public, les rares Algériens au milieu d’un aéropage essentiellement européen, vont rencontrer des fondements qui leur parlent, dans leur lutte contre l’oppression et pour la liberté.
On vient voir et entendre la «vierge rouge» dont la renommée a dépassé les frontières de l’hexagone. Parmi les nombreux thèmes, celui de l’antisémitisme, alors qu’en France sévit l’affaire Dreyfus, et qu’en Algérie, depuis les décrets Crémieux, la nationalisation est offerte aux juifs, mais pas aux musulmans.

Au cours de son périple, Louise Michel devait rencontrer Isabelle Eberhardt à Figuig (frontière marocaine), mais le décès de l’aventurière convertie à l’Islam coupe court à ce rendez-vous. Louise Michel quitte Alger à la fin de l’année 1904, fatiguée, pour rejoindre Marseille où elle décède en janvier 1905.

https://www.elwatan.com/archives/france-actu-archives/louise-michel-de-la-nouvelle-caledonie-a-lalgerie-11-06-2007

L’insurrection algérienne et La Communede Paris : deux insurrections en miroir

Paris. Pendant quelques semaines, du 18 mars au 28 mai 1871, les Parisiens se sont battus pour instaurer une « République sociale et universelle » qui sera réprimée dans le sang. C’est aussi l’occasion de rappeler un autre anniversaire, celui de l’insurrection qui, à partir du 16 mars 1871, a soulevé des milliers d’Algériens contre l’occupation française : une révolte qui, selon l’historien Mouloud Gaid, “a marqué une étape décisive, comme un relais essentiel entre la lutte d’Abdelkader et le mouvement national du XXè siècle

Menées par le notable Mohammed al-Mokrani, et appuyées par la confrérie Rahmaniya, des centaines de tribus vont se soulever contre les colons et l’armée. La répression sera terrible pour les populations algériennes : exécutions, expropriations des terres, déportations vers la Nouvelle Calédonie où les Algériens insoumis retrouveront les Communards déportés. De cette rencontre naitront des liens militants qui pousseront notamment Louise Michel à faire une tournée de conférences en Algérie en 1904.

Nous profitons de cet anniversaire pour vous proposer une sélection de ressources pour en savoir plus sur tous ces sujets :

Des Arabes à Paris soutiennent la Commune

Si de nombreuses études ont documenté la participation et le soutien d’étrangers européens à l’insurrection et aux combats des Parisiens contre les Versaillais, la présence de combattants ou de personnalités arabes est moins connue et mériterait d’être approfondie.

Toutefois quelques sources mentionnent le ralliement de soldats issus des troupes coloniales à la Garde nationale : “La Commune a aussi annoncé la reformation du corps des Zouaves de la République, qui iront se battre aux côtés des insurgés. Créés en 1830 après la conquête de l’Algérie, les quatre régiments de Zouaves avaient été dissous après la défaite de Sedan."

Parmi les étrangers arabes qui ont soutenu la Commune Anys al-Bitar, un syro-libanais, est mentionné dans une brève notice du Maitron. Proche des communards il travaille quelque temps à la Bibliothèque nationale au service des manuscrits arabes.

« Libanais ou Syrien, ou né en Syrie de parents algériens dont il avait gardé la nationalité. »

À la demande d’Élie Reclus nommé directeur de la Bibliothèque Nationale par la Commune de Paris, Anys-el-Bittar fut chargé de travaux spéciaux à la section des manuscrits (langues arabe et syriaque) de la Bibliothèque Nationale (J.O. Commune 13 mai 1871). Le 17, le gouvernement de Versailles désignait pour les mêmes fonctions Léopold Delisle que Reclus avait révoqué. »

Source : Le Maitron- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social

À propos de l’insurrection algérienne de 1871  

« Le soulèvement de 1870...procède d'une somme de mécontentements perceptibles dès avant la guerre franco-prussienne. Les uns concernent l'aristocratie guerrière qui voit son influence segmentée et ses pouvoirs diminués par les autorités françaises. Tel est le cas de Mohammed el-Mokrani...les autres agitent les masses musulmanes inquiètes de l'avènement d'un régime civil...qui signifie la domination accrue des colons... » 

Bernard Droz, article Insurrection de 1871: la révolte de Mokrani, dans L'Algérie et la France, dictionnaire coordonné par Jeannine Verdès-Leroux, R. Laffont 2009, p.474. 

En ligne : 

- une explication de l’évènement par l’historien et éditorialiste Slimane Zeghidour sur TV5 monde - mise en ligne le 16 mars 2021 

- Mars 1871, l’insurrection algérienne d’El Mokrani : article de Rosa Moussaoui paru dans le journal L’Humanité, le 12 Mars 2021 

- 16 mars 1871 la révolte algérienne - article publié le 15mars 2021 sur le site des Amies et amis de la Commune de Paris 1871

Livres

- Mokrani / Gaid Mouloud 

Alger : Ed. Mimouni , 2009 

Instituteur syndicaliste et historien de l’histoire des Berbères, G. Mouloud analyse dans ce livre “les motivations, circonstances et l’ampleur du soulèvement de 1871”. 

Disponible à la Bibliothèque de l’IMA 

- Bordj Bou Arreridj l'insurrection de 1871 / Francine Dessaigne  

Versailles : L'Atlanthrope , 1989 

Disponible à la Bibliothèque de l’IMA 

- Les Algériens musulmans et la France 1871- 1919 / Charles- Robert Ageron ; [publ. par la] Faculté des lettres et sciences humaines de Paris- Sorbonne  

Paris : PUF, 1968  

Disponible à la Bibliothèque 

- L'insurrection de la Grande Kabylie en 1871 / Joseph Nil Robin ; présentation de Alain Mahé. 

Saint-Denis : Éditions Bouchène, DL 2018 

Réimpression de l’édition de 1901

Par un officier de l'armée coloniale 

Disponible à la Bibliothèque 

Ouvrage numérisé, en ligne sur Gallica 

Après l’insurrection : les déportés algériens en Nouvelle Calédonie 

Des liens se nouent entre Communards et Algériens, Kabyles pour la plupart, déportés en Nouvelle-Calédonie : on a déjà mentionné Louise Michel qui fera une tournée de conférences en 1904 en Algérie. 

Mais le cours de l’histoire n’est pas un long fleuve tranquille : certains communards amnistiés dans les années qui suivent l’insurrection de 1871 retourneront en Algérie pour s’installer comme colons, tandis qu’en Nouvelle-Calédonie des Algériens déportés participeront, au côté de la France, à la répression de l’insurrection des Kanaks en 1878... 

- Algériens du Pacifique : les déportés de Nouvelle- Calédonie / Mehdi Lallaoui  

Alger : Zyriab , 2001 

1ère éd. parue à Paris : Au nom de la mémoire, 1994. 

Disponible à la Bibliothèque 

- Les déportés algériens en Nouvelle-Calédonie :  l'histoire d'une identité exilée / Seddik Taouti  

Alger : Dar el- Oumna , 1995 

Disponible à la Bibliothèque 

- Déportations en Nouvelle- Calédonie des communards et des révoltés de la Grande Kabylie 1872 à 1876 / Germaine Mailhé  

Paris : L'Harmattan , 1995 

Disponible à la Bibliothèque 

https://www.imarabe.org/ar/actualites/bibliotheque/2021/l-insurrection-algerienne-et-la-commune-de-paris-deux-insurrections-en

 

La Maternité au prisme du handicap

Mardi 7 juin 2022 de 9h à 17h - avec Michelle PERROT, historienne et membre d'honneur de FDFA

Nombreux sont les tabous autour de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées : le désir d’enfant et la maternité en font partie. Être femme, être en situation singulière, être mère ou désirant l’être : que de paramètres à prendre en considération !
Des expert·es (historienne, médecins, sage-femme, puéricultrice, psychomotricienne, psychologue, membres d’associations concernées, parents...) viendront échanger en premier lieu sur le désir d’enfant, le rôle de l’entourage familial et la place du corps médical dans l’accompagnement du projet parental. Dans un second temps, les échanges porteront sur l'arrivée d'un enfant prédit handicapé et sur la parentalité au prisme du handicap.

