28 déc 21 Rachel MORAN "L'enfer des passes" Remue Méninges Féministe Radio Libertaire 89.4

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L’invitée de notre dernière émission de l’année 2021 : Rachel MORAN pour son livre récemment traduit en français « L’enfer des passes – Mon expérience de la prostitution » aux Éditions LIBRE.

Rachel Moran a présenté son livre à l’occasion d’une tournée, dans plusieurs villes de France et à Bruxelles, organisée du 12 au 20 novembre 2021, par le Mouvement du Nid, l'éditeur et CAP international, la coalition pour l'abolition de la prostitution.

L'enfer des passes - Mouvement du Nid https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/culture/enfer-des-passes/

- Carnets d’adresses féministes : « Contre les violences faites aux femmes », « Le droit de choisir », « Adresses des Maisons des Femmes », « Collectifs d’associations féministes ».

- Informations féministes suivi de l’agenda éco-féministe

- Musiques : "Frangines" Anne Sylvestre (indicatif de début); « Slightly all the time »Soft Machine ; « Mary Joyce » Devil’s Dream Geneviève Orvoën Carlier ; « Venues de tous les horizons » Claude Michel ; « Rock me more and more » Colette Magny ; « Forever Young, Gifted and Black » Nina Simone ; « Fight » Macha Gharibian ; « Why » Jimmy Somerville  ; « Woman » Neneh Cherry ; "Dans nos chants" Anne et Edwige des Entresorceleuses  (indicatif de fin).

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On peut revoir les rencontres de la Cité Audacieuse et le lundi de Prostitution et Société sur la chaine youtube du Mouvement du Nid France. 

https://www.youtube.com/channel/UCA1xMxyiUkKF18ySWbBOTNQ

Rachel Moran à la Cité Audacieuse pour la parution de "L'enfer des passes"

https://www.youtube.com/watch?v=kT98zKfFayY

Lundi de Prostitution et Société à l'écoute des survivantes : Rachel Moran et Amelia Tiganus

https://www.youtube.com/watch?v=dab9epeHGCI

 

 « L’enfer des passes – Mon expérience de la prostitution » Rachel MORAN  Éditions LIBRE.

Présentation du livre de Rachel MORAN par Sandrine Goldschmidt - 8 novembre 2021  

L’essai majeur de Rachel Moran,« PaidFor »,est enfin traduit en français, sous le titre « L’enfer des passes » aux Editions LIBRE.

C’est peu dire que ce livre essai-témoignage de la survivante irlandaise Rachel Moran, « L’enfer des passes, mon expérience de la prostitution » est important, et qu’on attendait depuis des années sa traduction. Reconnu par de nombreuses personnalités (Gloria Steinem, Catherine Mac Kinnon, Ashley Judd) comme l’un des plus importants jamais écrits sur la prostitution, il n’a, sept ans après, rien perdu de sa clairvoyance.

La fondatrice de Space international, association de survivantes de la prostitution, commence le livre en racontant ce qui l’a menée à être prostituée : la maladie mentale de ses parents, la maltraitance, la rue, les foyers, puis le « petit copain proxénète ». «Différents éléments s’emboîtèrent parfaitement de sorte que la prostitution se présenta à moi comme étant la seule option qui me paraît viable », dit-elle.

 L’enfer des passes, un système fait pour les hommes

Tout au long de l’ouvrage, elle décortique à merveille le système qui l’a menée et maintenue en prostitution, et qui ne pénalisait pas les hommes prêts à payer une gamine de 15 ans pour du sexe. Elle refuse d’abord, pendant deux ans, autre chose que la masturbation et la fellation. Ce qui ne la protégea ni de la violence de la prostitution, ni du viol. Puis, elle a accepté la pénétration et a connu toutes les formes de prostitution, de la rue au bordel en passant par le strip-tease.