PROGRAMME (sous réserve de modifications)

  8h30 : Accueil du public

  09h00 : Ouverture et présentation générale par Danielle MICHEL-CHICH, administratrice et animatrice de la journée, Chantal RIALIN Présidente et Blandine METAYER marraine de FDFA.

  9h15 : Conférence de Michelle PERROT, historienne et membre d’honneur de FDFA, « La maternité, entre devoir et désir. »

  10h00 : Partie I – Le désir d’enfant

Table ronde 1 – Le désir d’enfant, le rôle de l’entourage familial, la place du corps médical dans l’accompagnement, le regard de la société, les propres barrages des parents et les préjugés défavorables de la femme elle-même.

Modératrice : Danielle MICHEL-CHICH

               Marc DOMMERGUES, professeur de gynécologie obstétrique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière

               Sabrina HEDHILI sage-femme et Delphine PONS, assistante sociale au SAPPH

               Drina CANDILIS-HUISMAN, psychologue, psychanalyste, maître de conférences, Université Paris-Diderot

               Docteure Nicole JOYÉ, généticienne

               Grâce MPONDO, conseillère conjugale et familiale, spécialisée dans le conseil des personnes handicapées

               Aurélie BACZYNSKI, témoignage 

12h : Discussion avec le public

12h30 : Déjeuner libre

13h30 : Accueil du public

14h00 : Ouverture de l’après-midi : un extrait de la pièce « Fragments ex nihilo » de Laura PELERINS, lu par Tessa VOLKINE, actrice.

14h15 : Introduction par Suzanne ROBERT-OUVRAY, psychomotricienne, docteure en psychologie clinique et psychothérapeute d'enfants, autrice d'ouvrages concernant la vie affective de l'enfant : "Des bases communes du développement psychoaffectif du bébé handicapé ou non handicapé"

14h45 Pause

15h00 Partie II – Lorsque le handicap apparaît…

Table ronde 2 - L’annonce du handicap pendant la grossesse ou en périnatal et/ou quand le handicap s’invite dans la famille…

Modératrice : Florence TALBI 

               Sabrina HEDHILI sage-femme au SAPPH

               Sophie SERREAU, sage-femme à la Pitié-Salpêtrière

               Marie-Laure MOUTARD, neuropédiatre

               Suzanne ROBERT-OUVRAY, psychomotricienne, docteure en psychologie clinique et pédo-psychothérapeute

               Christine D’YVOIRE-DOLIGEZ, médecin au CAMSP

               Sonia-Myriam AUBERT, mère relais sur Paris de l’association Handiparentalité

               Annie-Claude MIARA, mère d’un homme handicapé.

               Anne-Marie VIOSSAT, mère d’une femme polyhandicapée. (Témoignage)

17h15 : Discussion avec le public.

17h30 : Conclusion et clôture : Chantal RIALIN et Blandine BOQUET

Lieu : Patronage Laïque
Maison pour tous - 61, rue Violet - 75015 PARIS

Transports : Bus 70 et 88 - arrêt Violet - M° Commerce (L8)

Accessibilité des lieux et des débats : Traduction en LSF, vélotypie, programmes en caractères agrandis, accompagnement par des bénévoles (à préciser lors de l'inscription)

 

Lutter contre la grossophobie et les diktats de la beauté, avec la chansonnière Mathilde

Mercredi 08 juin à 19h à La Cité Audacieuse, 9 Rue de Vaugirard, 75006 Paris. 

À l'approche de l'été, les injonctions qui pèsent habituellement sur les femmes se renforcent. Dans les magasines et sur les réseaux sociaux, la tendance est au “body goal” ou “summer body”, et la stigmatisation et discrimination des corps gros se fait encore plus prégnante : on parle alors de grossophobie. 

Dans le langage courant, la grossophobie désigne l'ensemble des attitudes et comportements discriminatoires et hostiles envers les personnes obèses ou en surpoids. La grossophobie “ordinaire" peut prendre plusieurs formes : discrimination à l'emploi, violences médicales et gynécologiques, difficultés d'accès à l'éducation, agressions verbales, fétichisation etc. Ainsi, les personnes qui la subissent ont plus de risques de tomber en dépression, de développer des troubles du comportement alimentaire ou encore de développer des pathologies graves en lien avec un manque de considération et de suivi sur le plan médical. 

Comment lutter contre la grossophobie dans les milieux féministes ? Quels sont les liens entre grossophobie et violences patriarcales et misogynes ? Pour en discuter, nous aurons la chance de recevoir Mathilde, chansonnière et activiste féministe, engagée contre la grossophobie. 

Nous ferons également notre traditionnel tour d'horizon des actualités (anti)féministes que nous décrypterons toutes ensemble, et ce sera l'occasion d'accueillir les nouvelles militantes. Comme toujours, ce FeminisTalk sera l'occasion de venir à la rencontre des unes des autres, et pourquoi pas, de développer de nouvelles idées pour enrichir notre combat féministe !

Nous finirons la soirée au stand goodies pour poursuivre ces discussions féministes passionnantes, toujours dans un climat sorore et bienveillant !

http://osezlefeminisme.fr/calendar/agenda/

 

Des militantes afghanes protestent contre le nouveau décret des talibans sur la burqa

Deepa Parent

"Vous êtes toutes des femmes libertines pour avoir manifesté contre la burqa. Pourquoi ne voulez-vous pas couvrir vos corps ? Vous n'êtes pas musulmanes", a crié un combattant taliban à Zoya* lorsqu'elle a mené une procession de 20 femmes à Kaboul. Zoya, 38 ans, militante des droits des femmes et mère de cinq enfants, protestait contre un décret controversé sur la burqa émis par les talibans.

Ce décret stipule que les femmes doivent se couvrir le visage en public, en portant soit la burqa, qui couvre le corps de la tête aux pieds et comporte une grille pour le visage, soit le niqab, qui couvre le visage à l'exception d'une ouverture pour les yeux. La plupart des femmes en Afghanistan portent un voile mais ne se couvrent pas le visage, bien que les femmes des zones rurales aient tendance à s'habiller de façon plus conservatrice.

C'est le dernier ajout à la série de restrictions imposées par les talibans depuis qu'ils ont pris le contrôle de l'Afghanistan en août dernier. Il est interdit aux femmes de chercher un emploi, sauf pour les emplois qui ne peuvent être occupés que par des femmes (comme les sages-femmes, les couturières et certains rôles administratifs) ; et les filles de sixième jusqu’à la terminale ont été interdites de fréquenter le collège et le lycée.

L'édit, publié par le ministère de la Propagation de la Vertu et de la Prévention du Vice, a inquiété non seulement les femmes d'Afghanistan, mais aussi la communauté internationale, qui a condamné la suppression des droits des femmes dans le pays. La Mission d'Assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) s'est dite "profondément préoccupée" par cette décision.

Zoya et d'autres femmes activistes se sont mobilisées dès qu'elles ont entendu des rumeurs sur le nouvel édit, un jour avant son annonce. Dès que les femmes ont commencé leur manifestation dans la capitale, portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Non à la burqa obligatoire" et "La burqa n'est pas notre hijab", elles ont été confrontées à des combattants talibans armés de fusils.

"Ils nous ont crié dessus. Ils pointaient des fusils et menaçaient d'attaquer certaines des manifestantes. Ils nous ont traité de femmes libertines, sans moralité ni caractère. Vous pourriez traduire cela par le pire mot que vous puissiez utiliser pour désigner les femmes en anglais. C'est ce qu'ils ont dit", a expliqué une Zoya désemparée.

"L'un des talibans s'est tourné vers une manifestante, dont il savait était pachtoune, et lui a demandé pourquoi elle se joignait à une manifestation avec des femmes comme nous, des Tadjiks, qui ne sont pas musulmanes. C'était terrible. Nous avons été détenues pendant deux heures, interrogées, menacées et averties que si nous continuions, nous serions emprisonnées pour ces protestations."

Samira*, 25 ans, une autre militante des droits des femmes, a également manifesté à Kaboul contre le nouveau décret. Elle a expliqué ce qui s'est passé : "Nous ne pouvons pas simplement nous asseoir et accepter ces restrictions que nous imposent les talibans. Ils ne peuvent pas se contenter de supprimer nos voix. À 10 heures du matin, j'ai atteint un parc et j'ai parlé aux femmes qui s'y trouvaient, et je leur ai demandé si elles voulaient se joindre à ma manifestation contre les talibans. J'ai été honnêtement surprise qu'elles acceptent, étant donné les récentes nouvelles d'enlèvements et de disparitions forcées de manifestantes. Nous nous sommes levées ensemble et avons réclamé nos droits."

La vie de Samira a changé du jour au lendemain lorsque Kaboul est tombée. Auparavant, elle dirigeait une entreprise de vêtements prospère à Kaboul, aux côtés de deux partenaires commerciaux masculins. Dès que les Talibans ont pris le contrôle de la ville, il a été annoncé que les femmes devaient cesser de travailler et devaient être accompagnées de mehrams (des proches de sexe masculin). "J'avais deux hommes comme partenaires commerciaux et nous n'étions plus autorisés à travailler ensemble. J'ai été obligée de fermer mon entreprise. J'étais également en train de monter un petit restaurant. Ils m'ont suffisamment fait changer de vie. Je ne peux pas les laisser contrôler mes choix vestimentaires", a déclaré Samira.

Zoya a travaillé pendant 18 ans comme enseignante, mais a perdu son emploi lorsque les talibans ont fermé les écoles pour les filles plus âgées. Elle veut défendre les droits des filles qui sont bannies des salles de classe et des femmes d'Afghanistan dont la voix est réduite au silence. "Nous sommes revenu·e·s 20 ans en arrière, le jour où les talibans sont arrivés ici. Mes trois filles ne peuvent pas aller à l'école. Si je ne me bats pas pour elles aujourd'hui, qui d'autre le fera ?" a-t-elle déclaré. Ses deux fils en âge d'aller à l'école ne sont soumis à aucune restriction.

Samira, Zoya et les dizaines d'autres activistes qui ont protesté rejettent unanimement la nouvelle règle. "Nous ne portons pas et ne porterons pas de burqa. Nous portons déjà un hijab, ce qui est notre choix", a déclaré Zoya.

Sur un ton tout aussi défiant, Samira a ajouté : "Vous ne pouvez pas faire disparaître la moitié de la population du pays. Nous allons défier ces restrictions et nous, les femmes, sommes les seules à pouvoir choisir ce que nous voulons porter. Tout ce que je demande, c'est que les talibans changent ces règles et nous donnent notre liberté. Pour l'instant, je ne le porterai pas, même s'ils menacent de me tuer."

Dans le cadre du nouveau décret, les talibans ont annoncé qu'ils arrêteront les hommes dans la famille des femmes qui refusent de se couvrir de la tête aux pieds. Malgré ces menaces, Zoya et Samira ont choisi de s'opposer aux talibans. Zoya a déclaré : "Au début, mon mari et les membres masculins de ma famille m'ont demandé d'éviter ces manifestations, mais maintenant ils ont décidé de soutenir mon combat pour les droits des femmes. Les hommes et les femmes d'Afghanistan se sont uni·e·s pour s'opposer à ce régime. Nous ne voulons pas qu'ils nous gouvernent."

Appuyant la position de Zoya, Samira a ajouté : "C'est la même chose dans ma famille aussi. Ma mère s'inquiète pour ma sécurité et m'a demandé d'éviter les manifestations. Mais en fin de compte, ils soutiennent mes choix et comprennent que si nous ne nous unissons pas contre cette règle, rien ne changera dans notre belle patrie."

Les activistes des droits des femmes font l'objet de menaces depuis qu'elles ont défilé dans les rues quelques jours après que les talibans aient pour la première fois interdit aux femmes de travailler. L'une des militantes des droits civiques les plus véhémentes qui ont mené ces protestations est Hoda Khamosh, qui a représenté les femmes afghanes lors des pourparlers sur la crise humanitaire à Oslo. En janvier 2022, assise en face d'une table de représentants talibans, Khamosh s'est levée et a exigé qu'ils appellent Kaboul et libèrent les manifestants emprisonnés.

S'exprimant cette semaine au sujet du décret sur le voile obligatoire du visage, Khamosh a déclaré : "Personne n'a reconnu les talibans comme un gouvernement et toutes les promesses qu'ils ont faites lors des sommets internationaux n'ont pas encore été tenues. Non seulement ils n'arrêtent pas les assassinats ciblés, mais ils essaient également d'effacer les femmes de la société. En imposant cette règle, ils essaient d'enfermer les femmes entre quatre murs. Les talibans agissent ainsi parce que c'est nous, les femmes, qui nous sommes opposées à eux. Ils pensent que les femmes sont des esclaves et ne sont pas des êtres humains. Ils pensent que nous n'existons que pour nous marier et avoir des bébés. Les talibans ne pensent pas que nous soyons capables de faire autre chose."

Les demandes de Khamosh contre les talibans à Oslo étaient une réponse aux meurtres, enlèvements et raids forcés, qui continuent de faire les gros titres. En septembre dernier, des manifestantes et des militantes des droits des femmes qui protestaient contre l'interdiction de l'éducation et de l'emploi ont été battues par les talibans à Kaboul et à Herat.

Toutefois, ces rencontres et ces menaces violentes n'ont pas réussi à ébranler la volonté des femmes afghanes.

 "S'ils pensent que nous cesserons de protester après la violence verbale d'hier, ils se trompent", a déclaré Zoya, le lendemain de sa manifestation. "Je me bats pour l'avenir de mes filles et de nombreuses autres personnes dans notre pays. Nous avons l'intention de manifester à nouveau. Non seulement contre le décret sur la burqa, mais aussi au sujet de l'éducation, la faim, la pauvreté et les droits à l'emploi."

*Les noms ont été changés pour protéger les identités

https://lesglorieuses.fr/talibans-sur-la-burqa/

Afghanistan : des présentatrices télé défient l'ordre des talibans de se couvrir le visage

Au début du mois, le chef suprême des talibans a émis un ordre selon lequel les femmes devaient se couvrir entièrement en public, y compris le visage.