Arrêtée une fois, mise en foyer une autre, elle explique comment personne n’a pu, à ce moment là, l’aider à sortir de l’isolement, à la convaincre qu’elle était capable d’autre chose que d’être payée par ces hommes. Elle se sentait alors totalement incapable d’occuper des emplois « normaux », « coiffeuse », « barmaid » ou autre, car « ces emplois socialement acceptables avaient une certaine adéquation,une certaine normalité,une certain décence ;et c’est triste parce que je ne sentais en moi aucune adéquation, aucune normalité et aucune décence ».

L’acte prostitutionnel, « l’enfer des passes », elle le décrit aussi dans toute sa brutalité, et aborde la question de la honte frontalement. En effet, cet argent dont tant ont dit qu’ils leur « brûlait les doigts », Rachel MORAN explique comment il est insupportable, car il instaure une double peine pour la femme qui est contrainte de l’accepter pour survivre :

« Lorsque vous vous prostituez, vous réprimez les violences sexuelles qui sont faites à votre corps tout en acceptant l’argent qui les autorise ».

Les « clients » prostitueurs : le dégoût

Des prostitueurs, elle dit sans cesse le dégoût qu’ils lui inspiraient, quel que soit leur « degré de gentillesse ». Pour elle d’ailleurs, la rue fut plutôt une protection que le bordel – plus facile de repérer le mauvais ‘client’ et de s’échapper. Un dégoût universel, pour des prostitueurs au degré de dangerosité divers.

Elle les répartit en trois catégories. Ceux qui « ne sont pas conscients que la femme est un être humain. (...) Ceux qui le savent, mais qui choisissent délibérément d’occulter l’humanité de la
femme ». Enfin, « ceux qui jouissent en dénuant les femmes de leur humanité et vous font savoir que nous n’êtes rien ».

Dans la deuxième partie du livre, la survivante devenue journaliste et écrivaine, balaie magistralement, un par un, tous les mythes de la prostituée « heureuse », « qui a la maîtrise de la situation », « qui prend du plaisir », le mythe des « catégories de prostitution » (choisie ou forcée), autant de chimères adoptées par la société complaisante. Adoptées aussi par celles-là même qui vivent une situation de prostitution, comme stratégie de survie.. Elle décrit aussi évidemment la dissociation, toxicomanie, la dépression, les envies suicidaires qui traversent les victimes.

Le travail du sexe, l’imposture

Enfin, dans « L’enfer des passes », elle déconstruit le mythe de l’existence d’un travail sexuel dans une démonstration magistrale de ce que la prostitution n’est « ni un travail, ni du sexe ».

« De nombreux aspects de la prostitution la rendent incompatible avec le terme de «travail», mais l’un des plus importants et des plus révélateurs, c’est que c’est la seule forme de prétendu « travail » où une personne est à la fois prestataire de services et marchandise ».

Et de citer la réponse d’une femme face à l’idée que ce ne serait pas pire que de travailler au MacDo :

« Chez Mc Donald, ce n’est pas vous la viande. Dans la prostitution, si» .

Dans la dernière partie du livre, elle examine avec lucidité et une grande honnêteté la vie après la prostitution. En racontant ce si long chemin pour s’en sortir, sortir de la honte et retrouver l’estime de soi,

Rachel MORAN ne cède jamais à la complaisance vis-à-vis d’elle même, ni dans le jugement des individu·es, mais bien celui du système de domination masculine.

De ce témoignage et cette analyse, Rachel Moran conclut fort logiquement que le seul modèle possible est celui du féminisme abolitionniste, et que la légalisation est une impasse -ce qu’elle a vu de la pseudo-sécurité des bordels tolérés en Irlande le confirme.

Depuis, elle n’a cessé de poursuivre la réflexion. Si, dit-elle dans la préface de la traduction française, sa pensée à évolué depuis 2013, en particulier vis-à-vis de l’enjeu du langage, ce qu’elle souhaite avant tout c’est que la parole des survivantes soit entendue. Parce que si des pays comme la France ont gagné la bataille législative abolitionniste, il ne faudrait pas qu’ils perdent la bataille culturelle, autrement dure à mener.

Sandrine Goldschmidt chargée de communication au Mouvement du Nid et militante féministe

https://mouvementdunid.org/


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