Les présentatrices des principales chaînes de télévision afghanes sont passées à l'antenne, samedi 21 mai, en direct, sans se couvrir le visage. Elles ont ainsi défié l'ordre des talibans de dissimuler leur apparence et ainsi se soumettre à la vision austère de l'islam qu'ils défendent. "Nos consoeurs craignent que si elles se couvrent le visage, la prochaine chose qu'on leur dira sera d'arrêter de travailler", a expliqué Abid Ehsas, chef des informations de Shamshad TV. Mohammad Sadeq Akif Mohajir, porte-parole du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, a prévenu que ces femmes violaient la directive. "Si elles ne s'y conforment pas, nous parlerons aux responsables", a-t-il déclaré à l'AFP.

Dimanche, elles ont finalement fait volte-face. Pour présenter les journaux sur les chaînes TOLOnews, Ariana Television, Shamshad TV et 1TV, les présentatrices portaient le voile intégral, ne laissant apparaître que leurs yeux et leur front. "Nous avons résisté et étions contre le port" du voile intégral, a assuré à l'AFP Sonia Niazi, une présentatrice de TOLOnews. "Mais TOLOnews a subi des pressions, [les talibans] ont dit que toute présentatrice qui apparaissait à l'écran sans se couvrir le visage devait se voir confier un autre travail."

Depuis leur retour au pouvoir l'année dernière, les talibans ont imposé une série de restrictions insidieuses à la société civile, dont une grande partie vise à limiter les droits des femmes. Au début du mois, le chef suprême des talibans a émis un ordre selon lequel les femmes devaient se couvrir entièrement en public, y compris le visage, idéalement avec la burqa traditionnelle. Auparavant, seul un foulard couvrant les cheveux suffisait. Le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice avait ordonné aux présentatrices de télévision de s'y conformer d'ici samedi.

https://www.francetvinfo.fr/monde/afghanistan/afghanistan-des-presentatrices-tele-defient-l-ordre-des-talibans-de-se-couvrir-le-visage_5152399.html

 

Le féminisme est un cri mondial contre les guerres

Nora García parle du rôle du féminisme dans la construction d'une paix anticapitaliste

Cette année a été marquée, en plus de la guerre, par un 8 mars au cours duquel nous sommes retournées dans la rue. Dans ma ville de Madrid, des milliers de femmes sont descendues dans la rue avec la devise « des droits pour toutes, tous les jours ». Ce « toutes » et ce « tous les jours » nous disent que, pour analyser la conjoncture actuelle de tonalités géopolitiques très dangereuses, nous ne partons pas de zéro, nous ne venons pas du néant. Parce que le féminisme fonctionne à partir de la vie quotidienne de toutes celles qui font partie de nos communautés.

C’est un honneur de pouvoir parler avec des femmes aussi puissantes, des femmes du Sud global qui en savent tant et ont beaucoup à dire sur les guerres. Des femmes qui sont dans la bataille des idées, qui dans la situation actuelle met à nu les faiblesses d’une gauche qui doit être repensée et développer un nouveau cadre de contestation. Un conflit contre ceux qui, au nom de la paix et de la démocratie, établissent l’ordre des marchés, la subordination et l’exploitation des personnes et des ressources.

Le féminisme est un cri mondial qui nous offre une carte dans laquelle « nous » signifie toutes et « toutes » est ce qui nous donne des réponses. Face au « nous d’abord » de ceux qui défendent l’alliance criminelle entre le capitalisme, le patriarcat et l’impérialisme, nous disons « nous, ensemble ». C’est pourquoi des femmes de toutes les régions du monde sont descendues dans la rue pour rendre visible cet horizon violet, dans lequel nous luttons pour la paix en Ukraine, ce qui implique le démantèlement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).

Dans ce « toutes », nous n’oublions personne. Nous luttons également aux côtés des femmes sahraouies contre le régime meurtrier de Mohamed VI au Maroc en alliance avec l’Europe. Nous luttons avec les femmes palestiniennes contre l’apartheid d’Israël financé par Washington pour contrôler une région du monde qui a été empêchée de décider de son destin. Pour le Yémen, pour le Sahel, pour toutes les régions du monde, nous les femmes, nous savons que maintenant, maintenant même, alors que tout est fragmenté, divisé, polarisé, simplifié et oublié, nous devons nous arrêter, réfléchir et donner une réponse collective : un agenda féministe pour la paix. Parce que, oui, nous avons réussi à gagner l’hégémonie, parce que, oui, nous avons réussi à créer un nouveau cadre face au néolibéralisme.

Nous devons positionner notre vision du monde, celle qui élargit l’analyse, construit des alliances et génère des processus de coopération, de solidarité et de soutien mutuel, en regardant toujours celles qui souffrent, qui sont exploitées, opprimées et invisibles. C’est aussi pourquoi, alors que le sommet de la guerre est organisé ici dans ma ville, à Madrid, nous organisons le Sommet de la paix « Non à l’OTAN ».

Nous devons expliquer les éléments importants qui sont en jeu à partir de notre propre carte – sans nous perdre, sans créer un « nous » et un « autre », sans regarder à la loupe ce qui nous différencie, mais plutôt en nous organisant à partir de ce que nous pouvons dire ensemble. Et nous devons le dire précisément à partir de notre carte, qui montre un monde dans lequel l’accent doit être mis non plus sur l’argent mais sur la vie des gens et sur la planète, dans lequel la violence est comprise de manière structurelle.

Ce que nous voulons, c’est briser les fondements qui génèrent ce système violent. Nous avons donc la responsabilité et les mégaphones pour dire que la guerre n’est pas la paix, que la militarisation n’empêche pas les guerres, que la soi-disant solidarité militarisée avec l’Ukraine est une contradiction en soi. Et bien sûr, nous devons dire que la guerre et la destruction ne sont pas inévitables. La guerre est un outil pour maintenir la domination, l’exploitation et la peur, et notre responsabilité en tant que féministes est toujours avec les opprimés.

Nous ne pouvons pas défendre le pouvoir, nous devons le défier. Face au pouvoir de la guerre sur les autres, nous générons du pouvoir par la paix, du pouvoir avec les autres.

Nous, les féministes, comme on dit en Espagne, « nous avons un plan » : nous allons changer le système. Parce que c’est la base de l’iceberg qui produit la violence. Le capitalisme et le patriarcat utilisent la guerre contre nous. Le système produit des destructions et des guerres qu’il ne sait pas résoudre, et c’est à nous de ramasser les morceaux en servant de gilet de sauvetage de la vie quotidienne. La reproduction sociale repose sur nos épaules. Cela se multiplie dans des contextes de guerre, de faim et de pauvreté. Nous, féministes, nous devons donner un sens, une stratégie et une articulation politique à une paix active, qui défend les intérêts des « dommages collatéraux » ou des « pertes acceptables », comme ils nous appellent. L’économie féministe, en particulier, offre de nombreux indices sur la manière d’évoluer vers un système de paix et de justice sociale.

Une revendication féministe historique dans les mobilisations espagnoles est « ni la guerre qui nous détruit, ni la paix qui nous opprime ». C’est parce que nous comprenons que la paix n’est pas seulement un cessez-le-feu. C’est parler d’une paix durable, qui n’a pas sa place dans le capitalisme. Parler de paix et de féminisme, ce n’est donc pas seulement parler de déclarations, c’est construire une paix militante, une paix active, une lutte organisée pour faire bouger les structures de pensée et de pouvoir qui construisent le consensus selon lequel il y a des vies qui comptent et des vies qui ne comptent pas.

Comme je l’ai dit au début, dans ce contexte, nous ne venons pas du néant . Ces dernières années, nous avons travaillé ensemble pour construire un cri mondial, mais nous devons aussi nous souvenir. Nous devrions donc relire nos références féminines. On ne peut pas les oublier. Je vous invite à réfléchir main dans la main avec Clara Zetkin et Rosa Luxemburg, pour lire les discussions féministes pendant la Première Guerre mondiale. Je reprends ici une citation de Clara Zetkin lors de la 3ème Conférence Internationale des Femmes socialistes, qui a eu lieu en mars 1915 :

A qui profite la guerre ? Seulement à une petite minorité dans chaque nation. Les fabricants d’armes et de canons, de gilets pare-balles et de torpilleurs, les propriétaires des chantiers navals et les fournisseurs des besoins de l’armée. Pour leurs propres profits, ils ont suscité la haine entre les peuples et ont ainsi provoqué le déclenchement de la guerre (…) Les travailleurs n’ont rien à gagner dans cette guerre, mais sont exposés à perdre tout ce qui leur est cher.

Il y a beaucoup d’ingrédients qui se répètent en ce qui concerne les intérêts économiques. Maintenant, nos gouvernements en Europe sanctionnent la Russie, ils achètent du gaz aux États-Unis et le peuple ne peut pas le payer, l’industrie de l’armement gagne à nouveau, de nouveaux réfugiés et de nouvelles vies de faim et de misère sont créés, les haines surgissent, la « russophobie » surgit, le Lac des cygnes de Tchaïkovski est censuré, les yeux sont fermés au fascisme. Nous sommes déjà passés par là.

Et nous disons : plus jamais de paix entre les classes et de guerre entre les peuples. Crions à nouveau ensemble : paix entre les peuples, guerre entre les classes !

Nous devons nous rappeler que c’est précisément le 8 mars que les travailleuses de Petrograd sont descendues dans la rue pour crier au pain et à la paix. C’était en 1917. Ce qui a suivi a marqué l’histoire du monde. En 1915, plus d’un millier de féministes se sont rassemblées à La Haye pour arrêter la Première Guerre mondiale. Elles ont également dénoncé les conséquences du traité de Versailles. Des millions de femmes ont défilé au 20ème siècle : au Vietnam, en Algérie, en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Afrique du Sud… Et il n’y a pas si longtemps, les mères défilaient sur la Place de mai [Plaza de Mayo], à Buenos Aires, pour que personne n’oublie leurs enfants assassinés.

Toute cette histoire de lutte féministe pour une paix durable nous a appris que la paix est remplie de courage et de lutte. En avant, mes sœurs, luttons pour une paix qui ne soit pas seulement un cessez-le-feu, mais une transformation de ce monde violent en solidarité, respect mutuel, égalité, droits, coopération et durabilité de la planète. Les armes ne nous sauveront pas. Nous le ferons par nous-mêmes. Rendez-vous à Madrid au Sommet de la paix.

Nora García est diplômée en beaux-arts et vit à Madrid, où elle travaille sur son activisme féministe. Elle est membre du secrétariat européen de l’Assemblée Internationale des Peuples (IPA) et de la coordination internationale de la plateforme No Cold War [Non à la guerre froide]. Elle est responsable des questions africaines au sein de la section internationale du Parti communiste espagnol et de la section des femmes du mouvement IzquierdaUnida [Gauche unie] à Madrid. Cet article est une version éditée de son intervention lors du dialogue « Les femmes contre les guerres » organisé par Capire le 28 mars 2022.

Édition de Helena Zelic
Traduit du portugais par Claire Laribe
Langue originale : espagnol

https://capiremov.org/fr/analyse/le-feminisme-est-un-cri-mondial-contre-les-guerres/

 

Le projet israélien de colonisation des eaux palestiniennes

La saisie des rivières et des territoires palestiniens est une stratégie de domination violente d'Israël. Cet article peut également être lu en arabe.

Par Rama Sabanekh

Les sociétés colonisatrices dépendent d’une continuité pour accumuler des ressources et aliéner les autochtones de leurs moyens de subsistance, déracinant toute relation productive ou sentimentale avec leur terre. Le « Terracentrisme » agit méthodiquement pour assurer la permanence des sociétés colonisatrices, puisque le contrôle de la terre est allié au contrôle des conditions de survie. Le territoire visé par les colons de peuplement est considéré comme une « terre libre », sans tenir compte des communautés qui y résident déjà.

La colonisation de peuplement est le processus systématique de transformation du territoire à travers le contrôle des terres, des ressources et des habitants pour établir une nouvelle entité politique permanente et exclusive avec une société qui remplace, exploite et contraint les espaces de subsistance autochtones.

Dans le cas du sionisme, l’objectif était (et l’est toujours) de créer une colonisation de peuplement ethnoexclusive à travers la « nativisation » de la société des colons-immigrants. Cela s’est produit à travers la conception de continuums historiques entre la terre et les colonisateurs, évoquant des discours bibliques-religieux accompagnés d’un processus de « mémoricide », c’est-à-dire, l’effacement complet des histoires autochtones et la construction de nouvelles histoires pour les colonisateurs. De manière décisive, l’acte d’immigration en Palestine a été qualifié de « retour » à la « terre promise », dans la Bible, « Aliya » : le nom donné aux vagues d’immigration juive en Palestine.

Comme l’a écrit le sociologue Baruch Kimmerling[1], « chaque morceau de terre qui est passé sous le contrôle des Juifs, au moins jusqu’en 1947, était en possession de quelqu’un d’autre avant qu’ils ne l’acquièrent. » Le prix à payer pour la possession et la colonisation de la terre a été administré et acquis, principalement, par le Fonds national juif (FNJ), une organisation qui a rempli les objectifs d’acquisition de terres discutés lors du premier Congrès sioniste. Grâce à la culture, le sionisme a rempli les deux piliers centraux de la colonisation de peuplement : le contrôle territorial par l’appropriation de la terre natale et l’établissement d’une nouvelle communauté sociale et politique. Cela a joué un rôle idéologique important pour le sionisme, attirant davantage des immigrés-colons juifs, créant une demande de travail, de nourriture, de logement et un sentiment de communauté – des ressources vitales pour la formation d’un collectif national. Il a également établi un lien entre les colonisateurs et la terre, nécessitant la présence, l’entretien et, plus tard, la souveraineté sur la terre.

La culture est le prolongement opérationnel du mythe sioniste consistant à « faire fleurir le désert », réitéré dans la Déclaration d’indépendance et dans les déclarations de plusieurs premiers ministres israéliens. L’immigration de colons vers des terres cultivables, idéalement situées à proximité des ressources en eau, est justifiée par les arguments de modernisation et de civilisation. Cela dépend de l’hypothèse que lorsque les autochtones « existaient » pour de vrai, ils géraient mal la terre (et l’eau) et que le colonisateur blanc moderne pouvait ainsi « développer le véritable potentiel de la Terre » et « plier la nature au service de l’humanité ». Cela découle de la logique coloniale-impériale qui classe les indigènes comme inférieurs et barbares et les colonisateurs comme supérieurs et intelligents.

Hydrofrontières : entre impérialisme, occupation et invasion

Période Pré-Nakba/État

 La région entourant la Palestine a été gouvernée par l’Empire Ottoman jusqu’à sa chute après la Première Guerre mondiale. Les autorités britanniques, françaises, italiennes et russes se sont engagées dans des négociations secrètes pour diviser la région. Ces pourparlers ont abouti à l’accord Sykes-Picot de 1916, qui a établi des systèmes de mandat et de gouvernance directe dans le « Croissant fertile », des parties du Hedjaz, en Turquie, jusqu’au mont Ararat. La création de frontières impériales au Levant est une conséquence directe de la logique de défaire/faire des espaces coloniaux « productifs » – ce qui a coïncidé avec les aspirations sionistes. Cependant, dans ce scénario, la majeure partie de la Palestine a été attribuée en tant que zone internationale. La frontière nord de la Palestine à cette époque s’étendait d’un point près de Nahariya à un point nord-ouest sur le lac de Tibériade. La déclaration Balfour a contesté cet arrangement en 1917. C’était une promesse écrite du gouvernement britannique à Lord Rothschild d’aider à établir un « foyer national » pour les Juifs en Palestine, ce qui signifiait en fait que les intérêts britanniques étaient alignés sur les intérêts sionistes.

Les aspirations sionistes pour les eaux du nord ont été annoncées par les Britanniques dans les discussions franco-britanniques de 1920, où ils ont demandé d’étendre les limites du territoire pour inclure tout le bassin du Jourdain depuis la colonisation de Mettula [al Mattaleh] au nord et à l’est des sources de Banias et de la ville de Quneitra, en plein territoire occupé par la France. En retour, les Français ont obtenu le droit de gouverner directement toute la Syrie et le Liban, niant le Sykes-Picot et tuant toute aspiration à un État arabe indépendant. Les parties se sont engagées à ce que toutes les colonies juives dans le Nord soient sous mandat britannique en préparation de la prise de contrôle sioniste de la terre, et les Collines du Golan seraient sous mandat français. Cet accord a été signé en 1923 entre le colonel Paulet, français, et le colonel Newcombe, britannique.

À la suite des révoltes paysannes palestiniennes de 1936, la commission Peel a présenté la première proposition de partition du mandat britannique de la Palestine. Il a divisé le territoire entre un État juif, un État arabe et une zone de mandat britannique, proposant un transfert de population. La frontière tracée attribuait les districts nord riches en eau et la moitié de la côte ouest à l’État juif, tandis que l’État arabe conserverait la moitié inférieure de la côte et le désert du sud et la majeure partie de la frontière orientale (position en aval du Jourdain). Jérusalem et Tel Aviv resteraient sous mandat britannique. Cette proposition a été rejetée par les Sionistes et les Palestiniens.

Avec la montée des tensions et des horreurs de la Seconde Guerre mondiale contre la population juive d’Europe, la Société des Nations a proposé la partition de la Palestine en 1947, attribuant plus de la moitié du territoire à un État juif. Cela a également été rejeté et a abouti à la guerre de 1948. Les Palestiniens ont été chassés de leurs maisons dans ce qui est devenu connu sous le nom de Nakba (catastrophe) et les Sionistes ont déclaré un État israélien sur les terres vidées et revendiquées par leurs forces.

Période Post-Nakba/État

Après le mouvement sioniste avoir réussi à faire pression sur les mandats britannique et français pour qu’ils incluent les marais fertiles de Haute Galilée et de Hulla (connus sous le nom de Jorat al Thahab) dans le mandat de Palestine, les dirigeants israéliens ont aspiré à une nouvelle expansion territoriale. L’opération Hiram a été lancée par l’armée israélienne et a occupé 18 villages autour du fleuve Litani. Israël a réussi à en tirer 2 000 dunams (2 km²) des territoires libanais de son côté de la frontière d’armistice formulée en mars 1949. Dès le début, Israël a dépassé les trois accords d’armistice et était désireux d’établir sa position d’hydrohégémonie conquérant des territoires. Israël était intéressé par le contrôle des aquifères du Wadi Araba et des lits de rivières riches en minéraux. Il a établi des colonies agricoles à l’intérieur du territoire jordanien en 1951, s’étendant à l’est de la frontière sur 320 km² et occupant la région de Jisr al Majame’/Al Baqoura dans le triangle de Yarmouk. En outre, Israël a commencé à opérer son projet de construction de l’Aqueduc national [National Carrier] dans la zone démilitarisée au nord de Tibériade, une violation flagrante des termes de la paix avec la Syrie.

Pour tenter d’apaiser les « tensions », les Américains ont proposé le Plan directeur dans le cadre des négociations de Johnston de 1953, auquel Israël a présenté un contre-plan appelé Plan Cotton. Le plan d’Israël prévoyait de détourner l’eau du fleuve Litani vers le fleuve Hasabani pour la pomper vers Tibériade, puis vers le Transporteur national. Les plans ont échoué après avoir été rejetés par la Ligue arabe et l’arrivée au pouvoir de Ben Gourion. Alors qu’Israël achevait son projet de Transporteur agressif, privant les États riverains de grands débits d’eau, le Sommet arabe de 1964 a recommandé un plan de dérivation pour contrer l’hégémonie hydroélectrique israélienne.

Les échecs des projets arabes combinés à la guerre de 1967 signifiaient que les dirigeants israéliens n’avaient plus à cacher leurs plans d’expansion territoriale. Israël a envahi les Collines du Golan, les fermes de Cheba et la Cisjordanie cette année-là. Ce faisant, Israël a étendu son contrôle à tous les affluents du bassin supérieur du Jourdain. La carte officielle de l’État d’Israël, publiée par le ministère des Affaires étrangères, ne reconnaît pas la Cisjordanie et les Collines du Golan comme territoire occupé et étend ses frontières internationales jusqu’à ses bords orientaux. Les collines sont une zone hydrostratégique et fournissent un tiers de la consommation d’eau douce d’Israël. Contrôler les collines signifiait contrôler le mont Cheikh/Hermon, un objectif central des premières hydropolitiques sionistes. En outre, l’occupation a privé la Syrie de sa part d’eau dans le bassin du Jourdain.

Depuis lors, Israël exerce un contrôle total des eaux et prive les agriculteurs syriens de puits ou d’accès à une partie de ce qui est utilisé par les colons israéliens.

L’invasion du sud du Liban en 1978, l’opération Litani (en l’honneur du fleuve !), suivie de l’occupation de 1982 et de l’invasion de 2006 étaient justifiées par des préoccupations sécuritaires. Cependant, il est assez suspect que les ambitions de Litani et de Wazzani fassent en fait partie intégrante des agressions.

Le traité de paix avec la Jordanie en 1994 a donné lieu à des formes de pratiques hydrohégémoniques dans les négociations. Tout d’abord, les terres de Wadi Araba, où des colonies israéliennes ont été construites, ont été délimitées en territoire israélien. En retour, Israël a offert des terres rocheuses, impropres à l’agriculture, pour passer sous la souveraineté jordanienne. En visualisant la carte satellite de la région, on peut voir comment tous les lits et sources des rivières, auparavant sur le territoire jordanien, ont été attribués à la souveraineté israélienne (je nomme les sources WiBa/Yahev, les lits des rivières Paran, Arava, Shilhav et Shivya).

Deuxièmement, l’article quatre de l’annexe deux du traité mentionne explicitement le droit d’Israël de continuer à utiliser l’eau des puits forés du côté jordanien de Wadi Araba, et de demander plus d’approvisionnements en eau sous le voile du Comité des eaux partagées. Deux régions occupées, al Baqoura/Nahariyam et Al Ghamr/Tzofar sont restées sous le contrôle total d’Israël (sous « régime spécial ») pendant 25 ans, au cours desquels les Israéliens avaient un accès illimité aux débits d’eau de la Jordanie. La Jordanie pouvait exercer sa souveraineté sur ces lieux depuis novembre 2019.

Déséquilibre de pouvoir

En conclusion, j’ai essayé de situer les agressions spatiales israéliennes actuelles dans l’histoire plus large de la pensée sioniste. Ce que cette étude a montré, c’est la centralité de l’eau à la frontière sioniste et israélienne, un processus qui prospère en étendant le contrôle de l’État au maximum des ressources en eau. Israël est un État de colonisation de peuplement basé sur l’hydroterritorialisation, soit par lobby, par négociation ou par usage explicite de la force.

J’ai reconnu le déséquilibre des pouvoirs et j’ai donc rejeté l’hypothèse selon laquelle Israël est un acteur égal dans les conflits de l’eau, estimant au contraire qu’il s’agit d’une force hégémonique qui s’approprie historiquement et systématiquement la terre et de l’eau en Palestine et dans la région. Les ambitions sionistes d’étendre les frontières de l’État « futur » à l’ensemble du Golan et au sud du Liban se sont matérialisées peu de temps après le début de l’État, au mépris total des lois internationales. Cela a été suivi par la pratique de l’hydrohégémonie pour le bassin du Jourdain et le refus de participation des États riverains.

[1] Baruch Kimmerling, 1983. Zionism and territory: The socio-territorial dimensions of Zionist politics. Université de Californie.

Rama Sabaneh est journaliste et chercheuse. Elle écrit sur l’économie politique, la géographie et la violence au Moyen-Orient. Cet article est une version abrégée de l’article « CUnderstanding Israeli Boundaries As Hydro-territorial: A Study In Zionist History And Practice », présenté pour une discipline du King’s College London.

Édition par Bianca Pessoa et Helena Zelic
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

https://capiremov.org/fr/analyse/le-projet-israelien-de-colonisation-des-eaux-palestiniennes/

 

Données officielles sur les femmes autochtones disparues et assassinées : la pointe de l’iceberg?

Des disparités persistent entre les données officielles de la police et celles des communautés autochtones sur le nombre de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées.

Malgré les efforts du gouvernement canadien pour peindre un portrait d’ensemble du génocide des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées (FFADA), les données officielles sont insuffisantes. Aujourd’hui, des organismes autochtones demeurent en première ligne des efforts pour combler le manque de données.

Au niveau national, c’est l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) qui a bâti la première banque de données sur les féminicides et les disparitions de femmes autochtones. Pour Elisha Corbett, responsable du département des FFADA à l’AFAC, le déficit de données découle principalement du manque d’intérêt de la police envers la situation. « Selon les chiffres officiels de la GRC, il y aurait environ 1200 cas de FFADA au pays. Les chefs, les communautés et les activistes autochtones estiment depuis des années que ce chiffre se situerait plutôt autour de 4000 cas », explique-t-elle. 

Les femmes autochtones sont largement surreprésentées dans les cas de féminicides et de disparitions au Canada. Elles sont 25 % plus à risque d’être victimes d’un homicide que les autres Canadiennes.

« Nous ne pouvons pas faire face à la violence accablante du génocide envers les femmes et les filles autochtones sans connaître l’ampleur du phénomène », signale Mme Corbett. « Comment pouvons-nous créer des services et des programmes adéquats si nous n’avons même pas toutes les données nécessaires pour dresser un portrait global de la situation? »

Elisha Corbett dénonce le traitement accordé aux cas de disparitions des femmes autochtones : « Beaucoup de signalements de disparitions ne sont pas pris au sérieux. La police classe ces cas comme étant des fugues, à cause de faux récits sur les styles de vie “risqué” des femmes autochtones. Ce sont des récits blessants et mensongers qui perpétuent l’inaction des gouvernements et des forces policières. »

Elle rappelle le cas de Chelsea Poorman, une femme crie de 24 ans portée disparue à Vancouver en 2020 et dont le corps a été retrouvé à la fin du mois dernier. Il a fallu dix jours après le signalement de sa mère pour qu’un avis de disparition public soit émis par les autorités. 

La responsable attribue également le manque de données sur les FFADA à la méfiance des familles autochtones envers les forces policières, en raison d’une histoire et de politiques coloniales de longue date qui prévalent encore aujourd’hui.

Une plateforme par et pour les communautés autochtones

La plateforme Safe Passage, une initiative de l’AFAC, permet aux familles et aux proches de signaler eux-mêmes les cas de FFADA. « On veut que cette plateforme donne du pouvoir aux survivantes et aux proches des disparues. Notre but, c’est qu’ils et elles se sachent validé·es et entendu·es, sans jugements et sans biais », explique Mme Corbett.

Les données de la plateforme sont anonymisées et classées selon le type de cas (disparitions, mortalités suspectes et meurtres). Une carte permet de voir la densité des cas selon les régions. Plus de 1000 cas ont déjà été signalés par les communautés autochtones du pays. Une mise à jour dans les prochains mois intégrera plusieurs centaines d’autres soumissions, indique Mme Corbett.

L’AFAC a de nombreuses idées en route pour bonifier la carte de Safe Passages. Entre autres, la carte intégrera un nouvel outil de signalement qui permettra aux personnes autochtones de répertorier les rencontres dangereuses qu’elles ont faites, qu’il s’agisse de violences physiques et sexuelles dans certains lieux publics ou de racisme systémique dans les institutions, comme celles vécues dans les hôpitaux.

« L’enjeu des FFADA, ce n’est pas seulement un chiffre. Il s’agit de préoccupations permanentes pour les communautés autochtones », rappelle Mme Corbett. 

Les FFADA au Québec

Janis Qavavauq-Bibeau est coordonnatrice de recherche au Foyer pour femmes autochtones de Montréal, un centre d’accompagnement offrant des services et des ressources pour aider les femmes autochtones dans le besoin. Elle développe une base de données répertoriant des informations sur les FFADA au Québec. Ses recherches permettent de repérer nombre de décès et de disparitions qui ne seraient pas nécessairement considérés par la police.

Pour collecter ces données, Mme Qavavauq-Bibeau épluche surtout les archives de journaux, sa première source d’information. Le premier cas répertorié dans sa banque de données remonte aux années 1800.

Elle prend également contact avec les familles des proches disparues, ou des personnes sans-abri, qui pourraient avoir des informations sur ces cas. Elle utilise aussi les réseaux sociaux, notamment le groupe Facebook « Missing & Murdered Indigenous Women in Canada », pour glaner et demander des informations sur des cas de meurtres et de disparitions signalés chaque semaine par les communautés autochtones du Québec.

En plus de répertorier les cas de meurtres et de disparitions, Mme Qavavauq-Bibeau répertorie aussi les suicides, les agressions sexuelles ou les violences physiques précédant les décès.

Elle répertorie également les accidents mortels résultant de situations de précarité, tels que cette mort accidentelle d’une jeune fille de douze ans décédée à Salluit, au Nunavik, après avoir été frappée par un palet à la tempe gauche lors d’un match de hockey. « Il n’y avait pas de filet de sécurité pour protéger les spectateurs », explique la coordinatrice.

« Si elle avait été à Montréal ou dans une autre grande ville, ça ne serait pas arrivé. Le facteur systémique de la pauvreté a joué un rôle dans son décès. »

Les suicides présumés par la police sont aussi pris en compte par Mme Qavavauq-Bibeau : elle croit que les chiffres officiels des meurtres de femmes et de filles autochtones seraient beaucoup plus grands si la police prenait le temps nécessaire pour enquêter sur ces morts suspectes. La coordonatrice donne l’exemple de Siasi Tullaugak, une jeune femme inuite retrouvée pendue sous un balcon au centre-ville de Montréal : son décès a été classé comme un suicide en deux jours seulement, malgré les circonstances suspectes de la scène de crime.

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La sensibilisation comme arme contre les violences

En plus de son travail de collecte de données, Janis Qavavauq-Bibeau dédie aussi du temps à la sensibilisation du public. La coordinatrice utilise les réseaux sociaux pour faire connaître les tragédies des FFADA, mais aussi pour dénoncer les inégalités et le racisme que continuent de vivre les communautés autochtones. Celle qui prend actuellement des cours de production de baladodiffusion compte lancer son propre balado sur les réalités autochtones au courant de l’été.

Elle se réjouit de voir apparaître de plus en plus de créateur·trices autochtones qui font entendre leur voix sur les réseaux sociaux pour parler des tragédies affligeant leurs communautés, mais aussi pour partager la richesse et la beauté des traditions autochtones.

La coordinatrice inuk a elle-même vécu une enfance marquée par des tragédies familiales violentes. Son travail de collecte de données, d’accompagnement de femmes en situation de détresse et de sensibilisation au Foyer des femmes autochtones lui a fait réaliser qu’elle n’était pas seule dans cette situation. « Je pensais que ce n’était que ma famille qui vivait ces choses-là. Depuis, je réalise que c’est une majorité des familles autochtones qui ont vécu des meurtres, des disparitions et des décès prématurés survenus dans des circonstances nébuleuses. »

Son implication dans la communauté et sa prise de conscience de la résilience de son peuple malgré l’adversité lui donnent une inspiration et une force nouvelles. « Avant, j’avais honte d’être Inuit. Maintenant, j’en suis fière. »

https://pivot.quebec/2022/05/21/donnees-officielles-sur-les-femmes-autochtones-disparues-et-assassinees-la-pointe-de-liceberg/

 

L’industrie pornocriminelle cible les enfants et la justice abdique !

Communiqué de Osez le féminisme !

Malgré la loi qui l’interdit, l’industrie pornocriminelle cible les enfants, les conditionne à l’érotisation de la violence sexuelle, à la culture du viol, à la haine des femmes, à la haine raciale, en toute impunité. L’ARCOM a saisi le 8 mars 2022 la justice qui vient ce 24 mai de refuser le blocage de cinq sites pornographiques pourtant mis en demeure de vérifier l’âge des internautes. La Justice a fait primer les intérêts des pornocrates et des “consommateurs” de pornographie sur les droits fondamentaux et l’intégrité psychique et physique des enfants.

La star Billie Eilish a déclaré avoir visionné du porno dès l’âge de 11 ans, et que cela avait “détruit son cerveau”. Au moment d’entrer dans la sexualité, “dévastée” par la pornographie, elle n’a pas réussi à refuser des pratiques violentes non désirées et reste hantée par des cauchemars, conséquences traumatiques de son exposition précoce à des violences sexuelles pornographiques.

Selon une étude américaine, 88% des vidéos contiennent des scènes de violence sexuelle (1) (gorge profonde agressive, étranglement, sodomie violente, éjaculation faciale, coups, tirage de cheveux, crachats, urine, bukkake…). Faute d’éducation à la vie sexuelle et affective, ces vidéos pornographiques éduquent les adolescents et adolescentes à l’érotisation et à la banalisation de la violence sexiste, à la haine des femmes, à la haine raciale. Selon l’étude de “Mémoire traumatique et victimologie” de février 2021, à cause de la pornographie, les jeunes sont la tranche d’âge qui adhère le plus à la culture du viol (34% des hommes de 18 à 24 ans pensent que quand une femme dit “non”, elle pense “oui”). Les jeunes, dont le cerveau est en construction (2), peuvent développer une addiction, recherchant des contenus de plus en plus violents, et deviennent incapables d’entrer dans des relations affectives ou sexuelles basées sur la bienveillance et le désir partagé : hausse de sentiments dépressifs et détérioration de la santé mentale, problèmes d’érection pour les garçons, incapacité pour les filles à nommer et à refuser des pratiques sexuelles violentes. A l’heure de #METOO, la pornographie est responsable d’une immense crise de santé publique.

L’industrie pornographique ne s’y trompe pas en inondant de contenus pornos, par le biais de pop-ups, les plateformes de streaming et de jeux en ligne, très souvent utilisés par les enfants et les adolescents. Par ailleurs, les pornocrates, qui disposent de moyens illimités, font aussi un lobbying intense avec les meilleurs cabinets d’avocats pour se soustraire à l'obligation de vérifier l'âge de leurs utilisateurs (3) 

Si en effet le Code pénal interdit d’exposer les mineur.es à de la pornographie, les sites n’ont jamais appliqué cette loi, se contentant de demander en un clic “avez vous bien 18 ans ?” à l’entrée du site. L’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 oblige dorénavant les sites à contrôler effectivement l’âge des internautes, et donne mandat à l’ARCOM de vérifier la mise en place de dispositifs efficients. Il a fallu attendre octobre 2021 pour obtenir le décret d’application, puis attendre décembre 2021 pour obtenir une première mise en demeure de l’ARCOM sur 6 sites signalés par les associations de protection de l’enfance dès 2020. De son côté, en décembre 2021, Osez le Féminisme ! a fait une seconde saisine auprès de l’ARCOM sur 118 sites ne respectant pas la loi. Nous attendons la réponse de l’ARCOM !

Parmi les 6 premiers sites mis en demeure, “Jacquie & Michel” prétend avoir mis en place un dispositif de contrôle, qui se révèle inefficace (4). Ce dispositif, non conforme, a suffi à l’ARCOM pour ne pas les inquiéter pour l’instant. Les autres sites, Pornhub, Tukif, XHamster, XVideos et Xnxx ont tout bonnement ignoré les mises en demeure de l’ARCOM qui les a renvoyés devant la justice. Mais ce 24 mai 2022, la Justice a refusé le blocage des sites incriminés, arguant d’une “erreur de procédure”. Jouer des délais pour rester dans l'illégalité est une stratégie parfaitement assumée de l’industrie pornocriminelle.

En parallèle, Osez le Féminisme ! a signalé plus de 200 vidéos de contenus illicites à la plateforme PHAROS : vidéos pédocriminelles, de violences sexuelles, d’acte de torture, ou d’apologie de la haine raciale, ou d’incitation à commettre un crime (viol, inceste…). Aucun contenu n’a été retiré pour l’instant. 

En somme, la diffusion des contenus sexuels et misogynes est hors de contrôle, au plus grand bonheur des pornocrates. L'échec de l’ARCOM à obtenir de la Justice le blocage des sites est une honte. Face à une industrie pornocriminelle dans la totale illégalité, l’État comme la Justice tergiverse, attend et finalement abdique. Nous exigeons que la pornographie cesse d’être cette zone de non-droit, et qu’une réponse forte et efficace soit enfin enclenchée.

(1)https://www.humanite.fr/en-debat/pornographie/plusieurs-etudes-alertent-le-porno-violent-culture-secrete-des-adolescents

(2)https://theconversation.com/la-pornographie-modifierait-le-cerveau-decouvrez-comment-128047 

(3)https://www.lavoixdux.com/2021/12/06/breve-136-xvideos-engage-la-creme-du-lobbying-de-lempire-bollore/

(4) “Jacquie & Michel” a osé fallacieusement plaider “l’erreur technique” devant la commission sénatoriale s’étonnant que le contenu pornographique soit encore accessible.  

 


 

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